Archives pour la catégorie expériences spirituelles féminines

La dernière reine des femmes samurai

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Ishi-jo, femme de Oboshi Yoshio, l’un des « 47 ronin fidèles ». Estampe de Kuniyoshi de la série Seichi gishin den, « histoires de coeurs fidèles », 1848

 

Même en occident dans lequel les femmes ont un meilleur statut que dans nombre d’autres sociétés patriarcales, pour de très nombreuses personnes, une femme ne peut en aucune manière être une guerrière. Tout au plus pourrait-elle l’être au sens purement figuré, synonyme de lutteuse, et pour autant qu’elle reste bien pacifique, ce qui ne fait que renforcer les stéréotypes de genre.

 

Pourtant, nous avons entendu parler des femmes kurdes qui se battent sur le front pour défendre leurs terres, leur dignité et leurs modes de vie contre les terroristes fondamentalistes qui veulent les écraser (1). Mais c’est loin, dans des pays que nombre d’occidentaux jugent reculés, et c’est perçu comme étant juste une exception issue d’une situation tragique et horrible.

 

En occident comme ailleurs, les chroniqueurs et les registres ont gardé la trace de femmes qui depuis la plus haute antiquité ont défié le système patriarcal pour s’engager comme marin ou soldat et partir à l’aventure, voire à la guerre. Une fois encore l’essentiel des livres d’histoire est écrit par des hommes qui les ont laissées de côté et invisibilisées pendant des siècles. Il a fallu attendre la fin du 20ème siècle pour que leur histoire commence enfin à apparaître, au moins dans des ouvrages spécialisés (2). Pour ce qui est du grand public, c’est encore une toute autre histoire.

 

Que, dans une autre culture, des guerrières aient pu constituer une caste en tant que tel, avec ses propres traditions, voilà quelque chose d’impensable pour la plupart des personnes vivant en occident. Voici aussi quelque chose d’impensable pour de nombreuses femmes qui se réclament du féminisme.

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Antique Japanese naginata blade, Tokyo National Museum, picture author: Ian Armstrong, source: Wikimedia commons

 

Pourtant, une telle caste a existé dans le japon féodal et elle s’est éteinte avec lui, comme le révèle un documentaire récemment paru (3) qui nous conte la vie et la mort de Takeko Nakano, une des dernières et des plus grandes femmes samurai du Japon. Cette caste a été suffisamment importante pour que les femmes qui en faisaient partie disposent d’une arme qui leur est propre, le naginata (cf ci-dessus) et elle est fort efficace (4). Ces femmes ont eu suffisamment de courage et de combativité pour imposer leur présence aux hommes de leur culture, qui n’étaient pas tous très enthousiastes.

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Extrait de samurai warrior queens, documentaire produit en 2015 par Urban Canyons

Dans les sociétés soumises à des systèmes patriarcaux, c’est à dire dans 99% des sociétés humaines actuelles, les femmes sont les principales victimes de violences au sein du cercle domestique et les hommes les principaux perpétrateurs de ces dernières. En dehors du fait que « principal » n’est pas synonyme de « unique », cet état de fait n’a rien d’une fatalité. L’éducation que reçoivent les uns et les autres, et qui n’est pas universelle, renforce ancre et répète de génération en génération une situation qui est évitable. D’autres société dont nombre de peuples premiers l’ont évitée, en tout cas jusqu’à leur colonisation.

 

Plutôt que d’éduquer les petites filles à la soumission, à la dépendance et à la séduction, rien ne nous empêche de suivre l’exemple des femmes samurai et celui de certains peuples premiers, en les stimulant dès l’enfance à exercer également leur confiance en elles-mêmes, leur combativité, leur capacité à s’affirmer et à poser des limites claires à l’autre via des cours d’arts martiaux comme le Krav Maga. Rien ne nous empêche non plus d’adapter l’éducation des garçons, sans oublier, bien sûr, une éducation à la la diversité pour les uns et les autres.

