Après la NDE … la lessive !

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Anita Moorjani, Revenue guérie de l’au-delà, une NDE m’a sauvée, J’ai lu, 2015

 

Ce titre un brin provocateur fait référence à un ouvrage connu de Jack Cornfield (1). Et ce dont il parle peut aussi être vrai pour les personnes qui ont vécu une « expérience de mort imminente », ou NDE en anglais (« near death experience »). Quand elles en parlent, les personnes qui ont vécu un tel moment relatent quelque chose qui est de l’ordre d’une expérience qui a complètement changé leur vie et aussi leur perception de cette dernière. Alors l’analogie est peut-être plus légitime qu’il n’y parait.

Le plus ou moins « hasard de la vie » (plutôt plus ou plutôt moins selon votre propre système de croyance) a fait que je suis tombée sur une vidéo d’Anita Moorjani il y a quelques mois (2), vidéo où elle raconte sa propre expérience aux portes de la mort et ce qu’elle en a retiré. Cette vidéo m’avait d’autant plus touchée que j’ai senti son auteure parfaitement sincère, intègre et aussi très concrète. Ça n’est pas du tout quelqu’un que j’ai senti « planer » à quelque moment que ce soit. Pour moi, c’est précieux.

Depuis, j’ai fini par lire son témoignage (3). En le lisant, et en écoutant la voix de l’auteure, j’ai ressenti les mêmes qualités. J’ai à nouveau entendu une personne entière, intègre, très vivante, sensible et humaine. Une fois encore, alors même qu’elle a vécu une expérience qui a formidablement étendu sa conscience, à aucun moment je ne la sens planer de quelque manière que ce soit.

Au contraire, la sagesse qu’elle en a retirée et qu’elle partage aujourd’hui est très simple et très concrète, ce qui ne veut pas dire qu’elle est facile à vivre et à incarner par tout un chacun. Elle parle de la nature lumineuse et de la magnificence des humains, du fait que nous sommes tous, quand nous sommes pleinement centrés, rayonnants d’amour et de bienveillance. Elle parle du caractère essentiel de s’aimer vraiment soi-même pour pouvoir aimer les autres et leur donner qui nous sommes vraiment. Elle parle d’avoir foi en sa propre puissance et d’avoir une sécurité intérieure telle que, quand nous n’avons plus peur de rien, nous pouvons donner notre pleine mesure. Elle parle de l’importance de suivre sa propre voie, sans en faire une vérité pour les autres, et de celle de ne pas trop se prendre au sérieux et de ne pas oublier d’avoir du bon temps.

Son témoignage m’a touchée, tant par son contenu que par sa forme, et je ne peux que vous suggérer de le lire. Vous verrez bien ce que vous en retenez, qui est pertinent pour vous et votre vie. S’agissant d’un livre de poche qui a des chances d’être aussi disponible en bibliothèque, ceci devrait être accessible à de très nombreuses personnes.

En ce qui me concerne, les deux choses qui m’ont le plus touchée et interpelée, sont ce qu’elle dit au sujet de l’importance de s’aimer soi-même et de celle de ne plus avoir peur de rien pour oser vivre sa vie. Ce sont celles qui me posent le plus de difficulté.

 

 Même après de nombreuses années de travail sur moi, je ne peux pas dire que je m’aime, tout au plus que je me respecte et que j’apprécie le chemin que j’ai parcouru. Quant à n’avoir peur de rien…. Et j’ai pertinemment conscience de ne pas être la seule !

Que ce soient les personnes qui ont subi de graves carences affectives, celles qui ont subi de lourds traumatismes (les carences sont des traumatismes), celles qui sont des « surefficientes mentales » ou des « zèbres » (pour reprendre le langage de Christel Petitcollin ou celui de Jeanne Siaud-Facchin), les personnes qui ont une grande difficulté à avoir confiance en elles, en ce qu’elles portent et même ce qu’elles ressentent sont légion.

A défaut de remède miracle, je constate que Mme Moorjani a vécu la même difficulté dans sa vie, tiraillée qu’elle était entre les cultures indiennes chinoises et occidentales, et ayant vécu dans un univers où elle était essentiellement destinée à répondre aux attentes des autres et à les satisfaire.

