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Marie-Noëlle Baechler est l'administratrice et la créatrice de ce blog. Elle vit quelque part sur cette planète, dans un pays de langue française. Elle a actuellement un job d'ingénieur et de cadre pour une institution publique. Elle vit en couple et a de nombreuses amies.

Caverne et cosmos

Michael Harner, Mama Editions, 2014
Michael Harner, Mama Editions, 2014

Avec quelques autres (Sandra Ingermann, Barbara Tedlock, etc.), Michael Harner fait partie des auteurs dont l’expérience et le sérieux en matière de chamanisme est indiscutable à mes yeux.

Publié en 1980, the way of the shaman (2011 pour la traduction française (*)) et sa définition d’un « chamanisme essentiel », commun à la plupart des traditions (et diffusé via sa fondation), a fortement contribué à faire connaître et à populariser les pratiques chamaniques auprès des personnes vivant en occident.

Sa démarche n’est, bien sûr, pas restée sans critique.

Pour les anthropologues des années 70, Michael Harner a « franchi le rubicond » et « trahi la cause » en acceptant le bien fondé des expériences des personnes des peuples premier qu’il rencontrait, en se faisant initier et en diffusant leur expérience sans la distance, la critique, le scepticisme et le paternalisme indispensable à leurs yeux.

A vouloir définir un ensemble de pratiques conçues comme « essentielles », il en a inévitablement exclu d’autres (comme, par exemple, la référence aux quatre directions de la roue de médecine et l’ensemble des expériences chamaniques spécifiquement féminines (**)). Il a sorti les pratiques qu’il considère comme essentielles des contextes culturels dans lesquelles elles existent aujourd’hui. Ceci a suscité la fureur des personnes pour qui ces éléments sont essentiels.

Quant à l’accusation qu’on lui a faite d’avoir « volé le savoir des peuples premiers » et de se contenter de « faire de l’argent sur leur dos », je sais par ma propre expérience que, pour faire fonctionner une fondation et pour financer des recherches, il faut de l’argent. Le fait de rendre les stages de la FSS payants (et à un coût raisonnable) ne signifie pas que Michael Harner se soit enrichi personnellement.

A mes yeux, le voyage chamanique dans les mondes d’en haut et d’en bas au son du tambour (et sans la moindre utilisation de substance) que définit le « chamanisme essentiel » est en effet une pratique de base. Le chamanisme ne se réduit pas à cela, bien sûr. Mais c’est un outil qui, une fois qu’il est un peu intégré, permet aux personnes qui le souhaitent de poursuivre leur chemin par elles-mêmes et avec les guides qui leur correspondront. Une correspondance avec des membres de la faculté de la Foundation for Shamanic studies m’a confirmé que c’est ainsi qu’elles perçoivent leur mission.

Trente ans après son premier ouvrage, Michael Harner vient d’en publier un deuxième, « Caverne et cosmos », fruit de ses expériences durant toutes ces années et de son parcours de vie (***). Dans ce texte, très riche, il partage ses expériences de vie qu’il juge essentielles. Certaines de ces dernières sont liées à son propre parcours de vie et à sa recherche d’esprits alliés pour pouvoir mener son propre chemin. Une autre, plus générale est que les esprits sont réels (ce ne sont pas que des archétypes), qu’ils aspirent à être reconnus et qu’ils agissent en ce sens à de nombreuses occasions.

Une autre encore est une synthèse des expériences faites par des personnes d’occident lors de voyages chamaniques. C’est un peu comme la première exploration d’un nouveau monde. La carte n’est de loin pas complète. Elle l’est d’autant moins que la manière dont chaque personne fait ce genre d’expérience est unique et personnalisée. Cela me semble néanmoins important de constater que ces personnes refont des expériences que les chamanes des peuples premiers ont fait depuis des millénaires. J’espère que cela contribue et contribuera toujours plus à ce que ces peuples soient respectés, que l’importance et la valeur de leur apport soit reconnue, que leur dignité, leurs droits et leurs terres soient tout autant pris en compte et respectés.

Il me semble tout aussi important de noter que les personnes qui entreprennent ce genre de parcours font l’expérience que nous ne sommes pas séparés des autres êtres vivants et de la nature, mais que nous formons un tout interdépendant, que nous nous devons de le respecter. Ce faisant, nous vivons un sentiment « d’être reliés » très puissant et satisfaisant.