 

Ceci devrait permettre à de nombreuses femmes de sortir de l’état de vulnérabilité, de dépendance et de victime dans lequel elles se trouvent. Bien sûr que l’image des femmes s’en trouvera modifiée. Cela va mettre en lumière la part « yang » de nombre d’entre elles, bien différente des stéréotypes dans lesquels de nombreuses personnes veulent les maintenir.

 

Il en va de la place des femmes dans la société, de leur capacité à assumer pleinement l’entier de qui elles sont et de leur capacité à assumer tout aussi pleinement leur vie sans plus dépendre de qui que ce soit. C’est dire que l’enjeu est important.

 

 

(1) Voir, par exemple, https://labyrinthedelavie.net/2015/02/16/traverser-les-epreuves-malgre-tout/

 

(2) Voir, par exemple :

  • Vern Bulloug & Bonnie bulloug, cross dressing sex and gender, University of Pennsylvania Press, 1993
  • Julie Wheelwright, Amazons and military maids, Pandora 1989

 

(3) Samurai warrior queens: http://www.untoldhistory.tv/samurai-warrior-queens/

Voir aussi ce petit film très résumé:

 

(4) Voir: https://www.youtube.com/watch?v=eCo6-BSwdJs

Goûter la joie de vivre au quotidien

Upper Loch Torridon, west coast Scotland. Panorama, from 7 pictures. Source: Wikimedia commons
Upper Loch Torridon, west coast Scotland. Panorama, from 7 pictures.
Source: Wikimedia commons

Un auteur bouddhiste, Jack Kornfield, a écrit sur le retour au quotidien après avoir connu l’extase (1). Je ne sais pas ce qu’est l’extase et je ne suis pas du tout sûre que de l’atteindre soit un objectif pour moi. Mais il est une autre expérience très concrète, enraciné dans mon quotidien, c’est de goûter la joie de vivre qui monte du plus profond de moi-même. Elle ne fait pas fi des difficultés de la vie, mais elle me permet d’entrer en vibration avec toutes les bonnes choses qu’elles me permet de vivre et elle me rend heureuse de vivre, tout simplement, comme une enfant qui danse ou qui joue à la marelle, même toute seule.
C’est difficile pour moi de mettre des mots très élaborés sur cette expérience. Ce que je peux dire, c’est qu’elle préserve la fraicheur de mon regard, qu’elle fait vibrer doucement les cellules de mon corps, qu’elle va de pair avec une respiration pleine et profonde, ainsi qu’avec avec la sensation de m’habiter pleinement.
Les analogies qui me viennent sont musicales. Je vous les propose en espérant qu’elles vous parleront à vous aussi.
A mes yeux, cette expérience est d’autant plus précieuse qu’elle est enracinée dans mon quotidien tel qu’il est au lieu d’un quotidien de contes de féées et irréel. Il se trouve aussi que, à condition d’y mettre les moyens et de chercher son chemin de toute son âme, de tout son cœur et de toutes ses forces, elle est accessible même à des personnes ayant vécu des traumatismes et des maltraitances très graves. Et elle change la vie.

Katie Melua – Better than a dream

Enya – Flora’s secret

Loreena McKennitt – Marrakesh night market

(1) Jack Kornfield, Après l’exase la lessive, Pocket, 2010

Etre une guerrière cabossée

Divine Physician An Daoquan (安道全), surgeon, operating on female warrior Gu Dasao (顾大嫂).By Utagawa Kuniyoshi [Public domain], via Wikimedia Commons
Divine Physician An Daoquan (安道全), surgeon, operating on female warrior Gu Dasao (顾大嫂).By Utagawa Kuniyoshi [Public domain], via Wikimedia Commons

De nombreuses femmes ont du traverser une telle quantité d’épreuves traumatiques au cours de leur vie, que le seul fait d’avoir pu y arriver fait d’elles de solides guerrières. De plus, en tout cas dans mon entourage, elles se reconnaissent dans ce terme.

