La nature redécouverte

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La botanique redécouverte, Aline Raynal Roques, Belin 1999 (pour l’édition actuelle).

A l’époque où la biologie moléculaire est devenue une discipline reine, d’autres disciplines plus traditionnelles, comme les sciences naturelles ou la botanique n’ont plus la cote. C’est pour défendre et faire redécouvrir sa discipline que l’auteure, Aline Raynal Roques a écrit cet ouvrage.

Je suis d’autant plus fascinée par cette lecture que l’auteure a réussi à mettre en lumière de nombreux aspects de sa discipline et aussi différents niveaux de lecture.

En utilisant le dessin, le plus souvent en noir et blanc, en explicitant l’étymologie des termes botaniques et en recourant à la notion « d’herbier de référence » (qui restent les sources de référence de par le monde), elle donne à voir la dimension humaine et historique de sa discipline.

En introduisant les différentes catégories de plantes (cryptogrammes, gymnospermes, angiospermes), en décrivant leurs caractéristiques, leur mode de vie, leurs adaptations, leur variété, elle décrit superbement les plantes elles-mêmes.

En montrant comment on les classe, comment on les nomme, comment on les a découvertes et référencées, elle donne une belle introduction à la botanique en tant que science.

Mais elle laisse aussi transparaitre un niveau sous-jacent à tous ceux là. Elle montre, et avec talent, à quel point les plantes sont des être raffinés, sophistiqués, complexes, créatifs, qui vivent en communauté et sont tous sauf passifs et inanimés. Bref, ce sont des êtres dignes d’émerveillement et de respect. Et je suis émerveillée par cette lecture. Elle change aussi la manière dont je vis mes moments de nature. Elle me permet de contempler les plantes avec un regard plus attentif aux détails, à leurs spécificités, à leur originalité, à leurs rythmes de vie, à d’autres facettes moins évidentes de leur beauté. Je trouve cela très précieux.

Si ce texte scientifique permet à certaines personnes de redécouvrir les plantes et la botanique et aussi d’ouvrir leur coeur et de laisser grandir un lien plus fort, plus vivant, plus profond, à la nature et aux plantes, ce sera une très belle réussite!

 

 

 

Enfant doué, enfant indigo, Deux noms différents pour un même type de parcours de vie?

Czarky.gif, wikimedia commons
Czarky.gif, wikimedia commons

 

Dans son tout premier ouvrage(*), la psychothérapeute Alice Miller a utilisé l’expression « d’enfant doué » pour décrire les enfants particulièrement sensibles, perceptifs, relationnels, intuitifs et pour parler des difficultés qu’ils rencontrent dans la vie. En gros, être un enfant doué, signifie avoir toutes les chances de souffrir particulièrement d’un environnement familial non respectueux, abusif, maltraitant, carencé, voire pire encore. Devenus grands, ces enfants continuent à vivre avec une sensibilité toute particulière les coups de la vie qui sont loin de se réduire à l’âge adulte.

Si Alice Miller s’est essentiellement centrée sur la maltraitance et sur ses conséquences, d’autres personnes ont parlé de parcours de vie comparables, en désignant les personnes concernées de « sur-efficients mentaux » (**), de « hauts-potentiels », etc. Ces deux descriptions ont en commun qu’elles parlent du parcours de vie de personnes particulièrement sensibles et réceptives. Les auteur-e-s de ce deuxième courant constatent également que la vie n’est pas évidente pour ces personnes et que l’acuité de leur conscience fait qu’elles ressentent très fortement les épreuves qu’elles traversent. L’une de ces auteures a d’ailleurs intitulé son ouvrage « Trop intelligent pour être heureux? » (***). Personnellement, j’apprécie tout particulièrement la description de Christel Petitcollin qui me semble quasiment écrite de l’intérieur.

Je me reconnais assez facilement dans ces deux descriptions. Il en existe une troisième, celle « d’enfant indigo », d’origine beaucoup plus ésotérique. D’autres la décriront infiniment mieux que je ne saurais le faire, je m’en abstiendrais donc (votre moteur de recherche préféré vous renseignera très facilement). Comme elle me laissait très mal à l’aise, je suis restée à distance de cette dernière pendant des années.

