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Le paradis sur Terre ?

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Thaïlande – Ko Phi Phi – Maya Bay, un des lieux qui serait un paradis sur Terre, source Wikimedia Commons

 

Bien des années après « dying to be me » (1), livre où Anita Moorjani raconte son parcours de vie, sa maladie, son expérience de mort imminente, sa guérison miraculeuse et la sagesse qu’elle en a retirés, elle vient de publier « what if this is heaven ? » ((2), la traduction française doit sortir tout prochainement). Dans ce nouvel ouvrage, elle affirme qu’il n’y a aucune raison pour que l’existence sur cette terre soit l’enfer que tant de personnes expérimentent et qu’elle pourrait, au contraire être bien plus proche de ce que nous qualifions de paradis. Elle développe son argumentation en abordant une dizaine de mythes qu’elle s’active à démonter. Chacun d’entre eux est présenté sous la forme d’un entretien avec une personne. Ces derniers sont inspirés d’entretiens qu’elle a réellement eus, mais sous une forme anonymisée et retravaillée.

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Le nouveau livre d’Anita Moorjani

Trois de ces mythes me paraissent particulièrement importants et elle a clairement marqué un point, en tout cas à mes yeux, sur ces sujets.

Le premier de ces points concerne notre système de santé. Elle affirme, à mon avis avec raison, que malgré les centaines de milliards de dollars dépensés dans ce dernier, il ne se préoccupe pas de notre santé, mais uniquement de lutter contre les maladies. En d’autres termes, rien n’est fait ou presque pour apprendre aux personnes comment vivre une vie plus saine, plus longue et plus satisfaisante, ce qui ne peut que contribuer à réduire leur risque de tomber malade et donc d’avoir besoin dudit « système de santé ». En cas de maladie, rien n’est fait non plus pour aider les personnes à mobiliser leurs ressources, ça n’est même pas considéré comme un sujet pertinent.

À mes yeux, cette affirmation est factuelle. Je constate que le problème n’est pas restreint au système de santé, mais étendu à toutes nos sociétés. Par exemple, récemment, le parlement suisse a obstinément refusé de financer des programmes de prévention au niveau national (3). Il a prétexté que ce sujet dépend des cantons et que la confédération doit faire des économies. Comme lesdits cantons doivent eux aussi faire des économies, personne ne fait rien et ça peut continuer comme cela pendant des décennies ! Sans être sûre de ce que je dis (je n’ai pas pu vérifier), je fais aussi le pari que la recherche en matière de prévention et de tout ce qui peut nous garder en santé est le parent pauvre de nos systèmes académiques. Sortir nos sociétés de cette situation va exiger un effort énorme et de nombreuses années, à supposer même qu’elles veuillent évoluer.

Le deuxième sujet sur lequel elle me semble avoir raison et un point très important concerne son affirmation selon laquelle même les personnes les plus spirituelles ont un égo et qu’il ne peut pas en être autrement.

C’est cet ego, ce « moi-je » qui nous permet de prendre conscience de nos ressentis et de nos affects, de nous connaître et de diriger notre vie. Sans ce dernier, nous sommes tout simplement incapables de fonctionner et nous serions réduits à une vie végétative (ou à mourir très vite). C’est donc d’autant plus étonnant et d’autant plus bizarre que certains mouvements spirituels mettent tellement d’énergie à le diaboliser et à en faire quelque chose qui doit absolument être réduit à la portion la plus petite possible. Les conséquences sont importantes quand de nombreuses personnes sont incapables de se respecter elles-mêmes et se font systématiquement passer après tous les autres. Cela laisse la porte ouverte à de très nombreux dysfonctionnements, en particulier sur le plan relationnel.

Elle remarque aussi que de nombreuses personnes souffrent de ce qu’elles appellent « l’ego » d’une personne de leur entourage. Mais, quand elles s’expliquent, ce dont il est question n’est pas tant l’égo de la personne, que son absence de sensibilité, son incapacité d’écoute, son lourd handicap relationnel, son absence d’empathie, voire son trouble de la personnalité sévère. C’est profondément différent et il convient de ne pas confondre.