Pour finir, cette synthèse reprend les expériences de personnes qui ont des origines fort diverses. Il est possible de venir d’un environnement chrétien, bouddhiste ou autre et de faire l’expérience de voyages chamaniques. Les résultats sont parfois surprenants et ils peuvent aider à ce que les uns acceptent mieux les expériences et les parcours des autres et réciproquement.

Bref, ce texte me parait vraiment très riche et susceptible de toucher tant les personnes qui ont déjà fait l’expérience de voyages chamaniques que les personnes qui sont curieuses ou qui s’intéressent à ce que cela peut représenter.

 

(*) Voir, Michael Harner, la voie du Chamane, Mama Editions, 2011

(**) Voir Barbara Tedlock,The Woman in the Shaman’s Body: Reclaiming the Feminine in Religion and Medicine, Bantam; reprint edition, 2005

(***) Voir, Michael Harner, Caverne et Cosmos, Mama Editions, 2014

 

 

Tirer les cartes, un plaisir particulier

Reproduction de cartes datées d'environ 1420 et appartenant au jeu "Pierpont-Morgan Bergamo Visconti-Sforza"
Reproduction de cartes datées d’environ 1420 et appartenant au jeu « Pierpont-Morgan Bergamo Visconti-Sforza »

Voilà bien une activité un peu sulfureuse pour une ingénieure! Mais j’aime bien tirer les cartes.

La divination est une activité humaine très ancienne, qui fait partie d’un très grand nombre de traditions chamaniques de par le monde. Ca ne me surprend pas vraiment de voir que tous les peuples qui ont disposé de l’imprimerie ont utilisé les cartes comme support pour cette pratique.

Selon les résultats de mes petites recherches sur Internet, il semblerait que les jeux de cartes soient nés en chine au 7ème siècle, époque où les chinois maitrisaient déjà la xylogravure ((*), (**) et (***)). Elles seraient apparues en Europe vers la fin du 14ème siècle via l’Egypte et l’Italie. Le Tarot serait apparu à la cour de Milan entre 1440 et 1450 (**). Son utilisation divinatoire est explicitée pour la première fois dans le 8ème volume du « Monde primitif » D’antoine Court de Gébelin (****), publié entre 1773 et 1782. Par contre il n’est pas possible de dater cette même utilisation dans la culture populaire, faute de trace écrite.   Entretemps, les tarots se sont déployés dans différentes éditions, française, italienne, allemande, anglaise, etc. correspondant à des pays et des langues différentes. Les symboles représentés dans les différentes éditions et leur interprétation a aussi évolué dans le temps. Cette tradition est restée vivante et évolutive.

Aujourd’hui, en plus des tarots, la variété des jeux de cartes divinatoires a explosé. Il y a ceux qui se conforment au format du tarot (« tarots zen », « tarot des anges », « cartes de l’enfant intérieur », …) et d’autres qui s’en libèrent (« Les messages de l’univers », « cartes oracle des déesses », etc.). Et ils ont un succès certain.

Mais à quoi bon?

Pour  commencer, nombre de ces jeux de carte sont superbes et ils me plaisent. Leur iconographie est magnifique et c’est un plaisir pour moi que de les contempler.

Jouer avec des amies est aussi quelque chose d’agréable. Ces cartes permettent souvent des partages sur des sujets un peu inhabituels que nous n’aurions pas abordé autrement.

Tirer les cartes est un moyen de me mettre à l’écoute de mon intuition et de découvrir où elle me mène. Ecouter mon intuition de cette manière (il y en a de nombreuses autres) me rapproche d’une longue tradition et me raccroche à une pratique chamanique très ancienne et universelle. Cela est important pour moi.

Quand je suis particulièrement centrée et ancrée, c’est un moyen de donner la parole à mon inconscient, à différents niveaux de profondeur. Il en sort souvent des choses censées, et parfois des choses qui m’étonnent vraiment.

Dans les moments où je suis au meilleur de ma forme, particulièrement paisible, centrée et ancrée, c’est là que sortent les tirages les plus significatifs, les plus parlants. C’est comme s’ils allaient puiser dans des couches très profondes, auxquelles je n’ai habituellement pas accès, presque comme un au delà de moi.

Dans mon expérience,  c’est aussi important de choisir le bon jeu avant un tirage. Chacun a son propre langage et inutile de demander aux cartes médecine de Jamie Sams de prévoir un bouleversement de ma vie quotidienne! Elles ne s’adressent pas à ce niveau là. Et cela justifie le plaisir de multiplier les jeux de cartes….