Ce qui me dérange le plus dans la description des personnes dites « indigo », c’est «l’intentionnalité», i.e. «être venue sur terre délibérément et dans le but de réaliser un parcours particulier», souvent très difficile et douloureux. C’est comme s’il y avait des êtres à la fois intelligent et sensibles qui seraient capables de choisir de venir délibérément au monde dans des environnements gravement maltraitants, abusifs, carencés, de subir des conditions de misère matérielle et affective terrible leur garantissant une vie extrêmement difficile et douloureuse, d’enfant maltraité, puis d’adulte traumatisé et prisonnier de son passé, de femme abusée et battue voire pire encore. Désolée, ca ne passe pas et je récuse la vision du monde selon laquelle « il n’y aurait pas de hasard ». En tout cas moi, je ne me reconnais pas là dedans. En fait, il est absolument clair pour moi que je ne veux pas être là (dans cette existence) et c’est ainsi, point.

Suite à un concours de circonstances, je suis tombée sur un site décrivant quelque chose de plus concret, de plus palpable et surtout de plus acceptable pour moi (****). Ce site décrit les personnes dites indigo à partir de 8 besoins fondamentaux et de 25 caractéristiques principales. En les parcourant, je me suis rendu compte que je me sens correspondre à tous les besoins fondamentaux listés (vivre ma vérité intérieure, être intègre, vivre dans la congruence, servir, vivre libre, aimer, avoir besoin d’harmonie et harmoniser et exprimer ma propre forme de reliance), mais pas toujours de la manière décrite. Mon expérience de «plus grand que moi», par exemple, n’est pas démonstrative. Je ressens cette dimension dans certaines de mes intuitions, dans la Présence silencieuse que je peux percevoir tout au fond de moi, dans des signes très discrets, dans la manière dont je peux prendre soin de mes proches. Tout cela n’a absolument rien de spectaculaire. Il en va de même pour le reste. Je me retrouve également dans au moins 20 des 25 caractéristiques principales listées sur ce site. Je me suis rendue compte que je me retrouve devant une description qui me correspond assez bien.

Se pourrait-il qu’il s’agisse de moi? Se pourrait-il que cette catégorie ait quand même un sens?

Dans un premier temps, je n’étais pas très à l’aise avec cette éventualité. Mon côté « carrée », scientifique, ne s’y retrouve pas. Dans un deuxième temps, en observant ma dynamique de vie concrète, je dois bien admettre que je me retrouve dans une bonne part de la description concrète des personnes indigo que j’ai trouvée sur ce site. Que je sois venue au monde dans le but d’agir dans ce sens ou pas, en pratique j’agis dans le même sens que les personnes qui y sont décrites. Même le faire à ma manière et y mettre mon grain de sel fait partie de la description! Est-ce que le reste ne serait pas qu’une question de rhétorique ou de vision du monde?

Là où cela me semble important au delà de ma personne, c’est que ces trois descriptions indépendantes provenant de personnes et d’époques différentes convergent (sans être identiques, bien sûr). Cela est pour moi le signe que les personnes douées, sur-efficientes,  indigo sont plus nombreuses que dans le passé et que leur présence devient visible, au point qu’il existe une petite littérature à leur sujet. Alors que je me suis longtemps sentie seule au monde avec ma différence, je rencontre de plus en plus de personnes dans mon entourage qui se reconnaissent dans au moins un de ces trois termes. C’est pour moi le signe d’un changement.

A l’heure d’internet, des blogs et des réseaux sociaux, les personne au parcours de vie atypique ne sont plus condamnées à rester seules dans leur coin. Il est aujourd’hui possible à chacun-e d’entre nous d’exprimer sa part de « parole sacrée ». Il est aussi possible d’aider à créer un réseau de relations, de connexions, de partages d’expériences qui permettront aux enfants doués de partager leurs expériences de vie. Ce faisant, il sera important d’éviter « d’entrechoquer trop souvent des tubes de nitroglycérine », pour reprendre l’expression de Christel Petitcollin. Il est aussi important d’en faire un partage d’expériences positives de vie qui stimule le chemin de chaque personne plutôt qu’un partage de mal-être qui serait un vrai poison (et ne ferait que reproduire ce que les personnes vivent déjà dans leur quotidien).