Mais plutôt que de proposer à tout un chacun de faire sa propre NDE, suggestion qui, vous en conviendrez comporte quelques risques que tout le monde n’est pas prêt à assumer, je vous propose plutôt un tout petit outil qui se rapproche plus de notre quotidien et de la lessive (pour reprendre le titre de cet article), en nous proposant de nous affirmer même quand nous manquons de confiance en nous ! (4)

 

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Yves, Alexandre Thalmann, S’affirmer même si on manque de confiance en soi, SOLAR, 2015

 

(1) Jack Kornfield, Après l’extase, la lessive, Pocket, 2010

(2) https://www.youtube.com/watch?v=rhcJNJbRJ6U

(3) Anita Moorjani, Revenue guérie de l’au-delà : Une NDE m’a sauvée, J’ai Lu, 2015.

(4) Yves-Alexandre Thalmann, S’affirmer même si on manque de confiance en soi, Editions Solar, 2015

 

Changement climatique: le vertige de l’abime?

Climate campaign slogan - "Climate Chaos Who is to Blame" on Columbus Monument, Barcelona
Climate campaign slogan – « Climate Chaos Who is to Blame » on Columbus Monument, Barcelona, source: wikimedia commons

 

Dans le cadre de son journal du matin du 10.05.16, la radio Suisse Romande interviewait Dominique Bourg, professeur ordinaire à l’Institut de Géographie de l’Université de Lausanne (1), membre du Comité de veille écologique de la Fondation Nicolas Hulot et d’un certain nombre d’autres organisations qui se préoccupent de l’environnement. Il est également auteur et coauteur de plusieurs livres sur ce même thème.

Le sujet de ce matin était les suites de la conférence COP21 à Paris qui a abouti au fait qu’un très grand nombre de pays se sont mis d’accord sur un objectif de limitation de la hausse de la température moyenne à 1.5 degré, accord qui a déjà été signé par plus de 150 pays.

Durant son intervention ((2), (3)), il a mentionné que le contenu de l’accord de la COP21 est la cerise d’un gâteau (les mesures concrètes et le financement) dont même la couche de fond manque encore. Non seulement les états ne se mobilisent pas pour faire avancer concrètement les choses, mais ils contribuent plutôt à les dégrader encore plus en envisageant des accords comme le projet d’accord TAFTA qui sont susceptibles de mettre en danger ce qui existe en matière de protection de l’environnement. Ce qu’on constate aussi, c’est que la fréquence des pétitions concernant les urgences environnementales et la destruction du peu qui reste des forêts primaires (voir, par exemple (4)) n’a pas diminué d’un seul iota.

Autre problème clef, même si le film « demain » (5) est enthousiasmant et s’il montre une minorité de personnes convaincues et très actives, la majorité des peuples d’occident est loin de se mobiliser. Dominique Bourg estime que la population suisse contient environ 30% de personnes climatosceptiques qui sont sourdes à toute information ou tout message mobilisateur. Quant au 70% qui reste, il est composé pour l’essentiel de personnes qui restent passives. Il ajoute que tant que le danger ne sera pas concret cette majorité de personnes n’est pas susceptible de se mobiliser, d’agir par elle-même et de faire pression sur ses politiques pour que ces derniers prennent enfin leurs responsabilités. Le drame, c’est qu’avec un mécanisme comme le réchauffement climatique, le jour ou le danger sera concret et à notre porte, il sera beaucoup trop tard. Les conséquences seront bien plus lourdes et se feront sentir pendant bien plus longtemps.

Pour ma part, je crains que cet observateur avisé ne soit très lucide.

En remontant l’information à partir de cet interview, je suis tombée sur un article daté de 1967 et que je ne peux que qualifier de « prophétique ». Il s’agit de « The Historical Roots of Our Ecologic Crisis » de Lynn White, Jr. publié dans le très prestigieux journal Science (Science, Vol . 155, No. 3767 (March 1967), pp. 1203-1207 . ©1967 by the AAAS, (6)). Je vous encourage à le lire par et pour vous-même (vous avez le lien à la fin de l’article).

Professeur d’histoire médiévale, Lynn Townsend White Jr (7) a écrit en 1967 un article qui n’a pas pris une ride et qui serait parfaitement publiable aujourd’hui. Non seulement il est complètement moderne alors qu’il a été écrit il y a 50 ans, mais il met l’accent sur quelque chose qui est bien trop rarement traité, à savoir l’enracinement de la crise actuelle dans nos mentalités et dans notre héritage religieux, et cet héritage provient du christianisme.