Anita Moorjani présente le troisième de ces points via un événement qui lui serait arrivé lors de l’une de ses conférences. Lors du moment de questions de cette dernière, une jeune femme se serait levée et lui aurait demandé, d’une voie pleine d’émotion, ce qu’elle avait à dire au sujet de son très jeune enfant qui venait de mourir. Anita Moorjani a senti son immense douleur et sa détresse. Plutôt que de lui dire que son enfant était bien et en sécurité dans le monde des êtres désincarnés et qu’il était toujours avec elle, sensible à son immense douleur, elle est restée silencieuse, s’est levée, s’est approchée d’elle et l’a prise dans ses bras. À mes yeux, c’était la seule chose humaine et respectueuse à faire. C’est aussi pour moi le signe d’une personne assez humaine et sensible pour être capable de sortir de ses certitudes et d’aller à la rencontre de l’autre. C’est tout à son honneur. C’est aussi la confirmation qu’il n’est pas toujours possible d’être positif, qu’il est des situations ou c’est déjà bien (et juste) d’être vrai et sincère.

L’auteure aborde d’autres points qui me paraissent sensés, mais pour lesquels les choses sont à mes yeux plus complexes.

Elle utilise le trauma qu’elle a subi à l’école en raison des harcèlements incessants qu’elle y a subis (sans que ses professeurs ne la protègent), le sentiment de honte et d’être déficientes qu’elle a acquis suite à cela pour affirmer avec raison que ce qui nous arrive n’est pas nécessairement ce que nous méritons. En l’occurrence, il est beaucoup plus question de la profonde insécurité de ses camarades qui l’ont projetée sur elle en la harcelant sans relâche, que d’elle-même. Si je ne peux qu’adhérer à ce constat, je ne peux pas la suivre par la suite, quand elle en conclut que « les deux parties ont joué leur rôle dans cette scène de la vie humaine ».

Je veux bien que la profonde insécurité de ses camarades explique leur motivation, mais cela n’excuse ni ne légitime leurs actes. Par ailleurs, si Anita Moorjani a vécu une expérience extraordinaire qui lui a permis de se libérer d’un coup et sans effort du trauma que ce harcèlement a induit, elle ignore les conséquences dévastatrices et a très long terme qu’ont les traumas sur les autres êtres humains, ainsi que la durée et la très grande difficulté du travail qui est nécessaire pour s’en libérer, même avec les outils les plus efficaces à notre disposition.

Un autre chapitre est consacré au fait que de s’aimer soi-même n’a rien d’égoïste et que nous avons toutes et tous droit à une vie heureuse et satisfaisante. Si je peux aussi entendre cette affirmation, je me demande toujours ce que cela signifie vraiment que « de s’aimer soi-même, de reconnaitre que nous sommes faits d’une énergie divine et que nous sommes des êtres lumineux ». En ce qui me concerne, je constate que la simple exigence de me respecter au moins autant que je respecte les autres est déjà tout un chemin ! Et pour ce qui concerne le fait d’avoir une vie heureuse et satisfaisante, il me semble que nous devons toutes et tous faire avec les circonstances de vie qui sont les nôtres et qui sont loin d’être toujours optimales. Nous pouvons mettre beaucoup d’énergie à les changer et cela peut fonctionner au moins dans une certaine mesure. Mais il me semble qu’il y a toujours une limite sur laquelle nous finissions par buter. Et que faisons-nous à partir de là ?

Un chapitre est consacré à des situations dans lesquelles des personnes qui vivent des situations problématiques ne peuvent pas imaginer qu’il en va différemment des autres. Pleines de bonnes intentions, elles mettent beaucoup d’énergie à essayer d’influencer leurs proches pour que ces derniers adoptent les mêmes pratiques qu’elles-mêmes. Il y a effectivement toujours un risque à projeter ses propres histoires sur l’autre. Mais ce problème est connu, documenté et une personne avertie de son existence a tous les moyens nécessaires pour l’éviter. D’un côté de ce type de situation, il est nécessaire de toujours garder à l’esprit que l’autre est, justement, autre et qu’il peut y avoir une immense différence entre deux parcours de vie, deux situations apparemment semblables. De son côté, la personne qui sent qu’autrui projette sur elle sa propre situation et essaie de l’influencer va devoir s’affirmer et dire clairement « non », même si ça n’est pas facile pour tout le monde.