Mais ces épreuves ont inévitablement laissé des traces en elles, parfois jusque dans leur corps. Tant que les plaies ne sont pas guéries (pour certaines d’entre elles c’est l’oeuvre d’une vie), elles restent sensibles. Elles nous rendent particulièrement vulnérables et nous devons apprendre à vivre et composer avec, au moins le temps nécessaire pour aider à les faire guérir.

Se retrouver seule à devoir éduquer des enfants, et avec un revenu très limité, soit faute de qualifications professionnelles soit parce que la prise en charge des enfants rend impossible un travail à plein temps est un facteur de stress majeur, qui dure de nombreuses années et qui rend très difficile la vie de nombreuses femmes.

Les mémoire traumatiques qui résultent des abus subis dans l’enfance sont encore bien plus lourds à porter. Un stress post-traumatique ne s’apaise pas avec le temps. Toute situation qui rappelle de loin où de près les abus subis dans l’enfance les réveillent dans toute leur puissance. Ceci peut rendre la vie extrêmement difficile et pousse les victimes à « réduire leur vie » pour éviter toute situation de cet ordre. Si on ne peut pas faire l’économie du travail nécessaire pour se libérer de ses stress post-traumatiques, on doit faire extrêmement attention à ce que ce travail ne les ravive et ne les renforce pas (*) ….

A moins qu’il ne s’agisse d’accident, les traumatismes subis dans l’enfance ont été infligés dans le cadre d’une relation perverse avec un proche. Cette forme de relation est utilisée par l’adulte maltraitant pour faire croire à l’enfant victime que c’est lui qui est responsable, même coupable, de la situation qu’il aurait largement mérité. Les enfants victimes de ce genre de torture grandissent avec une image très noire d’eux-mêmes, ils n’ont pas de sécurité intérieure, ils se sentent extrêmement vulnérables et n’ont aucune conscience de leur propre part de puissance. Trouver puis intégrer cette conscience est un long travail.

Les femmes qui sont aussi des enfants douées doivent également faire avec leur immense sensibilité et leur clairvoyance. Loin d’être un avantage, il leur faut faire face à l’incompréhension et au rejet des autres qui n’ont pas la même sensibilité. Il faut vivre avec l’impuissance et la douleur issues de l’impossibilité de changer des choses, pourtant évidentes pour nous-mêmes, mais que ceux qui nous entourent ne voient pas.

Certaines d’entre elles vivent en plus avec d’autres formes de différences. Qu’elles soient homosexuelles, trans, extrêmement grandes, migrantes, etc. Il leur faut en plus intégrer, accueillir, assumer puis affirmer ces formes de différence qui sont souvent une autre cause de rejet.

Ca finit inévitablement par faire beaucoup pour une seule personne!

Dans mon humble expérience, trouver son chemin dans le dédale qui résulte de tout cela exige un immense engagement, une très grande détermination, beaucoup de courage, et tout cela dans la durée. Il est indispensable de chercher son chemin de tout son coeur, de toute son âme et avec toute son énergie. C’est aussi indispensable de pouvoir rencontrer les bonnes personnes aux moments clefs, qui, d’une manière où d’une autre vont pouvoir nous aider comme nous en avons besoin dans ces moments là. Qu’est-ce qui fait que certaines personnes y arrivent et d’autres non est, pour moi, un mystère.

Se prendre en main par soi-même et au quotidien est évidemment tout aussi indispensable.  En ce qui me concerne, observer ce que je vis, prendre le temps de mettre en mot mon ressenti a été vital. Prendre grand soin de mes amies et de mes relations l’a été tout autant. Trouver des groupes source de vie, de rencontres, de joie et de bonheur a aussi été très précieux. Dans mon cas, cela a été la Biodanza (**). Trouver le moyen de me libérer de ce qui m’empoisonne au quotidien (entre autre tout ce qui suscite des ressentiments dans le cadre de ma vie professionnelle), de me recentrer, de retrouver ma respiration, ma conscience à moi-même et à mon corps a aussi été important et cela a pris très longtemps. Pour moi, la marche lente en pleine nature, le contact avec la forêt et les arbres est efficace (alors que je n’ai jamais accroché à des outils comme la pleine conscience).