Qu’est-ce qui peut en sortir? Je n’en sais humblement rien. Je sais juste que trop d’enfant doué-e-s vivent très difficilement leur vie. Je sais aussi que nombre d’entre eux souffrent, beaucoup, de ne pas pouvoir exprimer cette part d’essentiel qu’ils portent qu’ils ont envie d’offrir au monde. Et j’ai envie d’essayer.

(*) [Miller, 2012] Alice Miller, Le drame de l’enfant doué, PUF,  2012 (pour l’édition actuelle)

(**) [Petitcollin, 2010] Christel Petitcollin, Je pense trop, comment canaliser ce mental envahissant, Guy Trédaniel, 2010

(***) [Siaud-Facchin, 2008] Jeanne Siaud-Facchin, Trop intelligent pour être heureux? L’adulte surdoué, Odile Jacob, 2008

(****) Voir : http://www.lousonna.ch/999/sindigo.html

 

un avant-goût d’une forêt primordiale

La Forêt primordiale, Bernard Boisson, Editions Apogée, 2010
La Forêt primordiale, Bernard Boisson, Editions Apogée, 2010

Comme l’indique l’auteur, nombre de nos forêts actuelles sont en fait des champs d’arbres et elles n’ont plus grand chose de naturel.  Morcelées, fractionnées, transpercées de routes et de chemins carrossables, ce sont bien trop souvent des espaces de production et des espaces de distraction comme les autres.

L’auteur a essayé de donner un avant-goût, une intuition de ce que pourrait être (et de ce qu’a été) la forêt continentale européenne intacte. Il l’a représentée en photographiant et en mettant en scène les quelques miettes qui en restent.

Il a essayé de donner vie à l’immensité de ce que serait cette forêt, à l’expérience que cela pourrait être pour un être humain que de s’y perdre au cours d’un voyage qui deviendrait une quête initiatique.

Les photos de cet ouvrage sont, pour moi, magnifiques. Je suis émerveillée de la manière dont l’auteur a réussi à rendre les tons doux, l’espace, les couleurs, l’atmosphère de ces fragments de forêt. Cet ouvrage est à parcourir lentement. Il faut prendre le temps de respirer, non seulement de contempler chaque image, mais aussi de se laisser contempler, nourrir par la forêt dont elle témoigne.

C’est essentiel non seulement pour nourrir notre lien à la nature, mais aussi pour donner une chance à cette forêt primordiale de renaître un jour.

Lien vers le site de l’auteur: http://natureprimordiale.org

Ressourcement au quotidien

Tryon Marshall National forets, wikimedia commons
Tryon Marshall National forets, wikimedia commons

C’est une forêt d’Europe comme les autres, avec ses jeux de lumière, ses chemins, ses oiseaux, ses clairières, ses arbres, ses chevreuils et ses visiteurs. Mais c’est celle à laquelle j’aime rendre visite tous les jours durant la pause de midi.

Je marche lentement. Je regarde, j’écoute, je sens. Je me laisse sentir et remplir de ce que je vois. Je goûte la vue des arbres et de leurs frondaisons, les zones d’ombre et de lumière, le chant des oiseaux, leur vol quand, d’aventure, je les dérange. Par moments, j’aime marcher les yeux fermés, présente aux sensations de mon corps, au contact avec le sol, à ma respiration, aux bruits et aux chants de la forêt.

Au fur et à mesure, je me sens lâcher mes préoccupations, mes colères, mes soucis, ce qui me touche et me perturbe. Je suis simplement présente et attentive. Je me retrouve intacte, avec ma fraicheur, ma douceur et ma joie de vivre d’enfant. Je goûte ma paix intérieure, le silence, ma présence toute simple à moi-même et à ce qui m’entoure.