Un autre chapitre encore est consacré au fait que les femmes ne constituent pas un sexe plus faible que celui des hommes. Le sujet est traité via une conversation qu’elle aurait eue avec une jeune femme provenant d’une société particulièrement patriarcale. Cette jeune femme est en désaccord avec son compagnon au sujet de l’éducation de leur fille et elle est en grand désarroi quand elle constate que les autres hommes de sa communauté refusent de l’entendre. La conversation est intéressante. Mais l’auteure ne va pas jusqu’au fond du sujet. Elle évite de dire à cette jeune femme que, si elle entend vraiment protéger sa fille, elle va devoir très fortement s’affirmer quitte à s’opposer à son compagnon et à prendre des risques potentiellement importants. Plus loin, alors même qu’elle constate que, sous le vernis extérieur, le fond patriarcal n’est vraiment pas loin même dans les sociétés occidentales (4), elle n’aborde pas non plus le fait que les femmes doivent, de ce fait, encore prendre grand soin de défendre vigoureusement leurs droits dans ces mêmes sociétés.

Pour finir, ma vraie réserve concerne son affirmation selon laquelle il serait possible de transformer cette existence en quelque chose de paradisiaque.

En prenant soin de soi, en se respectant profondément, en se libérant de ses traumatismes, en s’affirmant quand c’est nécessaire, j’entends volontiers qu’il est possible de singulièrement améliorer sa qualité de vie, mais sans pour autant qu’il soit possible de parler de paradis. De plus, ce changement ne va pas de soi. Les résistances intérieures peuvent être très fortes, le chemin long, tortueux et compliqué. Les autres sont aussi susceptibles de s’y opposer fortement et le nombre de femmes qui succombent chaque année à un féminicide nous rappelle jusqu’où certains sont susceptibles d’aller.

D’autres changements sont à plus large échelle et nécessitent une évolution de toute la société. Or cela fait des millénaires, au moins, que des personnes particulièrement sensibles et douées mettent les doigts sur ces changements et sur les moyens à notre portée pour y arriver. Cela fait tout aussi longtemps qu’elles subissent les foudres de la société pour ce faire, quand elles n’y perdent pas la vie ! Il y a un moment où nous n’avons plus trop d’autre choix que de faire tant bien que mal avec les limites de cette société (ou alors de quitter ce monde) et cela ne contribue pas à faire de cette existence un paradis.

Le dernier point est que quelqu’un doit se charger du travail difficile, le plus souvent pas fun, voire carrément difficile et usant. Et ce sont souvent les êtres les plus sensibles et les plus éthiques qui s’en chargent, quitte à finir encore plus cabossés par la vie après qu’avant.

Ça n’est pas nécessairement fun et excitant que d’être régulièrement dans un service d’urgence a cinq heures du matin, disponible pour des personnes qui sont entre la vie et la mort. Ça n’est pas nécessairement fun et excitant de prendre soin de personnes très âgées, totalement dépendantes. Ça peut être encore pire quand, dans leur délire, elles vous couvrent d’injures et de coups. Ça n’est pas particulièrement fun non plus de passer une grande part de sa vie à défendre les droits humains, quelle que soit la cause, en effectuant un travail qui peut être épuisant, dans lequel les échecs sont bien plus nombreux que les réussites et dans lequel vous êtes parfois trahi par ceux-là mêmes que vous défendez ! Ça n’est pas nécessairement fun et excitant de mettre toute son énergie à œuvrer à faire évoluer une organisation pour qui c’est une question de survie et alors qu’une minorité de blocage met une énergie colossale à tout figer quitte à recourir au mensonge et aux pires formes de manipulation. Ça n’est pas fun ni excitant de défendre le territoire et l’environnement de peuples premiers face à des organismes qui n’hésiteront pas une seconde a s’en prendre à votre vie, quand ça n’est pas à celle des vôtres ! On peut continuer encore longtemps, la liste est très longue !