Ce serait présomptueux de ma part que d’affirmer que tous ces moyens rendent la vie radieuse et facile. Mais ils contribuent en tout cas à rendre la mienne vivable, à trouver une certaine paix, à me permettre de goûter tous les bons moments que j’y trouve (ils sont nombreux) et à faire face aux situations difficiles en étant moins affectée par ces dernières.

Mais c’est peut-être aussi cela, être une guerrière.

(*) Voir Peter A. Levine, In an Unspoken Voice: How the Body Releases Trauma and Restores Goodness, North Atlantic Books, 2010

(**) Voir, par exemple, www.biodanza.ch

"Hangakujo". The female warrior samurai Hangaku Gozen by Yoshitoshi (1839-1892). From the series "Yoshitoshi mushaburui: A series of warriors by Yoshitoshi." Published in "The Floating world of Ukiyo-e," essays by Sandy Kita, New York, 2001, no. 72, p. 135. Exhibited at "The Floating world of Ukiyo-e: shadows, dreams and substances," organized by the Library of Congress, 2001. Colour woodcut print, 37 x 25.3 cm.Tsukioka Yoshitoshi [Public domain], via Wikimedia Commons
« Hangakujo ». The female warrior samurai Hangaku Gozen by Yoshitoshi (1839-1892). From the series « Yoshitoshi mushaburui: A series of warriors by Yoshitoshi. » Published in « The Floating world of Ukiyo-e, » essays by Sandy Kita, New York, 2001, no. 72, p. 135. Exhibited at « The Floating world of Ukiyo-e: shadows, dreams and substances, » organized by the Library of Congress, 2001. Colour woodcut print, 37 x 25.3 cm.Tsukioka Yoshitoshi [Public domain], via Wikimedia Commons

 

 

Le millionième cercle

Jean Shinoda Bolen, The millionth circle Conari Press, 2003
Jean Shinoda Bolen,
The millionth circle
Conari Press, 2003

En 2003, la thérapeute Jungienne Jean Shinoda Bolen a publié « The Millionth circle – How to change ourselves and the World – The essential guide to women circles » (« Le millionième cercle – Comment nous changer nous-mêmes et changer le monde – Le guide essentiel pour les cercles de femmes »). Elle avait déjà beaucoup écrit sur les archétypes féminins ((*), (**)) et ses textes sont traduits en de nombreuses langues, sauf, comme d’habitude, en français!

Avec cet ouvrage, Jean Shinoda Bolen a popularisé et réintroduit une tradition de nombre de peuples premiers, à savoir le cercle des femmes du clan. C’est très souvent un espace égalitaire (un cercle), un lieu de pouvoir pour les femmes, un espace de transmission, d’initiation, de solidarité, de stimulation et de compagnonnage.

C’est aussi une tradition que toutes les cultures patriarcales, en appliquant le principe « diviser pour régner » se sont efforcées d’éradiquer totalement. Tant que les femmes sont des rivales et sont complètement centrées sur les hommes, elles ne se constituent pas en tant que groupe et elles ne se révoltent pas pour faire entendre leur voix….

Jean Shinoda Bolen a aussi décrit sa vision en prenant pour analogie l’expérience bien connue de singes macaques  vivant dans des îles japonaises. Sur l’une de ces îles, les singes étaient nourris par les humains qui les étudiaient. A un moment donné, une jeune femelle s’est mise à laver sa nourriture (des patates douces si ma mémoire est bonne) à l’eau de mer. Sa pratique s’est lentement répandue chez tous les jeunes du clan. Avec le temps, les autres clans de singes de cette même île se sont mis à faire de même. Plus tard encore, tous les clans de toutes les îles avaient adoptés sa pratique, alors même que les singes n’avaient aucun contact physique entre eux!