(*) Voir http://www.tourdecartes.com/archives/5524

(**) Voir http://www.apprendre-tarotdemarseille.com/histoire/l-origine-du-tarot/

(***) Voir http://reprographie.epfl.ch/conseils/print-evolution/typo-print01_evolution.pdf

(****) Voir http://lumieres.unil.ch/fiches/bio/43/

La nature redécouverte

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La botanique redécouverte, Aline Raynal Roques, Belin 1999 (pour l’édition actuelle).

A l’époque où la biologie moléculaire est devenue une discipline reine, d’autres disciplines plus traditionnelles, comme les sciences naturelles ou la botanique n’ont plus la cote. C’est pour défendre et faire redécouvrir sa discipline que l’auteure, Aline Raynal Roques a écrit cet ouvrage.

Je suis d’autant plus fascinée par cette lecture que l’auteure a réussi à mettre en lumière de nombreux aspects de sa discipline et aussi différents niveaux de lecture.

En utilisant le dessin, le plus souvent en noir et blanc, en explicitant l’étymologie des termes botaniques et en recourant à la notion « d’herbier de référence » (qui restent les sources de référence de par le monde), elle donne à voir la dimension humaine et historique de sa discipline.

En introduisant les différentes catégories de plantes (cryptogrammes, gymnospermes, angiospermes), en décrivant leurs caractéristiques, leur mode de vie, leurs adaptations, leur variété, elle décrit superbement les plantes elles-mêmes.

En montrant comment on les classe, comment on les nomme, comment on les a découvertes et référencées, elle donne une belle introduction à la botanique en tant que science.

Mais elle laisse aussi transparaitre un niveau sous-jacent à tous ceux là. Elle montre, et avec talent, à quel point les plantes sont des être raffinés, sophistiqués, complexes, créatifs, qui vivent en communauté et sont tous sauf passifs et inanimés. Bref, ce sont des êtres dignes d’émerveillement et de respect. Et je suis émerveillée par cette lecture. Elle change aussi la manière dont je vis mes moments de nature. Elle me permet de contempler les plantes avec un regard plus attentif aux détails, à leurs spécificités, à leur originalité, à leurs rythmes de vie, à d’autres facettes moins évidentes de leur beauté. Je trouve cela très précieux.

Si ce texte scientifique permet à certaines personnes de redécouvrir les plantes et la botanique et aussi d’ouvrir leur coeur et de laisser grandir un lien plus fort, plus vivant, plus profond, à la nature et aux plantes, ce sera une très belle réussite!

 

 

 

Enfant doué, enfant indigo, Deux noms différents pour un même type de parcours de vie?

Czarky.gif, wikimedia commons
Czarky.gif, wikimedia commons

 

Dans son tout premier ouvrage(*), la psychothérapeute Alice Miller a utilisé l’expression « d’enfant doué » pour décrire les enfants particulièrement sensibles, perceptifs, relationnels, intuitifs et pour parler des difficultés qu’ils rencontrent dans la vie. En gros, être un enfant doué, signifie avoir toutes les chances de souffrir particulièrement d’un environnement familial non respectueux, abusif, maltraitant, carencé, voire pire encore. Devenus grands, ces enfants continuent à vivre avec une sensibilité toute particulière les coups de la vie qui sont loin de se réduire à l’âge adulte.

Si Alice Miller s’est essentiellement centrée sur la maltraitance et sur ses conséquences, d’autres personnes ont parlé de parcours de vie comparables, en désignant les personnes concernées de « sur-efficients mentaux » (**), de « hauts-potentiels », etc. Ces deux descriptions ont en commun qu’elles parlent du parcours de vie de personnes particulièrement sensibles et réceptives. Les auteur-e-s de ce deuxième courant constatent également que la vie n’est pas évidente pour ces personnes et que l’acuité de leur conscience fait qu’elles ressentent très fortement les épreuves qu’elles traversent. L’une de ces auteures a d’ailleurs intitulé son ouvrage « Trop intelligent pour être heureux? » (***). Personnellement, j’apprécie tout particulièrement la description de Christel Petitcollin qui me semble quasiment écrite de l’intérieur.

Je me reconnais assez facilement dans ces deux descriptions. Il en existe une troisième, celle « d’enfant indigo », d’origine beaucoup plus ésotérique. D’autres la décriront infiniment mieux que je ne saurais le faire, je m’en abstiendrais donc (votre moteur de recherche préféré vous renseignera très facilement). Comme elle me laissait très mal à l’aise, je suis restée à distance de cette dernière pendant des années.