Il y a forcément un moment où le quotidien reprend le dessus, où je dois rejoindre la mine et un rôle qui s’apparente souvent à celui d’une guerrière. Mais je le rejoins pleine de cette fraicheur. Sans tout révolutionner, elle teinte ma manière d’être, ma manière de ressentir, de recevoir et d’agir. Elle me permet aussi de mieux vivre l’après-midi et de rentrer plus paisible, plus allégée.

C’est juste un rituel parmi tant d’autres, le mien. D’autres auront besoin de sport. D’autres encore de méditation ou de tout autre chose. L’essentiel est d’arriver à trouver le sien et de le vivre très régulièrement, au quotidien. Je vous souhaite d’avoir cette chance.

 

Je travaille dans une maison de fous

Je travaille dans une maison de fous
Je travaille dans une maison de fous

Nous sommes très nombreux à souffrir fortement de ce que nous vivons au travail. En allemagne et en Suisse on parle d’au moins 20% des personnes qui seraient soit sous médicaments soit en dépression et cela ne fait qu’empirer(*).

Ca n’est pas seulement le volume de celui-ci, le rythme effréné auquel il faut produire, les demandes qui arrivent de toutes part et qui sont toutes prioritaires et une hiérarchie que ne nous écoute pas, bien que tout cela y participe fortement. C’est l’absurdité, l’absence de sens, les ordres idiots, le « travail de singe » dont on sait dès le départ qu’on devra le refaire, tout ce avec quoi nous devons composer pour payer nos factures en fin de mois.

J’ai trouvé une assez bonne description de cet enfer au quotidien dans cet ouvrage (**). L’auteur recommande bien sûr de changer de travail pour trouver autre chose, mais la grande question que je me pose et « où est-ce qu’il y a encore un job qui ne soit pas dans une maison de fous? Est-ce que ca existe encore? »

(*) Selon une étude du secrétariat d’Etat Suisse à l’Economie de 2012

(**) [Werhle, 2012] Martin Wehrle, Je travaille dans une maison de fous, Eyrolles, 2012

 

Comment contribuer au changement de société auquel nous aspirons?

Kraeuterspirale
Kraeuterspirale

 

Je ne doute pas que des enfants doués peuvent opérer des changements importants dans des environnements familiaux un tant soit peu respectueux. Mais les changements sont tout aussi urgents sur le plan sociétaire. Comment pousser ces changements quand les leviers de nos sociétés sont aux mains de personnes qui sont parfaitement à l’aise dans des rapports de force? Comment faire face à des personnes qui n’ont pour but principal que l’acquisition et la conservation du pouvoir pour elles-mêmes et pour leur clan et qui sont prêtes aux actions les plus tordues pour y arriver? Comment faire son chemin dans un univers pareil, quand on est un être sensible, qu’on n’est pas là pour soi-même, mais pour construire avec d’autres? Comment agir en évitant de se faire manipuler et «avoir» par d’autres qui ne recherchent que leur propre réussite? Comment chercher des chemins d’évolution politiques, économiques, sociaux, ensemble avec d’autres quand ces autres n’ont pas du tout le même but?

Comment faire pour sortir d’un mode de vie basée sur la prédation (sur la nature, sur autrui) quand les dirigeants politiques et économiques sont les premiers à avoir intérêt à ce que rien ne change? Comment donner une vie, un travail, une dignité à chacun, comment construire une économie qui ne soit pas basée sur la croissance perpétuelle de l’exploitation des ressources de cette planète?

