Shinrin Yoku – Les bienfaits d’un bain de forêt confirmés par la médecine

Page de garde du livre "Shinrin youku" du Dr. Quing Li
Dr Qui Li Shinrin yoku – l’art et la science du bain de forêt First, 2018

Nombre de personnes apprécient un séjour en pleine nature et tout particulièrement en forêt. Le fait que ce soit une expérience non seulement agréable mais aussi régénérante est une affaire de bon sens. Il se trouve que des médecins japonais ont étudié scientifiquement cette question et ont confirmé l’importance de ces bienfaits. Loin d’être un caprice de scientifiques en recherche d’un sujet, ceci a un impact sur la manière dont nous devrions vivre nos vies, y compris professionnelles, sur l’importance de protéger nos forêts ainsi que sur la manière dont dont nous devrions aménager nos villes, nos maisons et nos lieux de travail.

L’ouvrage du Dr. Quing Li, médecin immunologiste, a été publié au début de l’année 2018 [1]. Au premier abord, il peut paraître étrange à l’européenne que je suis. Comment se fait-il que des médecins s’intéressent à un tel sujet ? Aussi intéressant et important soit-il, ce dernier est-il abordable par des études scientifiques ? N’est-ce pas étonnant qu’un tel ouvrage nous provienne du japon, pays qui nous semble être un des symboles de la modernité et de la vie urbaine ?

A y regarder de plus près, se préoccuper du bien-être d’une population de 127 millions d’habitants qui vit pour l’essentiel dans de gigantesques centres urbains est certainement un enjeu d’une énorme importance pour le Japon. Par ailleurs, nombre de japonais sont extrêmement attachés à leurs forêts. Quant à lui, l’auteur est resté connecté à ses propres perceptions et sensations, sans quoi ce savoir (et cet ouvrage) n’aurait pas pu voir le jour.

Ce livre de près de 300 pages est richement illustré. Il a clairement été écrit pour les non-japonais avec nombre de précisions sur des éléments de vocabulaire et de culture pertinents pour le sujet. Il a été écrit pour le grand public et il est très agréable à lire. Une petite bibliographie à la fin liste les principales études sur lesquelles il est basée, ce qui contribue à confirmer le sérieux de ce dernier.

L’auteur y présente l’art du bain de forêt à la japonaise, des séjours entre deux et quatre heures dans des lieux choisis, idéalement de belles forêts primaires (mais un parc doté de beaux bosquets d’arbres à feuilles persistantes et de conifères peut aussi faire l’affaire) et les bienfaits qu’il y a lui-même trouvé depuis son enfance. En nous présentant le contexte de cette pratique, il met en lumière le fait que, en même temps que les japonais sont totalement impliqués dans une vie urbaine trépidante, ils n’ont pas perdu leur connexion à la nature et cette dernipre imprègne très profondément leur culture.

Parmi plein d’éléments, les trois suivants m’ont particulièrement frappée :

« […] Yügen – la beauté et le mystère de l’univers, nous renvoie à ce monde, mais suggère quelque chose de situé bien au-delà.“

« […] Selon les deux religions officielles du japon, le shintoïsme et le bouddhisme, la forêt est le royaume du divin. Pour les bouddhistes zen, les textes sacrés sont écrits dans le paysage. Le monde naturel est le livre de Dieu. »

« […] Shizen, (qui se traduit par « nature » ou « naturel ») est l’un des sept principes de l’esthétique zen. Le shizen renvoie à l’idée que nous sommes tous connectés à la nature émotionnellement, spirituellement et physiquement et que plus une chose est proche de la nature plus elle est agréable. »

Ce qui est fascinant, c’est que non seulement un bain de forêt est quelque chose de très agréable, mais qu’il a des bienfaits qui sont essentiels important pour équilibrer notre vie actuelle, et il est possible de les décrire et de confirmer scientifiquement leur existence :

  • Facilitation du retour à l’instant présent

  • Diminution du stress et détente

  • Diminution de la pression artérielle

  • Amélioration des fonctions cardiovasculaire et du métabolisme

  • Diminution du taux de glycémie

  • Amélioration de la concentration et de la mémoire

  • Réduction de la dépression

  • Abaissement du seuil de la douleur

  • accroissement de d’énergie de la personne

  • Renforcement du système immunitaire

  • Accroissement de la production de protéines contre le cancer

  • Facilitation de la perte de poids

Et tout cela a été vérifié expérimentalement et mesuré…

De ce fait, le shinrin yoku est devenu une pratique encadrée par un programme sanitaire national, et nombre de forêts sont encore plus protégées qu’avant afin de la favoriser. Il en va de même de parcs urbains. D’autres pays, dont la Corée sont en train d’emprunter le même chemin.