Ce qui me dérange le plus dans la description des personnes dites « indigo », c’est «l’intentionnalité», i.e. «être venue sur terre délibérément et dans le but de réaliser un parcours particulier», souvent très difficile et douloureux. C’est comme s’il y avait des êtres à la fois intelligent et sensibles qui seraient capables de choisir de venir délibérément au monde dans des environnements gravement maltraitants, abusifs, carencés, de subir des conditions de misère matérielle et affective terrible leur garantissant une vie extrêmement difficile et douloureuse, d’enfant maltraité, puis d’adulte traumatisé et prisonnier de son passé, de femme abusée et battue voire pire encore. Désolée, ca ne passe pas et je récuse la vision du monde selon laquelle « il n’y aurait pas de hasard ». En tout cas moi, je ne me reconnais pas là dedans. En fait, il est absolument clair pour moi que je ne veux pas être là (dans cette existence) et c’est ainsi, point.

Suite à un concours de circonstances, je suis tombée sur un site décrivant quelque chose de plus concret, de plus palpable et surtout de plus acceptable pour moi (****). Ce site décrit les personnes dites indigo à partir de 8 besoins fondamentaux et de 25 caractéristiques principales. En les parcourant, je me suis rendu compte que je me sens correspondre à tous les besoins fondamentaux listés (vivre ma vérité intérieure, être intègre, vivre dans la congruence, servir, vivre libre, aimer, avoir besoin d’harmonie et harmoniser et exprimer ma propre forme de reliance), mais pas toujours de la manière décrite. Mon expérience de «plus grand que moi», par exemple, n’est pas démonstrative. Je ressens cette dimension dans certaines de mes intuitions, dans la Présence silencieuse que je peux percevoir tout au fond de moi, dans des signes très discrets, dans la manière dont je peux prendre soin de mes proches. Tout cela n’a absolument rien de spectaculaire. Il en va de même pour le reste. Je me retrouve également dans au moins 20 des 25 caractéristiques principales listées sur ce site. Je me suis rendue compte que je me retrouve devant une description qui me correspond assez bien.

Se pourrait-il qu’il s’agisse de moi? Se pourrait-il que cette catégorie ait quand même un sens?

Dans un premier temps, je n’étais pas très à l’aise avec cette éventualité. Mon côté « carrée », scientifique, ne s’y retrouve pas. Dans un deuxième temps, en observant ma dynamique de vie concrète, je dois bien admettre que je me retrouve dans une bonne part de la description concrète des personnes indigo que j’ai trouvée sur ce site. Que je sois venue au monde dans le but d’agir dans ce sens ou pas, en pratique j’agis dans le même sens que les personnes qui y sont décrites. Même le faire à ma manière et y mettre mon grain de sel fait partie de la description! Est-ce que le reste ne serait pas qu’une question de rhétorique ou de vision du monde?

Là où cela me semble important au delà de ma personne, c’est que ces trois descriptions indépendantes provenant de personnes et d’époques différentes convergent (sans être identiques, bien sûr). Cela est pour moi le signe que les personnes douées, sur-efficientes,  indigo sont plus nombreuses que dans le passé et que leur présence devient visible, au point qu’il existe une petite littérature à leur sujet. Alors que je me suis longtemps sentie seule au monde avec ma différence, je rencontre de plus en plus de personnes dans mon entourage qui se reconnaissent dans au moins un de ces trois termes. C’est pour moi le signe d’un changement.

A l’heure d’internet, des blogs et des réseaux sociaux, les personne au parcours de vie atypique ne sont plus condamnées à rester seules dans leur coin. Il est aujourd’hui possible à chacun-e d’entre nous d’exprimer sa part de « parole sacrée ». Il est aussi possible d’aider à créer un réseau de relations, de connexions, de partages d’expériences qui permettront aux enfants doués de partager leurs expériences de vie. Ce faisant, il sera important d’éviter « d’entrechoquer trop souvent des tubes de nitroglycérine », pour reprendre l’expression de Christel Petitcollin. Il est aussi important d’en faire un partage d’expériences positives de vie qui stimule le chemin de chaque personne plutôt qu’un partage de mal-être qui serait un vrai poison (et ne ferait que reproduire ce que les personnes vivent déjà dans leur quotidien).