Pour conclure, Anita Moorjani me semble avoir un point sérieux quand elle affirme qu’il y a de nombreux cas où nous pouvons rendre notre vie plus pleine et satisfaisante. Nombre de ses points sont sensés et solides. Par contre, il me semble qu’elle sous-estime fortement la difficulté qu’éprouvent la plupart des êtres humains à évoluer vers plus de plénitude. Et j’ai, pour ma part, de très grosses réserves pour ce qui est de passer de « une vie notablement meilleure » au « paradis sur terre ».

 

(1) Anita Moorjani, Dying To Be Me: My Journey from Cancer, to Near Death, to True Healing, Hay House, 2012

(2) Anita Moorjani, What If This Is Heaven?: How I Released My Limiting Beliefs and Really Started Living, Hay House, 2016

(3) Parlement suisse, rejet de la loi sur la prévention de santé, septembre 2012, voir, par exemple : http://www.lematin.ch/suisse/Le-Conseil-des-Etats-enterre-la-loi-sur-la-prevention-sante/story/30500913

(4) En faisant référence aux propos violemment anti-avortement des républicains lors de la campagne électorale américaine de 2016

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La dernière reine des femmes samurai

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Ishi-jo, femme de Oboshi Yoshio, l’un des « 47 ronin fidèles ». Estampe de Kuniyoshi de la série Seichi gishin den, « histoires de coeurs fidèles », 1848

 

Même en occident dans lequel les femmes ont un meilleur statut que dans nombre d’autres sociétés patriarcales, pour de très nombreuses personnes, une femme ne peut en aucune manière être une guerrière. Tout au plus pourrait-elle l’être au sens purement figuré, synonyme de lutteuse, et pour autant qu’elle reste bien pacifique, ce qui ne fait que renforcer les stéréotypes de genre.

 

Pourtant, nous avons entendu parler des femmes kurdes qui se battent sur le front pour défendre leurs terres, leur dignité et leurs modes de vie contre les terroristes fondamentalistes qui veulent les écraser (1). Mais c’est loin, dans des pays que nombre d’occidentaux jugent reculés, et c’est perçu comme étant juste une exception issue d’une situation tragique et horrible.

 

En occident comme ailleurs, les chroniqueurs et les registres ont gardé la trace de femmes qui depuis la plus haute antiquité ont défié le système patriarcal pour s’engager comme marin ou soldat et partir à l’aventure, voire à la guerre. Une fois encore l’essentiel des livres d’histoire est écrit par des hommes qui les ont laissées de côté et invisibilisées pendant des siècles. Il a fallu attendre la fin du 20ème siècle pour que leur histoire commence enfin à apparaître, au moins dans des ouvrages spécialisés (2). Pour ce qui est du grand public, c’est encore une toute autre histoire.

 

Que, dans une autre culture, des guerrières aient pu constituer une caste en tant que tel, avec ses propres traditions, voilà quelque chose d’impensable pour la plupart des personnes vivant en occident. Voici aussi quelque chose d’impensable pour de nombreuses femmes qui se réclament du féminisme.

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Antique Japanese naginata blade, Tokyo National Museum, picture author: Ian Armstrong, source: Wikimedia commons

 

Pourtant, une telle caste a existé dans le japon féodal et elle s’est éteinte avec lui, comme le révèle un documentaire récemment paru (3) qui nous conte la vie et la mort de Takeko Nakano, une des dernières et des plus grandes femmes samurai du Japon. Cette caste a été suffisamment importante pour que les femmes qui en faisaient partie disposent d’une arme qui leur est propre, le naginata (cf ci-dessus) et elle est fort efficace (4). Ces femmes ont eu suffisamment de courage et de combativité pour imposer leur présence aux hommes de leur culture, qui n’étaient pas tous très enthousiastes.

