Plutôt que la méditation, une voie alternative pour les « fortes têtes »

A woman performs the Falun Gong sitting meditation in a Toronto park, wikimedia Commons,http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Toronto_Falun_Gong_Exercises_6.jpg
A woman performs the Falun Gong sitting meditation in a Toronto park, wikimedia Commons,http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Toronto_Falun_Gong_Exercises_6.jpg

Quant il est question d’être présent-e à soi-même, à son propre corps, à l’instant présent, nombre d’entre nous pensent à la méditation. Elle est souvent étonnement efficace. Sous la forme de la « méditation de pleine conscience » (1) elle devient même un outil thérapeutique reconnu, et dont l’intérêt est scientifiquement validé, par exemple pour des personnes ayant vécu des épisodes de dépression grave (2).

En ce qui me concerne, elle ne m’a jamais été d’une grande utilité. Peut-être est-ce le fait que « je pense trop » (pour reprendre le titre d’un des livres de Christel Petitcollin (3)), mais mon mental est bien trop puissant pour se laisser calmer facilement. Je ne peux rien prouver, mais je me demande ce que vivent les autres personnes surefficientes mentales. Ont-elles la même difficulté?

Mon parcours de vie m’a aussi montré que, quand mes stress post-traumatiques se réveillent, en plus de mon mental, c’est tout mon corps qui est en alerte, avec une intensité telle que c’est comme si je jouais ma vie. Essayer de méditer pour arriver à me recentrer dans de telles circonstances est voué à l’échec. Visiblement, c’est ainsi que fonctionne un stress post-traumatique (4), donc je ne dois pas être la seule dans ce genre de situation.

J’ai donc dû trouver mes propres outils. Avec le temps, j’en ai adopté quelques uns. La marche en pleine nature, en fait partie. La respiration profonde, lente et liée en fait aussi partie. Parfois ils se combinent (marche en montée). En plus de me ressourcer, c’est particulièrement utile pour revenir à mon corps, à l’ici et maintenant quand je suis particulièrement préoccupée et que mon esprit tourne à toute vitesse. Une autre approche qui marche bien pour moi est tout simplement de m’accueillir et d’écouter ce que je ressens quand je suis trop préoccupée. Etre présente à mon corps est, là aussi essentiel, pour pouvoir « coller » à mon ressenti, l’accueillir et découvrir ce qu’il a à me dire.

Coller à son corps pour prendre conscience et mettre en mots son ressenti, c’est exactement ce que propose le focusing ((5), (6), (7)). Eugene Gendlin a créé ce terme pour décrire ce que faisaient ses client-e-s qui évoluaient le plus dans leur chemin thérapeutique. Il recouvre la manière dont ces derniers se centrent sur leur ressenti corporel pour découvrir, accueillir, puis mettre en mots leur ressenti intérieur. Depuis, cette méthode a largement fait ses preuves comme outil thérapeutique qui a l’avantage de rendre les personnes très autonomes et efficace dans l’observation au quotidien de ce qui se passe en elles dans les situations qu’elles vivent mal (ou bien) ((8), (9), (10)).

Dans mon expérience, avancer sur mon chemin personnel en accueillant mon corps et mes « ressentis corporels » (11) est non seulement un outil thérapeutique, mais c’est aussi un outil qui me permet de revenir à moi, à mon corps, à l’instant présent et souvent, à une bien plus grande paix intérieure. Et il est d’autant plus lié aux autres « outils » de centrage qu’accueillir mes ressentis passe par une respiration lente et profonde, souvent liée….

S’esquisse alors une autre voie que la méditation conventionnelle, que je pourrais appeler la « voie des fortes têtes », faite de suivi de sa propre expérience, de contact avec la nature, avec son corps et avec son ressenti corporel et intérieur.

Je m’en voudrais de comparer une voie à une autre. Je constate simplement que cette dernière me convient et qu’elle me convient d’autant mieux qu’elle résulte du chemin que tracent mes pas, comme dans le poème d’Antonio Machado (12).

Voyageur, le chemin

C’est les traces de tes pas

C’est tout; voyageur,

il n’y a pas de chemin,

Le chemin se fait en marchant

Le chemin se fait en marchant

Et quand tu regardes en arrière

Tu vois le sentier que jamais

Tu ne dois à nouveau fouler

Voyageur! Il n’y a pas de chemins

Rien que des sillages sur la mer.