L’auteur prend grand soin d’expliquer comment pratiquer le shinrin yoku, l’art du bain de forêt, comment y impliquer tous ses sens, quels chemins emprunter, comment prendre le temps d’être et de respirer tout simplement. Ses propos sont, par moments, très didactiques, mais je les sens aussi habités de beaucoup d’expérience.

Ce que l’auteur en déduit quant à l’aménagement de nos villes, de nos maisons et de nos bureaux me semble largement aussi important que tout ce qui précède. Nos villes doivent être vertes, elles doivent regorger d’arbres, les grands parcs y sont essentiels et ces derniers ne doivent en aucune manière être sacrifiés à la « densification urbaine » qui est devenue le nouveau mantra à la mode. Nos maisons aussi doivent être pleines de bois et de plantes, pas n’importe lesquelles, certaines étant plus adaptées à certaines pièces que d’autres. Quand nous n’avons pas de vue sur la nature, nos décors (photos, posters, etc.) doivent y suppléer. Les sons de la nature sont aussi très importants et ils ont leur place dans nos lieux de vie. Tout cela est encore plus indispensable dans nos bureaux où nous passons une très grande partie de nos vies, et le plus souvent dans un stress certain!

Cet ouvrage m’a fascinée. En même temps que j’ai pris le temps de le découvrir, une fois que je l’ai ouvert je ne l’ai plus lâché. Ce dont il parle me paraît essentiel pour l’équilibre de nos vies. Il se trouve aussi que nos forêts sont contiennent une forte proportion d’arbres à feuilles persistantes, dont les conifères, qui émettent des substances, les phytoncides, qui ont une grande part dans les effets du shinrin yoku sur notre organisme. Autant en profiter !

Même si le terme de sylvothérapie a été créée en français comme un équivalent du terme japonais de shinrin yoku, je serais heureuse que ce dernier s’impose et devienne la marque de cette pratique. Cette dernière est multidimensionnelle et, pour moi, le terme japonais englobe ces différents aspects, ce que le terme français ne fait pas. C’est aussi une manière de rendre hommage aux êtres qui ont pris le temps de mettre des mots sur cette pratique, qui ont travaillé dur pour en faire quelque chose de reconnu et documenté et c’est aussi un hommage à la culture dont elle est issue.

Accessoirement, je constate que plusieurs ouvrages sont publiés sur cette même thématique presque en même temps que celui-ci et une petite bibliographie figure ci-dessous.

[1] Dr QING LI ; Shinrin Yoku – L’art et la science du bain de forêt – Comment la forêt nous soigne ; First ; 2018

[2] Yoshifumi Miyazaki ; Shinrin yoku : Les bains de forêt, le secret japonais pour apaiser son esprit et être en meilleure santé ; Guy Trédaniel ; 2018

[3] Jean-Marie Defossez ; Sylvothérapie : Le pouvoir énergétique des arbres ; JOUVENCE ; 2018

[4] Eric Brisbare ; Un bain de forêt Broché ; Marabout ;2018

[5] Laurence Monce ; Ces arbres qui nous veulent du bien – A la découverte des bienfaits de la sylvothérapie ; Dunod ; 2018

[6] Clemens G. Arvay ; L’effet guérisseur de l’arbre : Les bénéfices émotionnel, cognitif et physique de la biophilie ; Le Courrier du Livre ; 2016

[7] M-Amos Clifford ; Le guide des bains de forêt ; Guy Trédaniel ; 2018

Souffrance au travail, l’éléphant dans la pièce

Affiche "we can do it" de 1943
We Can Do It! de J. Howard Miller, 1943. Source: Wikipedia et Wikimedia

En plus du chômage, très important dans nombre de pays, une proportion importante des personnes qui ont un emploi en souffrent fortement, au point d’avoir besoin de médication, de vivre des burnout (« bore out », « brown out », etc.) à répétition et de voir leur vie fortement entravée sans pour autant trouver de piste de sortie.

