Depuis quelques mois, nous voyons de nombreuses femmes prendre les armes dans une région du monde, le moyen orient, qui nous semblait plus connue pour son caractère patriarcal et pour sa violence que pour la place des femmes dans la vie publique. Visiblement, l’apparition d’un mouvement totalitaire de plus, connu pour les horreurs qu’il commet a été la goutte de trop. Il a convaincu ces nombreuses femmes de s’engager les armes à la main pour défendre leurs droits leur liberté et leur dignité.
Je ne suis pas sûre que la majorité d’entre elles se soit jamais imaginée dans un statut de soldat il y a même quelques années. Mais trop c’est trop. Et le rôle qu’elle jouent dans la défense de villes comme Kobané montrent qu’elles sont courageuses, déterminées et fort compétentes au point que l’une d’entre elles a pris la tête de la résistance locale aux fondamentalistes. Une fois la paix revenue, il faudra compter avec elles.
Même en Europe, elles surprennent. Ici aussi les stéréotypes et les vision essentialistes sont loin d’avoir disparu. Ces femmes nous prouvent qu’elles peuvent être des soldates de premier ordre et qu’elles ont la même capacité que les hommes à faire face aux situations les plus extrêmes.
Elles ne sont certainement pas épargnées par la violence des combats. Elles meurent, elles sont blessées, voire mutilées. Elles souffrent dans leur chair elles aussi. Elles aussi ont vu leurs proches massacrés. Elles ont certainement des hauts et des bas. Certaines sont plus résistantes que d’autres. Pourtant elles continuent la lutte et elles affrontent le poids effroyable de mort qui s’est abattu sur leur région. Ce faisant, elles nous rappellent que, d’être une guerrière ne signifie pas traverser de pareilles épreuves sans en être affectée et sans en souffrir, loin de là. Mais c’est avoir le courage et la détermination de les traverser malgré tout.
Pour cela, elles ont toute mon admiration et mon respect.
One of the many Native Alaskan totem poles on display at Sitka National Historical Park, Alaska. Photograph by Robert A. Estremo, copyright 2005.
Traditionnellement, la Suisse a accordé peu de priorité à la recherche en sciences sociales. Il y a cependant au moins une exception, à savoir la sociologie de religions, qui est régulièrement stimulée par des programmes de recherches pluriannuels. Ces derniers donnent très souvent lieu à des publications intéressantes.
Le dernier, le programme national de recherche No 58 dont le titre était «collectivités religieuses, état et société» (1), s’est terminé en 2012. Son module No 5, qui s’intéressait à la manière dont les Suisses et les Suissesses se situent par rapport aux religions et à la spiritualité (2) va enfin voir ses résultats paraître en langue française sous une forme étendue. Jusqu’à maintenant, seuls des résumés étaient disponibles online (3). L’ouvrage qui décrit ses résultats de manière plus approfondie est paru en 2014 en langue allemande (5). et il va paraître en langue française aux éditions Labor et Fides dans les jours qui viennent (6). Je trouve juste regrettable que le titre originel (« Religion und Spiritualität in der Ich-Gesellschaft») ait été traduit en («Religion et spiritualité à l’ère de l’ego»). En allemand, le «ich» est le «je». Le traduire par le terme «d’égo» porte indirectement un jugement de valeur négatif sur le «je» en question.
Sur le fond, le constat de ce programme de recherche est intéressant à plusieurs titres:
Les «institutionnels», pratiquants (catholiques et réformés) assidus et aux valeurs très conservatrices, sont clairement minoritaires (17%)
En regroupant 10% de la population, les «séculiers» (indifférents ou antireligieux) sont toujours minoritaires, mais ils sont clairement visibles.
La grande majorité de la population (64%) se définit comme «distanciée». Sans rejeter complètement son appartenance à une institution religieuse, sa pratique est très occasionnelle et la religion a, en fait peu d’importance pour elle.
Il existe une dernière minorité qui devient elle aussi visible, à savoir les personnes «alternatives» qui représentent 9% de la population. On retrouve dans cette catégorie des personnes ayant de très nombreuses approches (bouddhistes, tantriques, yogis, praticien-ne-s du chamanisme et/ou des formes féminines de spiritualité, etc.). Toujours selon cette étude, ce sont les membres de ce groupe qui ont les valeurs les moins conservatrices.
Contrairement à ce que certains avaient prédits, la Suisse du début du 21ème siècle ne s’est pas recentrée autour des phénomènes religieux. Elle n’est pas non plus devenue fortement séculière, même si ce groupe est en nette progression. D’aucuns diront qu’elle est dans un entre deux qui est typiquement suisse.