Par analogie, sa vision est que la création d’un premier cercle facilite la création d’un second, qui stimule celle d’un troisième, etc. jusqu’à la création du millionième. Son espoir est que, une fois ce seuil symbolique passé, les cercles vont avoir un impact sur toute la société, de par leur seule existence qui sera devenue incontournable. Alors, les sociétés devront prendre en compte sérieusement les valeurs des femmes engagées dans ces cercles, à savoir prendre soin à long terme de la vie, qu’il s’agisse de celle de la famille, du clan ou de la Terre mère.

Elle décrit sa vision dans ce petit livre de moins de 100 pages, avec une écriture en vers très belle et très poétique.

Dans mon passé, j’ai eu l’occasion de participer à de tels cercles et j’ai constaté qu’ils peuvent être des stimulants puissants pour des femmes qui se situent dans un parcours de vie plutôt traditionnel, pour qui l’archétype de la féminité, la maternité, le fait d’être une épouse et une mère de famille sont des choses essentielles.

C’est nettement moins simple pour des femmes atypiques, dont le parcours de vie est nettement plus queer, qui assument et expriment pleinement leur part « yang » et qui se définissent par elles-mêmes plutôt que d’attendre de compléter un hypothétique autre. Je fais partie des femmes de cette mouvance et il est possible que nous devions créer nos propres cercles, des cercles de louves et de guerrières afin de trouver notre place.

Je m’interroge aussi sur la possibilité de changer la société uniquement en atteignant un seuil donné. Je vois combien les cercles de pouvoir vivent complètement coupés du reste de la société et je peux tout à fait imaginer que ces derniers fassent tout pour entraver un changement qui les dérange et les met en cause, comme cela s’est passé face aux révolutions sociales du 2ème siècle, dont aucune n’a vraiment pu être achevée à cause de cela.

Mais cela me parait une belle vision et une belle initiative de la part de Jean Shinoda Bolen qui gagne à être connue et tentée par un nombre croissant de femmes de par le monde. C’est pour cela que j’en parle.

Il se trouve aussi que, pour une fois, le monde de l’édition francophone s’est quelque peu réveillé et cet ouvrage a enfin été traduit en Français. Comme le titre de la traduction française n’a strictement rien à voir avec le titre du livre originel, ni avec son sujet d’ailleurs, il faut un peu chercher. Mais il est disponible dans toutes les bonnes librairies:

Jean Shinoda Bolen La pratique des cercles de compassion Jouvence, 2011
Jean Shinoda Bolen
La pratique des cercles de compassion
Jouvence, 2011

 

(*) Voir: Jean Shinoda Bolen, Goddesses in every woman, Harper & Row 1984, Quill Editions, 2004

(**) Voir: Jean Shinoda Bolen, Goddesses in older women, Harper Collins 2001, Quill Editions, 2002

Tirer les cartes, un plaisir particulier

Reproduction de cartes datées d'environ 1420 et appartenant au jeu "Pierpont-Morgan Bergamo Visconti-Sforza"
Reproduction de cartes datées d’environ 1420 et appartenant au jeu « Pierpont-Morgan Bergamo Visconti-Sforza »

Voilà bien une activité un peu sulfureuse pour une ingénieure! Mais j’aime bien tirer les cartes.

La divination est une activité humaine très ancienne, qui fait partie d’un très grand nombre de traditions chamaniques de par le monde. Ca ne me surprend pas vraiment de voir que tous les peuples qui ont disposé de l’imprimerie ont utilisé les cartes comme support pour cette pratique.