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Extrait de samurai warrior queens, documentaire produit en 2015 par Urban Canyons

Dans les sociétés soumises à des systèmes patriarcaux, c’est à dire dans 99% des sociétés humaines actuelles, les femmes sont les principales victimes de violences au sein du cercle domestique et les hommes les principaux perpétrateurs de ces dernières. En dehors du fait que « principal » n’est pas synonyme de « unique », cet état de fait n’a rien d’une fatalité. L’éducation que reçoivent les uns et les autres, et qui n’est pas universelle, renforce ancre et répète de génération en génération une situation qui est évitable. D’autres société dont nombre de peuples premiers l’ont évitée, en tout cas jusqu’à leur colonisation.

 

Plutôt que d’éduquer les petites filles à la soumission, à la dépendance et à la séduction, rien ne nous empêche de suivre l’exemple des femmes samurai et celui de certains peuples premiers, en les stimulant dès l’enfance à exercer également leur confiance en elles-mêmes, leur combativité, leur capacité à s’affirmer et à poser des limites claires à l’autre via des cours d’arts martiaux comme le Krav Maga. Rien ne nous empêche non plus d’adapter l’éducation des garçons, sans oublier, bien sûr, une éducation à la la diversité pour les uns et les autres.

 

Ceci devrait permettre à de nombreuses femmes de sortir de l’état de vulnérabilité, de dépendance et de victime dans lequel elles se trouvent. Bien sûr que l’image des femmes s’en trouvera modifiée. Cela va mettre en lumière la part « yang » de nombre d’entre elles, bien différente des stéréotypes dans lesquels de nombreuses personnes veulent les maintenir.

 

Il en va de la place des femmes dans la société, de leur capacité à assumer pleinement l’entier de qui elles sont et de leur capacité à assumer tout aussi pleinement leur vie sans plus dépendre de qui que ce soit. C’est dire que l’enjeu est important.

 

 

(1) Voir, par exemple, https://labyrinthedelavie.net/2015/02/16/traverser-les-epreuves-malgre-tout/

 

(2) Voir, par exemple :

  • Vern Bulloug & Bonnie bulloug, cross dressing sex and gender, University of Pennsylvania Press, 1993
  • Julie Wheelwright, Amazons and military maids, Pandora 1989

 

(3) Samurai warrior queens: http://www.untoldhistory.tv/samurai-warrior-queens/

Voir aussi ce petit film très résumé:

 

(4) Voir: https://www.youtube.com/watch?v=eCo6-BSwdJs

Traverser les épreuves malgré tout

Femme irakienne (kurde?) à l'entrainement.  Source: Wikimedia http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Female_iraqi_soldier_with_a_Kalashnikov.JPEG )
Femme irakienne (kurde?) à l’entrainement.
Source: Wikimedia http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Female_iraqi_soldier_with_a_Kalashnikov.JPEG )

 

Depuis quelques mois, nous voyons de nombreuses femmes prendre les armes dans une région du monde, le moyen orient, qui nous semblait plus connue pour son caractère patriarcal et pour sa violence que pour la place des femmes dans la vie publique. Visiblement, l’apparition d’un mouvement totalitaire de plus, connu pour les horreurs qu’il commet a été la goutte de trop. Il a convaincu ces nombreuses femmes de s’engager les armes à la main pour défendre leurs droits leur liberté et leur dignité.

Je ne suis pas sûre que la majorité d’entre elles se soit jamais imaginée dans un statut de soldat il y a même quelques années. Mais trop c’est trop. Et le rôle qu’elle jouent dans la défense de villes comme Kobané montrent qu’elles sont courageuses, déterminées et fort compétentes au point que l’une d’entre elles a pris la tête de la résistance locale aux fondamentalistes. Une fois la paix revenue, il faudra compter avec elles.

Même en Europe, elles surprennent. Ici aussi les stéréotypes et les vision essentialistes sont loin d’avoir disparu. Ces femmes nous prouvent qu’elles peuvent être des soldates de premier ordre et qu’elles ont la même capacité que les hommes à faire face aux situations les plus extrêmes.