Avec 64% de distancié-e-s, il est clair que les Suissesses et les Suisses ne font plus confiance, ou, en tout cas, n’ont plus une confiance aveugle, dans les institutions religieuses traditionnelles.
Avec 9% d’alternatif-ve-s, il y a au moins une minorité qui se sent tentée d’expérimenter autre chose qui pourrait mieux lui correspondre. Cette minorité est souvent regardée avec suspicion. Ses pratiques sont soupçonnées de sectarisme, source de nombreux dangers. De toute évidence, le risque est réel et il arrive régulièrement que des groupes soient dénoncés pour des pratiques douteuses. Mais est-ce qu’il est moindre dans les groupes majoritaires? Ca n’est pas parce qu’ils ont pignon sur rue et qu’ils sont fortement implantés depuis des siècles que leurs pratiques sont nécessairement différentes. Sans remonter au Kulturkampf, force est de constater que ce sont ces mêmes groupes qui se sont massivement mobilisés contre l’avortement, qui continuent à vouloir réduire les femmes à l’état de domestiques, qui ont lutté contre le partenariat civil enregistré (et le mariage pour tous en France), contre toute forme d’adoption par les couples hétérosexuels, qui prétendent toujours avoir toute la vérité à eux seuls, etc.
Il me semble que le fait de promouvoir des chartes de bonnes pratiques que devraient respecter tous ces groupes (minoritaires ou non) pourrait contribuer à mettre des garde fous et à limiter les conséquences en cas de dérive, en tout cas parmi les groupes qui les respecteraient.
La toute première de ces pratiques, qui devrait aller de soi, serait d’exiger une révision des comptes par une institution fiduciaire externe.
La deuxième consisterait pour ces institutions à proclamer qu’elles ont conscience de représenter un chemin parmi d’autres, qu’elles admettent ne pas avoir toute la vérité (tout au plus elles cherchent la leur) et qu’elles s’engagent à ne pas vouloir imposer leurs règles et leurs comportements à la société civile.
La troisième consisterait à proclamer que l’institution a pour valeur fondamentale le respect de l’autonomie de chaque personne, y compris de ses membres et y compris vis à vis d’elle-même. Pour ce faire, elle prend plusieurs mesures:
Elle s’engage à ne pratiquer aucune discrimination qu’elle qu’elle soit, y compris de race, de sexe, de genre, d’orientation sexuelle, d’identité de genre ou pour quelque autre motif que ce soit
Elle exige de chaque personne engagée en son sein de se faire superviser (pour leur pratique au sein de l’institution) à ses frais, par une personne officiellement agréée et complètement indépendante de l’institution.
Elle exige de chaque personne engagée en son sein de travailler à son développement personnel, là encore à ses frais et par une personne complètement indépendante de l’institution.
Elle institue une commission chargée de traiter les plaintes (non respect, manquement à l’éthique, etc.). Cette commission a un pouvoir de décision et elle est composée au moins pour moitié de personnes indépendantes de l’institution.
Elle mandate une commission de «révision éthique» elle aussi externe afin d’arbitrer les questions de conflits de pouvoir, d’influence, les désaccords majeurs, voire les dissidences.
Elle organise des mécanismes permettant aux personnes de la quitter aisément et sans pression du groupe.
Elle organise des mécanismes permettant aux sous-groupes dissidents de se séparer aussi paisiblement que possible. En se constituant en groupes autonomes, ces derniers doivent reprendre ces obligations à leur propre compte.
Tout cela peut paraître très administratif. Mais les scandales qui éclaboussent certaines groupes, dont des groupes ayant des centaines de millions de membres de par le monde, montre que tous profiteraient de règles de ce type.
Sans être parfaites, elles constitueraient des garde-fous relativement solides. Ces derniers pourraient aider les personnes à chercher leur chemin là où elles le sentent juste avec un minimum de garanties de sécurité.
Elles permettaient aussi à des groupes alternatifs d’établir le sérieux de leur comportement et de leur pratique. Ceci pourrait aussi contribuer à permettre à plus de personnes de tirer parti de facettes de l’expérience humaine qu’ils portent et qui peuvent être précieux pour de très nombreuses personnes.
(5) J. Stolz, J. Könemann, M. Schneuwly Purdie, T. Englberger & M. Krüggeler (2014). Religion und Spiritualität in der Ich-Gesellschaft. Vier Gestalten des (Un-)Glaubens. Zurich: TVZ/NZN.
(6) J. Stolz, J. Könemann, M. Schneuwly Purdie, T. Englberger & M. Krüggeler (2015). Religion et spiritualité à l’ère de l’ego. Quatre profils d’(in-)fidélité. Genève: Labor et Fides.