Selon les résultats de mes petites recherches sur Internet, il semblerait que les jeux de cartes soient nés en chine au 7ème siècle, époque où les chinois maitrisaient déjà la xylogravure ((*), (**) et (***)). Elles seraient apparues en Europe vers la fin du 14ème siècle via l’Egypte et l’Italie. Le Tarot serait apparu à la cour de Milan entre 1440 et 1450 (**). Son utilisation divinatoire est explicitée pour la première fois dans le 8ème volume du « Monde primitif » D’antoine Court de Gébelin (****), publié entre 1773 et 1782. Par contre il n’est pas possible de dater cette même utilisation dans la culture populaire, faute de trace écrite.   Entretemps, les tarots se sont déployés dans différentes éditions, française, italienne, allemande, anglaise, etc. correspondant à des pays et des langues différentes. Les symboles représentés dans les différentes éditions et leur interprétation a aussi évolué dans le temps. Cette tradition est restée vivante et évolutive.

Aujourd’hui, en plus des tarots, la variété des jeux de cartes divinatoires a explosé. Il y a ceux qui se conforment au format du tarot (« tarots zen », « tarot des anges », « cartes de l’enfant intérieur », …) et d’autres qui s’en libèrent (« Les messages de l’univers », « cartes oracle des déesses », etc.). Et ils ont un succès certain.

Mais à quoi bon?

Pour  commencer, nombre de ces jeux de carte sont superbes et ils me plaisent. Leur iconographie est magnifique et c’est un plaisir pour moi que de les contempler.

Jouer avec des amies est aussi quelque chose d’agréable. Ces cartes permettent souvent des partages sur des sujets un peu inhabituels que nous n’aurions pas abordé autrement.

Tirer les cartes est un moyen de me mettre à l’écoute de mon intuition et de découvrir où elle me mène. Ecouter mon intuition de cette manière (il y en a de nombreuses autres) me rapproche d’une longue tradition et me raccroche à une pratique chamanique très ancienne et universelle. Cela est important pour moi.

Quand je suis particulièrement centrée et ancrée, c’est un moyen de donner la parole à mon inconscient, à différents niveaux de profondeur. Il en sort souvent des choses censées, et parfois des choses qui m’étonnent vraiment.

Dans les moments où je suis au meilleur de ma forme, particulièrement paisible, centrée et ancrée, c’est là que sortent les tirages les plus significatifs, les plus parlants. C’est comme s’ils allaient puiser dans des couches très profondes, auxquelles je n’ai habituellement pas accès, presque comme un au delà de moi.

Dans mon expérience,  c’est aussi important de choisir le bon jeu avant un tirage. Chacun a son propre langage et inutile de demander aux cartes médecine de Jamie Sams de prévoir un bouleversement de ma vie quotidienne! Elles ne s’adressent pas à ce niveau là. Et cela justifie le plaisir de multiplier les jeux de cartes….

(*) Voir http://www.tourdecartes.com/archives/5524

(**) Voir http://www.apprendre-tarotdemarseille.com/histoire/l-origine-du-tarot/

(***) Voir http://reprographie.epfl.ch/conseils/print-evolution/typo-print01_evolution.pdf

(****) Voir http://lumieres.unil.ch/fiches/bio/43/

Questions existentielles et spirituelles

Agathla Peak, Monument Valley
Agathla Peak, Monument Valley

 

La dimension de «plus grand que soi» de chaque personne lui est propre et très intime. Il me semble cependant qu’un point qui peut réunir la grande majorité des enfants doués est qu’ils sont dans l’impossibilité de se satisfaire de vérités imposées de l’extérieur et qu’il-elle-s recherchent en eux-mêmes leurs propres réponses aussi singulières soient elles.

Il est possible que certaines de mes propres réponses puissent être pertinentes pour d’autres. C’est pourquoi je les propose ici, ne serait-ce que pour qu’elles aident d’autres à trouver les leurs.