(1) Jon Kabat-Zinn, Full Catastrophe Living (Revised Edition): Using the Wisdom of Your Body and Mind to Face Stress, Pain, and Illness, Bantam, Revised and Updated edition, 2013

NB: il existe une traduction française, mais sa qualité est très vigoureusement contestée

(2) kuyken, Hayes, Barrett et al, Effectiveness and cost-effectiveness of mindfulness-based cognitive therapy compared with maintenance antidepressant treatment in the prevention of depressive relapse or recurrence (PREVENT): a randomised controlled trial, The Lancet, April 21, 2015, http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(14)62222-4/abstract

(3) Christel Petitcollin, Je pense trop, Guy Trépaniel, 2010

(4) Peter A. Levine Phd., In an Unspoken Voice: How the Body Releases Trauma and Restores Goodness, North Atlantic Books, 2010

(5) Eugene Gendlin, FOCUSING – Au centre de soi, Editions de l’homme, 2006

NB : voir aussi : https://www.youtube.com/results?search_query=focusing+eugene+gendlin

(6) Bernadette Lamboy, Trouver les bonnes solutions par le focusing : A l’écoute du ressenti corporel, Le Souffle d’Or, 2009

(7) Bernadette Lamboy, Devenir qui je suis : Une autre approche de la personne, Desclée de Brouwer, 2003

(8) Marion N. Hendricks, Ph.D, Focusing-Oriented/Experiential Psychotherapy, In Cain, David and Seeman, Jules (Eds.) Humanistic Psychotherapy: Handbook of Research and Practice, American Psychological Association, 2001. http://www.focusing.org/research_basis.html

(9) Robert Elliott & Elizabeth Freire, Person-Centred/Experiential Therapies Are Highly Effective: Summary of the 2008 Meta-analysis, http://www.pce-world.org/about-pce/articles/102-person-centredexperiential-therapies-are-highly-effective-summary-of-the-2008-meta-analysis.html

(10) Focusing : http://www.healthline.com/natstandardcontent/alt-experiential-therapy#1

(11) traduction que je trouve maladroite de l’expression anglaise « felt sense »

(12) http://www.poesie.net/macha4.htm

Accueillir et goûter les fruits de son chemin

Lotus Flower photo taken at GSS College Garden( Belgaum, Karnataka , India),5 October 2006,Nivedita Patil, Wikimedia Commons
Lotus Flower photo taken at GSS College Garden( Belgaum, Karnataka , India),5 October 2006,Nivedita Patil, Wikimedia Commons

 

Pour de très nombreuses personnes, la vie est tout sauf un long fleuve tranquille. Trouver sa place, faire son chemin est souvent difficile et prend du temps. Les enfants doués doivent en plus faire face aux obstacles liés à leur différence qui sont à la mesure de leurs ressources.

Avec les décennies de nombreuses personnes finissent heureusement par faire leur chemin, par se libérer de leurs entraves et de leurs traumatismes, et par trouver une place au moins acceptable pour elles. Il est alors nécessaire et légitime d’accueillir et de goûter les fruits de son propre chemin. Cela n’est pas toujours simple pour des personnes qui doivent lutter et investir énormément d’énergie pour arriver justement à se tracer un chemin dans une jungle d’obstacles et d’entraves. A force d’être perpétuellement dans la lutte, il est facile de minimiser ce qu’on a déjà atteint et de négliger d’en goûter consciemment les fruits. Et les enfants doués aimeraient pouvoir en faire tellement plus que, quoi q’ils aient réussi, ils ont toutes les chances de « ne se sentir ‘que‘ là sur leur chemin »…

Certaines étapes sont plus marquantes que d’autres et elles méritent encore plus d’être appréciées. Avec le temps, au fur et à mesure que la personne trouve sa place et se situe moins dans une dynamique de lutte permanente, cela devient aussi plus facile.

Arriver à nouer une relation amoureuse durable, saine, respectueuse, féconde (pour l’un-e et pour l’autre) et de qualité avec un-e partenaire est certainement l’une d’entre elles.