Dans «Like a tree» (*), Jean Shinoda Bolen fait référence à un conte de Shel Silverstein, «the giving tree» (**), l’arbre généreux. Ce conte raconte l’histoire d’un enfant qui, pour satisfaire ses besoins, exploite un arbre en prenant ses fruits, puis ses feuilles, puis ses branches, puis son tronc, à différentes époques de sa vie, sans jamais rien lui donner en retour. Quand il est âgé, il ne reste plus qu’une souche d’un arbre qui était magnifique. Le conte parle de générosité. Mais, sans le vouloir,il traduit aussi l’attitude infantile des humains, qui exploitent la nature comme une chose, sans la respecter ni rien lui donner en retour. Tous nos caprices sont légitimes. Nous détruisons la beauté autour de nous, chez les humains et dans la nature, nous transformons notre propre monde en dépotoir. Tous les êtres sensibles qui s’insurgent contre cet état de fait sont ridiculisés, dévalorisés et méprisés par ceux qui profitent le plus de ce système de prédation. Comment faire pour changer cela? Comment faire pour empêcher les sociopathes, les narcissiques et les manipulateurs pervers d’arriver aux leviers de commande de nos sociétés et de notre économie?

C’est pour moi une question qui est encore sans réponse. Mais l’enjeu me semble très important. Peut-être que de nouvelles générations d’enfants moins blessés et démolis par leurs contextes familiaux que je ne l’ai été auront les ressources nécessaires pour remettre en route nos sociétés qui sont complètement bloquées face à cette question.

(*) Voir [Bolen, 2011] Jean Shinoda Bolen, Like a Tree: How Trees, Women, and Tree People Can Save the Planet, Conari Press, 2011

(**) Voir [Siverstein, 1964] Shel Silverstein, The giving tree, HarperCollins, 1964

Comment être signe d’espoir?

Phare du Petit Minou avant une tempête
Phare du Petit Minou avant une tempête

 

Quand je regarde autour de moi, je vois un monde en crise profonde. Nombre de symboles et d’institutions qui semblaient indestructibles s’effondrent. Ce en quoi les gens autour de moi ont cru pendant des décennies ne tient plus la route. Par certains aspects, la société est de plus en plus dure et fermée et l’extrême droite a retrouvé un poids digne des pires années du 20ème siècle. En 2012 le stress professionnel grave est devenu une plaie endémique dont souffre près d’un tiers de la population(*).

En Suisse, le chômage a été maintenu à un taux artificiellement bas grâce aux «pré-retraites» et à l’assurance invalidité. Mais, en plus d’être souvent très mal vécu par les personnes mises à l’écart, le poids financier de cet artifice devient trop lourd. En même temps, le modus vivendi dans les médias est le déni. Nous ne vivrions aucune crise et nous devrions être très heureux de notre sort! Pour nos difficultés? Surtout pas de réflexion! Pas de remise en cause! Pas de changement! Toujours plus des mêmes bonnes vieilles recettes! Toujours plus vite! En fait, c’est droit dans le mur que nous allons toujours plus vite!

Comment être signe d’espoir dans ce monde où chaque être humain est replié sur ses propres problèmes, persuadés qu’ils sont uniques, et préoccupé uniquement de sa propre survie à plus ou moins court terme? Comment une personne peut être signe d’espoir quand elle souffre tout autant que les autres, sinon plus, de cette situation? Mais si nous ne le sommes pas, qui le sera?

Alors, j’essaie d’apporter ma propre petite pierre. Mon parcours de vie témoigne de ce qu’il est possible de sortir grandie d’un parcours de vie extrêmement difficile. Il témoigne aussi du fait qu’un enfant particulièrement sensible, perceptif et doué peut survivre et grandir malgré tout dans une société fort peu accueillante. Il témoigne de quelques outils qui sont tout sauf des panacées, mais qui peuvent aider d’autres. Je crois que j’ai aussi assez d’espace en moi pour accueillir quelques autres et les accompagner sur leur propre route dans la vie (et je me suis formée pour).

Il n’y a rien là de spectaculaire ou d’universel. C’est juste une pierre parmi des millions d’autres, mais c’est la mienne.

(*) Selon une étude du secrétariat d’Etat à l’économie, publiée par le journal 24Heures : http://www.24heures.ch/vivre/societe/Le-stress-au-travail-coute-10-milliards-de-francs-par-an/story/13878117

Questions existentielles et spirituelles

Agathla Peak, Monument Valley
Agathla Peak, Monument Valley

 

La dimension de «plus grand que soi» de chaque personne lui est propre et très intime. Il me semble cependant qu’un point qui peut réunir la grande majorité des enfants doués est qu’ils sont dans l’impossibilité de se satisfaire de vérités imposées de l’extérieur et qu’il-elle-s recherchent en eux-mêmes leurs propres réponses aussi singulières soient elles.