Il existe dans la nature une forme d’indétermination liée aux lois qui la gouvernent (*). Ces lois nous influencent aussi, en ce sens que je ne crois pas qu’il y ait une intention ou une finalité derrière le fait qu’un être naisse handicapé, dans une famille maltraitante ou avec quelque autre particularité. Les lois de la nature ne sont ni déterministes ni essentialistes. Ce sont nos visions de cette dernière qui le sont.

Je ne crois pas à la prédestination et je suis intimement convaincue que, malgré tous les déterminismes qui influent sur nous, nous avons une part de liberté de choix. De l’interaction de nos libertés individuelles naît nécessairement une part de hasard (d’indétermination) dans nos vies. Nous ne sommes pas sur des rails et les autres ont une existence propre, ils ne sont pas là que pour jouer un rôle ou un autre dans nos vies.

Face à certaines formes de la condition humaine, il est tout simplement naturel et légitime d’être révolté-e et en colère contre la vie. Il y a des sorts qui sont totalement insupportables et il est entièrement légitime et honorable que des personnes mettent toute leur énergie à les corriger.

A mes yeux, les formes de spiritualité patriarcales traditionnelles, encore très largement majoritaires sur cette planète, sont en train de montrer leurs limites. Profondément non respectueuses et toxiques, elles sont dans l’incapacité de répondre aux quêtes de sens de personnes qui ne se laissent plus mettre en esclavage pour servir des pouvoirs religieux qu’elles ne reconnaissent plus comme légitime. Ce mouvement est très lent, plus visible en occident qu’ailleurs, mais présent partout.

Les êtres humains sont en train de se chercher. Mais, quelles que soient les formes de nouvelles expériences spirituelles, pour être vivantes, fécondes et durables, elles se doivent d’accompagner les personnes dans la découverte et le déploiement de leur propre part de «plus grand qu’elles» plutôt que de vouloir leur imposer un paquet de l’extérieur. Elles se doivent aussi de respecter et d’inclure les formes d’expérience spirituelles féminines(**), de même que celles de toutes les personnes qui sont «atypiques» à un titre ou à un autre. Plutôt que d’isoler les personnes et de les rendre dépendantes d’une puissance à laquelle elles devraient tout (***), elles se doivent de les aider à se relier à la nature, aux autres êtres vivants, à leurs proches et à tout ce qui peut les guider dans leur parcours. Elles se doivent de respecter et de valoriser pleinement l’autonomie des personnes, y compris par rapport à leur part «institutionnelle». Il y a encore beaucoup de chemin à faire!

(*)En gros, ce qu’on appelle les mathématiques du chaos

(**) Voir, par exemple:

[Bolen, 2002] Jean Shinoda Bolen, Goddesses in Older Women: Archetypes in Women over Fifty, Harper Perennial, 2002

[Bolen, 2004] Jean Shinoda Bolen, Goddesses in Everywoman: Powerful Archetypes in Women’s Lives, Conari Press, 2004

[Gange, 2002] Françoise Gange, Les Dieux menteurs, Renaissance du livre, 2002

[Gange, 2006] Françoise Gange, Avant les Dieux, la Mère universelle, Editions Alphée, 2006

[Gange, 2007] Françoise Gange, Le viol d’Europe ou le féminin bafoué, Editions Alphéé, 2007

[Gimbuntas, 2005] Marija Gimbuntas, Le langage de la déesse, Editions des femmes, 2005

[Redmond, 1997] Layne Redmond, When the Drummers Were Women: A Spiritual History of Rhythm,
Three Rivers Press, 1997

[Schaefer, 2006] Carol Sachefer, Grandmothers Counsel the World: Women Elders Offer Their Vision for Our Planet, Trumpeter, 2006 (traduit chez Véga en 2012)

[Tedlock, 2005] Barbara Tedlock, The Woman in the Shaman’s Body: Reclaiming the Feminine in Religion and Medicine, Bantam, 2005

(***) Représenté par un dieu à la Zeus, derrière lequel se cache une institution patriarcale