Qu’est-ce qui peut en sortir? Je n’en sais humblement rien. Je sais juste que trop d’enfant doué-e-s vivent très difficilement leur vie. Je sais aussi que nombre d’entre eux souffrent, beaucoup, de ne pas pouvoir exprimer cette part d’essentiel qu’ils portent qu’ils ont envie d’offrir au monde. Et j’ai envie d’essayer.

(*) [Miller, 2012] Alice Miller, Le drame de l’enfant doué, PUF,  2012 (pour l’édition actuelle)

(**) [Petitcollin, 2010] Christel Petitcollin, Je pense trop, comment canaliser ce mental envahissant, Guy Trédaniel, 2010

(***) [Siaud-Facchin, 2008] Jeanne Siaud-Facchin, Trop intelligent pour être heureux? L’adulte surdoué, Odile Jacob, 2008

(****) Voir : http://www.lousonna.ch/999/sindigo.html

 

un avant-goût d’une forêt primordiale

La Forêt primordiale, Bernard Boisson, Editions Apogée, 2010
La Forêt primordiale, Bernard Boisson, Editions Apogée, 2010

Comme l’indique l’auteur, nombre de nos forêts actuelles sont en fait des champs d’arbres et elles n’ont plus grand chose de naturel.  Morcelées, fractionnées, transpercées de routes et de chemins carrossables, ce sont bien trop souvent des espaces de production et des espaces de distraction comme les autres.

L’auteur a essayé de donner un avant-goût, une intuition de ce que pourrait être (et de ce qu’a été) la forêt continentale européenne intacte. Il l’a représentée en photographiant et en mettant en scène les quelques miettes qui en restent.

Il a essayé de donner vie à l’immensité de ce que serait cette forêt, à l’expérience que cela pourrait être pour un être humain que de s’y perdre au cours d’un voyage qui deviendrait une quête initiatique.

Les photos de cet ouvrage sont, pour moi, magnifiques. Je suis émerveillée de la manière dont l’auteur a réussi à rendre les tons doux, l’espace, les couleurs, l’atmosphère de ces fragments de forêt. Cet ouvrage est à parcourir lentement. Il faut prendre le temps de respirer, non seulement de contempler chaque image, mais aussi de se laisser contempler, nourrir par la forêt dont elle témoigne.

C’est essentiel non seulement pour nourrir notre lien à la nature, mais aussi pour donner une chance à cette forêt primordiale de renaître un jour.

Lien vers le site de l’auteur: http://natureprimordiale.org

Ressourcement au quotidien

Tryon Marshall National forets, wikimedia commons
Tryon Marshall National forets, wikimedia commons

C’est une forêt d’Europe comme les autres, avec ses jeux de lumière, ses chemins, ses oiseaux, ses clairières, ses arbres, ses chevreuils et ses visiteurs. Mais c’est celle à laquelle j’aime rendre visite tous les jours durant la pause de midi.

Je marche lentement. Je regarde, j’écoute, je sens. Je me laisse sentir et remplir de ce que je vois. Je goûte la vue des arbres et de leurs frondaisons, les zones d’ombre et de lumière, le chant des oiseaux, leur vol quand, d’aventure, je les dérange. Par moments, j’aime marcher les yeux fermés, présente aux sensations de mon corps, au contact avec le sol, à ma respiration, aux bruits et aux chants de la forêt.

Au fur et à mesure, je me sens lâcher mes préoccupations, mes colères, mes soucis, ce qui me touche et me perturbe. Je suis simplement présente et attentive. Je me retrouve intacte, avec ma fraicheur, ma douceur et ma joie de vivre d’enfant. Je goûte ma paix intérieure, le silence, ma présence toute simple à moi-même et à ce qui m’entoure.

Il y a forcément un moment où le quotidien reprend le dessus, où je dois rejoindre la mine et un rôle qui s’apparente souvent à celui d’une guerrière. Mais je le rejoins pleine de cette fraicheur. Sans tout révolutionner, elle teinte ma manière d’être, ma manière de ressentir, de recevoir et d’agir. Elle me permet aussi de mieux vivre l’après-midi et de rentrer plus paisible, plus allégée.

C’est juste un rituel parmi tant d’autres, le mien. D’autres auront besoin de sport. D’autres encore de méditation ou de tout autre chose. L’essentiel est d’arriver à trouver le sien et de le vivre très régulièrement, au quotidien. Je vous souhaite d’avoir cette chance.