La particularité de cet héritage est qu’il contient un mythe de création (dans la genèse) qui place l’homme, et en l’occurrence le mâle, en dehors de la nature, qui fait des femmes de simples domestiques des hommes et il donne mission aux hommes de régner sur tout ce qui vit et de mettre tout le vivant à leur service. Le deuxième élément du drame, c’est la manière dont le christianisme s’est développé en occident, qui a fait de l’activité et de l’action une valeur cardinale. De ce fait, la domestication de la nature avait déjà commencé en plein haut moyen-âge avec l’invention de la charrue, bien des siècles avant la révolution industrielle. Là où cette dernière joue un rôle majeur, c’est qu’elle a associé aux technologies toute la puissance des sciences en plein développement. Tout cela a continué de plus belle et nous savons où nous sommes arrivés aujourd’hui.

En d’autres termes, non seulement nous faisons face à des puissances d’argent dont le seul moteur est la rapacité, non seulement nous faisons face à une classe politique inféodée auxdites puissances d’argent et totalement incapable de prendre ses responsabilités sans une pression énorme de la rue (et même dans ce cas, ça n’est pas gagné), non seulement nous faisons face à une majorité probablement bienveillante, mais incapable de se mobiliser comme dans de très nombreuses causes (« all that is required for evil to triumph is for good men to do nothing », Edmund Burke, (8);  « the world will not be destroyed by those who do evil, but by those who watch them without doing anything », Albert Einstein (9)), mais l’arrière-plan spirituel dont est issu l’occident rend particulièrement difficile le changement de paradigme que nous devons opérer! Alors même que nous devons nous remettre au milieu de la nature et des autres êtres vivants, alors que nous devons réaccorder à cette dernière sa valeur sacrée et spirituelle qui nous aide à la respecter, le risque est très grand de voir à la place une fuite en avant de plus.

Il est très difficile de surmonter un obstacle qui n’est même pas reconnu et qui parle de la dimension religieuse de la crise environnementale aujourd’hui ? La profondeur de l’enracinement de ce conditionnement fait qu’il sera très difficile à surmonter. Pour s’en convaincre, il suffit de voir les difficultés dont souffrent encore aujourd’hui les personnes végétariennes en occident (voire, par exemple (10)), eux qui souffrent depuis l’antiquité de s’opposer à un conditionnement qui est lui aussi d’origine religieuse (l’ordre social de cités antiques fondé, entre autres, sur le sacrifice d’animaux et sur la consommation rituelle de ces derniers).

Pour passer par-dessus cet obstacle, il est entre autres nécessaire qu’une forme de spiritualité autre prenne la place de celle qui nous entrave. Même si des formes de néo-chamanisme ont repris pied en occident, cette pratique reste très minoritaire et elle n’a pas, tout au moins actuellement, l’aspect rassembleur qui est nécessaire pour permettre un changement de société. En fait, même si les pratiques spirituelles chrétiennes traditionnelles ont fortement diminué, la majorité des personnes d’aujourd’hui se définit comme « distanciée » par rapport à ces pratiques et pas comme en recherche d’autre chose (voir (11)). Ceci correspond parfaitement au poids du fond spirituel et culturel du christianisme dans la vie de 90% de la population.

En d’autres termes, malgré la nécessité impérative de changer nos vies et nos pratiques à l’échelle individuelle et sociétaire, la résistance est telle qu’il est parfaitement possible que nous n’y arrivions pas… Et nous devons prendre cela en compte.

 

(1) http://igd.unil.ch/dominiquebourg/

(2) http://www.rts.ch/info/sciences-tech/7710863-contre-le-rechauffement-climatique-on-pense-encore-qu-on-a-le-temps.html

(3) https://www.rts.ch/la-1ere/programmes/l-invite-du-journal/7693862-dominique-bourg-philosophe.html

(4) https://www.sauvonslaforet.org/petitions/1051/non-au-developpement-propre-au-mepris-des-indiens?mtu=155932856&t=1891

(5) http://www.demain-lefilm.com/

(6) http://www.theologylived.com/ecology/white_historical_roots.pdf

(7) https://en.wikipedia.org/wiki/Lynn_Townsend_White,_Jr.

(8) https://en.wikiquote.org/wiki/Edmund_Burke

(9) https://en.wikiquote.org/wiki/Albert_Einstein

(10) https://labyrinthedelavie.net/2015/07/13/le-vegetarisme-pour-les-non-vegetariens/

(11) https://labyrinthedelavie.net/2015/02/04/spiritualites-a-lere-du-je/