La situation est documentée par certains acteurs, en particulier les sociologues et les psychologues du travail. Les faits sont clairs et le problème va croissant. Les médias en parlent de temps à autre. Mais rien ne change. En fait, les acteurs politiques et économiques nient jusqu’à l’existence du problème, nient l’existence d’une crise très importante même dans les pays qui vivent un chômage plus réduit qu’ailleurs et osent affirmer que si des personnes ont des difficultés, cela est dû à des difficultés et des faiblesses personnelles. Ce faisant, ils confirment les mécanismes de maltraitance et d’écrasement des personnes mis en lumière par les personnes mentionnées précédemment.

Autant ce problème est majeur pour un nombre croissant de professions, de personnes travaillant dans des entreprises et des institutions publiques, autant même les syndicats ne semblent pas s’être emparés de cette problématique et de lui avoir accordé l’importance qu’elle mérite. Le fait qu’elle touche particulièrement le monde des services et des institutions publiques, univers souvent moins syndiqués que d’autres domaines professionnels peut expliquer une partie de ce manque de prise en charge. Mais cela ne l’explique qu’en partie et cela ne résout rien.

Nombre de personnes s’efforcent de tirer leurpropre épingle du jeu. Certaines peuvent avoir assez d’astuce, de relations ou de chance pour réussir. Le sort des autres est nettement moins évident. En ce qui me concerne, même si je salue le fait qu’un certain nombre de personnes arrivent à s’en sortir et à trouver une situation plus satisfaisante pour elles, il me semble que, ce faisant, elles confirment le succès d’un des mécanismes d’oppression qui est mis en jeu, qui consiste à isoler les personnes les unes des autres et à faire croire que les problèmes qu’elles rencontrent sont des problèmes personnels, pas la résultante d’une volonté et de mécanismes d’oppression imposés à des centaines de millions de personnes.

Je crains que la situation ne changera pas tant que les personnes qui vivent ce genre de souffrance et la grande masse des personnes travaillant dans le monde des services ne se syndicaliseront pas massivement, quitte à créer de nouvelles institutions au passage si c’est nécessaire, et tant qu’elles ne s’uniront pas pour imposer cette problématique et exiger une humanisation de leurs activités professionnelles.

Comme modeste contribution à cette lutte qui doit encore être menée, voici des éléments de documentation que j’ai trouvé dans mes propres recherches, et qui pourront servir à d’autres. Les références qui figurent ci-dessous documentent le caractère de « mal de société » que représente aujourd’hui la souffrance au travail, ainsi que les mécanismes d’oppression qui sont à l’œuvre.

 

Vincent de Gaulejac 

  • Travail, les raisons de la colère, Points, 2015 (pour l’édition de poche)
  • Le capitalisme paradoxant. Un système qui rend fou, Le Seuil, 2015
  • La société malade de la gestion : Idéologie gestionnaire, pouvoir managérial et harcèlement social, Points, 2009 (pour l’édition de poche)
  • Manifeste pour sortir du mal-être au travail, Desclée de Brouwer, 2012
  • La lutte des places, Desclée de Brouwer, 2014 (pour l’édition actuelle)
  • Vidéos online : https://www.youtube.com/results?search_query=Vincent+de+Gaulejac

 

Christophe Dejours

  • Souffrance en France. La banalisation de l’injustice sociale, Points, 2014 (pour l’édition de poche)
  • TRAVAIL, USURE MENTALE, Bayard, 2015 (pour l’édition actuelle)
  • L’Évaluation du travail à l’épreuve du réel : Critique des fondements de l’évaluation, Inra, 2003
  • Vidéos online : https://www.youtube.com/results?search_query=Christophe+Dejours

 

Isabelle Méténier

 

Christelle Mazza

  • Harcèlement moral et souffrance au travail dans le service public : Spécificités du service public, Prévenir le risque psychosocial, Réparer et combattre le harcèlement moral, Analyse de cas pratiques, Puits Fleuri, 2014
  • Vidéos online : https://www.youtube.com/results?search_query=Christelle+Mazza

 

Marie Pezé 

 

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