 

Je travaille dans une maison de fous

Je travaille dans une maison de fous
Je travaille dans une maison de fous

Nous sommes très nombreux à souffrir fortement de ce que nous vivons au travail. En allemagne et en Suisse on parle d’au moins 20% des personnes qui seraient soit sous médicaments soit en dépression et cela ne fait qu’empirer(*).

Ca n’est pas seulement le volume de celui-ci, le rythme effréné auquel il faut produire, les demandes qui arrivent de toutes part et qui sont toutes prioritaires et une hiérarchie que ne nous écoute pas, bien que tout cela y participe fortement. C’est l’absurdité, l’absence de sens, les ordres idiots, le « travail de singe » dont on sait dès le départ qu’on devra le refaire, tout ce avec quoi nous devons composer pour payer nos factures en fin de mois.

J’ai trouvé une assez bonne description de cet enfer au quotidien dans cet ouvrage (**). L’auteur recommande bien sûr de changer de travail pour trouver autre chose, mais la grande question que je me pose et « où est-ce qu’il y a encore un job qui ne soit pas dans une maison de fous? Est-ce que ca existe encore? »

(*) Selon une étude du secrétariat d’Etat Suisse à l’Economie de 2012

(**) [Werhle, 2012] Martin Wehrle, Je travaille dans une maison de fous, Eyrolles, 2012

 

Comment contribuer au changement de société auquel nous aspirons?

Kraeuterspirale
Kraeuterspirale

 

Je ne doute pas que des enfants doués peuvent opérer des changements importants dans des environnements familiaux un tant soit peu respectueux. Mais les changements sont tout aussi urgents sur le plan sociétaire. Comment pousser ces changements quand les leviers de nos sociétés sont aux mains de personnes qui sont parfaitement à l’aise dans des rapports de force? Comment faire face à des personnes qui n’ont pour but principal que l’acquisition et la conservation du pouvoir pour elles-mêmes et pour leur clan et qui sont prêtes aux actions les plus tordues pour y arriver? Comment faire son chemin dans un univers pareil, quand on est un être sensible, qu’on n’est pas là pour soi-même, mais pour construire avec d’autres? Comment agir en évitant de se faire manipuler et «avoir» par d’autres qui ne recherchent que leur propre réussite? Comment chercher des chemins d’évolution politiques, économiques, sociaux, ensemble avec d’autres quand ces autres n’ont pas du tout le même but?

Comment faire pour sortir d’un mode de vie basée sur la prédation (sur la nature, sur autrui) quand les dirigeants politiques et économiques sont les premiers à avoir intérêt à ce que rien ne change? Comment donner une vie, un travail, une dignité à chacun, comment construire une économie qui ne soit pas basée sur la croissance perpétuelle de l’exploitation des ressources de cette planète?

Dans «Like a tree» (*), Jean Shinoda Bolen fait référence à un conte de Shel Silverstein, «the giving tree» (**), l’arbre généreux. Ce conte raconte l’histoire d’un enfant qui, pour satisfaire ses besoins, exploite un arbre en prenant ses fruits, puis ses feuilles, puis ses branches, puis son tronc, à différentes époques de sa vie, sans jamais rien lui donner en retour. Quand il est âgé, il ne reste plus qu’une souche d’un arbre qui était magnifique. Le conte parle de générosité. Mais, sans le vouloir,il traduit aussi l’attitude infantile des humains, qui exploitent la nature comme une chose, sans la respecter ni rien lui donner en retour. Tous nos caprices sont légitimes. Nous détruisons la beauté autour de nous, chez les humains et dans la nature, nous transformons notre propre monde en dépotoir. Tous les êtres sensibles qui s’insurgent contre cet état de fait sont ridiculisés, dévalorisés et méprisés par ceux qui profitent le plus de ce système de prédation. Comment faire pour changer cela? Comment faire pour empêcher les sociopathes, les narcissiques et les manipulateurs pervers d’arriver aux leviers de commande de nos sociétés et de notre économie?

C’est pour moi une question qui est encore sans réponse. Mais l’enjeu me semble très important. Peut-être que de nouvelles générations d’enfants moins blessés et démolis par leurs contextes familiaux que je ne l’ai été auront les ressources nécessaires pour remettre en route nos sociétés qui sont complètement bloquées face à cette question.

(*) Voir [Bolen, 2011] Jean Shinoda Bolen, Like a Tree: How Trees, Women, and Tree People Can Save the Planet, Conari Press, 2011

(**) Voir [Siverstein, 1964] Shel Silverstein, The giving tree, HarperCollins, 1964