Il est possible que certaines de mes propres réponses puissent être pertinentes pour d’autres. C’est pourquoi je les propose ici, ne serait-ce que pour qu’elles aident d’autres à trouver les leurs.

Il existe dans la nature une forme d’indétermination liée aux lois qui la gouvernent (*). Ces lois nous influencent aussi, en ce sens que je ne crois pas qu’il y ait une intention ou une finalité derrière le fait qu’un être naisse handicapé, dans une famille maltraitante ou avec quelque autre particularité. Les lois de la nature ne sont ni déterministes ni essentialistes. Ce sont nos visions de cette dernière qui le sont.

Je ne crois pas à la prédestination et je suis intimement convaincue que, malgré tous les déterminismes qui influent sur nous, nous avons une part de liberté de choix. De l’interaction de nos libertés individuelles naît nécessairement une part de hasard (d’indétermination) dans nos vies. Nous ne sommes pas sur des rails et les autres ont une existence propre, ils ne sont pas là que pour jouer un rôle ou un autre dans nos vies.

Face à certaines formes de la condition humaine, il est tout simplement naturel et légitime d’être révolté-e et en colère contre la vie. Il y a des sorts qui sont totalement insupportables et il est entièrement légitime et honorable que des personnes mettent toute leur énergie à les corriger.

A mes yeux, les formes de spiritualité patriarcales traditionnelles, encore très largement majoritaires sur cette planète, sont en train de montrer leurs limites. Profondément non respectueuses et toxiques, elles sont dans l’incapacité de répondre aux quêtes de sens de personnes qui ne se laissent plus mettre en esclavage pour servir des pouvoirs religieux qu’elles ne reconnaissent plus comme légitime. Ce mouvement est très lent, plus visible en occident qu’ailleurs, mais présent partout.

Les êtres humains sont en train de se chercher. Mais, quelles que soient les formes de nouvelles expériences spirituelles, pour être vivantes, fécondes et durables, elles se doivent d’accompagner les personnes dans la découverte et le déploiement de leur propre part de «plus grand qu’elles» plutôt que de vouloir leur imposer un paquet de l’extérieur. Elles se doivent aussi de respecter et d’inclure les formes d’expérience spirituelles féminines(**), de même que celles de toutes les personnes qui sont «atypiques» à un titre ou à un autre. Plutôt que d’isoler les personnes et de les rendre dépendantes d’une puissance à laquelle elles devraient tout (***), elles se doivent de les aider à se relier à la nature, aux autres êtres vivants, à leurs proches et à tout ce qui peut les guider dans leur parcours. Elles se doivent de respecter et de valoriser pleinement l’autonomie des personnes, y compris par rapport à leur part «institutionnelle». Il y a encore beaucoup de chemin à faire!

(*)En gros, ce qu’on appelle les mathématiques du chaos

(**) Voir, par exemple:

[Bolen, 2002] Jean Shinoda Bolen, Goddesses in Older Women: Archetypes in Women over Fifty, Harper Perennial, 2002

[Bolen, 2004] Jean Shinoda Bolen, Goddesses in Everywoman: Powerful Archetypes in Women’s Lives, Conari Press, 2004

[Gange, 2002] Françoise Gange, Les Dieux menteurs, Renaissance du livre, 2002

[Gange, 2006] Françoise Gange, Avant les Dieux, la Mère universelle, Editions Alphée, 2006

[Gange, 2007] Françoise Gange, Le viol d’Europe ou le féminin bafoué, Editions Alphéé, 2007

[Gimbuntas, 2005] Marija Gimbuntas, Le langage de la déesse, Editions des femmes, 2005

[Redmond, 1997] Layne Redmond, When the Drummers Were Women: A Spiritual History of Rhythm,
Three Rivers Press, 1997

[Schaefer, 2006] Carol Sachefer, Grandmothers Counsel the World: Women Elders Offer Their Vision for Our Planet, Trumpeter, 2006 (traduit chez Véga en 2012)

[Tedlock, 2005] Barbara Tedlock, The Woman in the Shaman’s Body: Reclaiming the Feminine in Religion and Medicine, Bantam, 2005

(***) Représenté par un dieu à la Zeus, derrière lequel se cache une institution patriarcale

Comment survivre dans un monde de brutes quand on est un-e enfant très sensible?