Arriver à trouver une place qui soit satisfaisante et qui corresponde à notre besoin de sens dans une société humaine qui reste ce qu’elle est avec ses absurdités, ses injustices et ses horreurs en est une autre.

De même, arriver à trouver un équilibre professionnel satisfaisant dans un environnement qui est devenu très difficile pour tout le monde en est encore une autre.

Avoir fait assez de chemin, être devenu-e assez vivant-e pour pouvoir se libérer progressivement du plus gros des traumatismes qui nous ont entravé pendant des décennies et pouvoir « laisser partir » les auteurs de ces traumas est aussi une étape essentielle.

Avoir pu mettre des mots sur sa propre dimension spirituelle, avoir pu trouver comment en prendre soin et la laisser grandir est une autre expérience très précieuse, digne d’être accueillie et célébrée.

Avoir trouvé un équilibre entre le soin des autres et celui de soi (que les enfants doués ont tellement tendances à négliger) est également précieux.

Avoir trouvé comment satisfaire sa soif de beauté et nourrir son expression créative est un autre point important qui contribue à l’équilibre, à la qualité et au sens de la vie des enfants doués.

Avoir continué son chemin et continué de grandir au point de pouvoir se vivre en confiance profonde avec soi-même, en paix avec soi-même et avec la société qui nous entoure (qui, une fois encore, reste ce qu’elle est) est aussi une étape très marquante.

Nombre de jeunes enfants doués et d’ados surefficients sont très inquiets face à leur avenir. Ils et elles apréhendent ce que l’avenir leur réserve, quelle place ils vont bien pouvoir trouver dans ce monde étrange et incompréhensible qui les entoure. Ils sont d’autant plus inquiets que ce qui se passera dans trois mois, c’est déjà très loin. Alors un chemin qui prend des années, voire des décennies, c’est désespérant!

Malgré tout, savoir que d’autres arrivent avec le temps à faire leur chemin, c’est infiniment mieux que rien et cela peut aider certains d’entre eux à trouver l’énergie nécessaire pour faire, un pas après l’autre, le chemin qui leur permettra progressivement de trouver eux aussi leur place dans cet univers étrange qu’on appelle la société humaine.

Vous reprendrez bien un peu de dessin?

Hokusai. Le fou de dessin Nouvelle édition 2014 Henri-Alexis Baatsch Editions Hazan, 2014 Collection : Beaux Arts
Hokusai. Le fou de dessin Nouvelle édition 2014
Henri-Alexis Baatsch
Editions Hazan, 2014
Collection : Beaux Arts

Le dessin est un art qui m’a toujours émerveillée. Sans éducation artistique, je ressens les dessins avec mon intuition, mon regard et mon corps. Je suis fascinée par le papier et l’effet qu’un-e artiste peut y créer avec parfois juste quelques traits au fusain, à la sanguine ou à l’encre de chine. D’aucuns considèrent cet art comme «mineur» par rapport à d’autres, pas moi. Je cherche et je cultive les livres de dessin ou les livres illustrés par un dessinateur.

Je ne peux surtout pas prétendre connaître la culture japonaise, mais les créations de certains de leurs artistes me touchent tout particulièrement. Non seulement je les ressens comme spécialement vivantes et sensibles, mais elles me paraissent beaucoup plus proches en tout cas dans leur style, malgré l’éloignement dans le temps et dans l’espace des cultures de leurs créateurs.

Je suis récemment tombée sur cet ouvrage traitant de Hokusaï et de son oeuvre. De par son format, son épaisseur et son poids il est facile à prendre en main. De par la texture soyeuse de sa couverture, il est agréable à manipuler. De par sa fermeture à rubans, et son recours au papier double asiatique, je le trouve très agréable à manipuler, à feuilleter, à parcourir. Et puis, il y a …. les dessins ! Les centaines de dessins, les couleurs, les personnages, les multiples esquisses, les portraits, les illustrations, les estampes, tout le foisonnement de ses œuvre ! Quelle créativité ! Quelle fidélité à son art durant toute sa vie ! Quelle beauté !

Je ne peux que recommander à tous les enfants doués en quête d’art dans leur vie de s’y perdre un moment … aussi long qu’il leur plaira ! Ce sera un moment de qualité et d’émerveillement.