640px-Robert_Salmon_-_Storm_at_sea En gros, c’est comme dans les films de Stallone: «Ca va chier!» (*)

J’aimerais beaucoup avoir une recette qui permette aux enfants sensibles de traverser leur existence sans subir des chocs très rudes. Mais je n’en n’ai pas. La vie est tout sauf un long fleuve tranquille et c’est encore plus difficile quand on est ce qu’Alice Miller appelle un «enfant doué»(**), particulièrement perceptif et sensible.

Je souhaite de tout mon cœur que de très nombreux enfants doués aient une vie considérablement plus douce et plus plaisante que ce par quoi j’ai dû passer. Mais, dans mon expérience, cela demande énormément de courage et de ténacité que de tenir face à des familles gravement abusives, un environnement scolaire qui est tout sauf accueillant et un monde professionnel où être sensible et avoir de bonnes antennes est ressenti comme une menace par les autres.

Etre un-e enfant doué c’est presque la garantie de relations sociales difficiles avec un entourage qui n’a pas la même acuité de conscience. C’est aussi quasiment la garantie de ressentir les choses très fortement et de les exprimer tout aussi fortement. Ceci ne peut que heurter ou blesser les personnes qui n’ont pas un ressenti de la même acuité et engendrer encore d’autres conflits.

Il est fort possible que de se sentir avoir un but, un objectif, une mission, une vocation aide aussi les personnes à traverser les moments difficiles qu’elles vivront. Mais ça n’est pas mon cas, et je ne peux pas parler d’une expérience que je n’ai pas eue.

S’entourer d’ami-e-s, de mentor-e-s, de thérapeutes de qualité aide non seulement à vivre, mais à progresser. S’entourer d’art, de musique, pratiquer l’expression créative, trouver les passions qui nous tiennent à coeur est tout aussi important pour équilibrer notre vie et la remplir de belles expériences qui peuvent contrebalancer ce que nous expérimentons de mortifère par ailleurs.

Chercher son chemin de tout son cœur, de toute son âme, de toutes ses forces et sans jamais lâcher est absolument essentiel. C’est infiniment plus facile à dire qu’à vivre, mais je ne connais aucun substitut pour cet ingrédient.

Quand on est jeune, demain c’est très loin. Avec le temps, les années s’ajoutent au jours, puis les décennies s’ajoutent aux années. Il me faut longtemps pour faire mon chemin, trouver ma place, nouer de belles et durables relations, commencer à trouver une place valable et créative dans la société qui m’entoure. Quand on est jeune, cela peut paraître inaccessible tellement c’est loin. Mais j’ai fait l’expérience que cela peut se produire. Est-ce que cela vaut la peine de lutter? A chacun-e de décider en conscience.

J’ai trouvé quelques remarques très pertinentes dans « Je pense trop » de Christel Petitcollin (***). Ce sont des pistes de base qui peuvent être utiles.

Avec le temps, j’ai pu commencer à goûter et apprécier les bons moments que je vivais. Beaucoup plus récemment, j’ai commencé à ressentir de la reconnaissance au jour le jour pour toutes les bonnes choses que je vis. Cela m’aide à contrebalancer le poids des moments difficiles et à sortir de dynamiques de vie où la lutte et la souffrance ont toute la place.

Je souhaiterais cet article tellement plus long….

(*) Hurlé avec une voix bien rauque

(**) [Miller, 2012] Alice Miller, Le drame de l’enfant doué, PUF, 2012

(***) [Petitcollin, 2010] Christel Petitcollin, Je pense trop, comment canaliser ce mental envahissant, Gui Trédaniel, 2010