Elles ne sont certainement pas épargnées par la violence des combats. Elles meurent, elles sont blessées, voire mutilées. Elles souffrent dans leur chair elles aussi. Elles aussi ont vu leurs proches massacrés. Elles ont certainement des hauts et des bas. Certaines sont plus résistantes que d’autres. Pourtant elles continuent la lutte et elles affrontent le poids effroyable de mort qui s’est abattu sur leur région. Ce faisant, elles nous rappellent que, d’être une guerrière ne signifie pas traverser de pareilles épreuves sans en être affectée et sans en souffrir, loin de là. Mais c’est avoir le courage et la détermination de les traverser malgré tout.

Pour cela, elles ont toute mon admiration et mon respect.

Habiter son corps …. ou pas

In the Body of the world, a memoir of cancer and connection, Picador Books, 2014
In the Body of the world, a memoir of cancer and connection, Picador Books, 2014

La manière dont nous sommes, ou non, lié-e-s à notre corps, et incarné-e-s revêt une très grande importance pour la manière dont nous vivons nos vies. Comme d’habitude, la variété des parcours est immense.

Il est des personnes pour qui il est particulièrement difficile de se vivre en lien avec leur corps. Je pense en particulier aux personnes ayant été abusées, aux personnes atteintes dans leur chair par des maladies comme le cancer ou défigurées par un accident ou par la guerre, à nombre de personnes trans, et à bien d’autres encore. Pour ces personnes, réaliser une cohabitation à peu près paisible avec leur propre corps peut être le chemin de tout une vie (et demander d’importants travaux de réparation ou d’aménagement). Leur manière d’être au monde, d’aborder la vie et les relations humaines, de percevoir le monde, de s’exprimer etc. en est profondément marquée.

En 2013, Eve Ensler, l’auteure des Monologues du vagin, a publié son propre témoignage. Dans ce livre magnifiquement écrit, elle tisse ensemble les abus qu’elle a subi, les témoignages qu’elle a reçu d’innombrables femmes, le travail qu’elle fait au Congo avec les femmes victimes des atrocités de la guerre, son propre cancer, sa quête de sens (ou d’absence de sens) de sa maladie, la manière dont tout cela résonne en elle alors que tous les pans de sa vie se font écho à l’occasion dans cette épreuve.

Son écriture est très intense, à la hauteur de son immense sensibilité. Elle est tissée d’une manière telle que je ne peux lire que quelques chapitres à la fois, avant de devoir prendre une pause pour digérer. En la lisant, j’entends le coeur et l’âme d’une autre enfant (sur-)douée qui s’exprime avec toute la puissance de sa sensibilité et de sa créativité. Je suis non seulement “sonnée” (par son vécu et la manière dont elle le ressent), mais aussi émerveillée par sa puissance d’expression.

Il me semble que cet ouvrage pourra parler à de nombreuses personnes pour qui habiter son corps ne va pas de soi. Je ne peux aussi que vous encourager à lire le texte originel pour pouvoir goûter toute la saveur de l’écriture d’Eve Ensler. Mais il existe une édition française pour les personnes pour qui cela ne serait vraiment pas possible (chez 10/18).

Les Dupont Lajoie de la mysogynie

 

Femme défendant le "Passage Corvin" à Budapest durant les événements de 1956
Femme défendant le « Passage Corvin » à Budapest durant les événements de 1956

Internet et les réseaux sociaux permettent de communiquer rapidement sur de nombreuses thématiques, mais ils permettent aussi de les rendre visibles. Et, quand cela dérange, les réactions ne se font pas attendre.

Cela fait des décennies que les féministes et les sociologues parles des difficultés vécues par les femmes dans les espaces publics. Elles ont été mises particulièrement en lumière ces derniers temps par différentes initiatives.

Tout récemment, la presse s’est fait l’écho de l’imitative de l’ONG Hollaback qui lutte contre le harcèlement de rue. Cette dernière a filmé le vécu d’une femme vêtue tout de noir qui a marché sans discontinuer pendant plus de 10 heures dans les rues de New York (http://www.youtube.com/watch?v=b1XGPvbWn0A ). Cette opération a montré que, durant ces dix heures, la personne filmée a subi 100 actes de harcèlement verbal, sans compter tous les autres (non verbaux). La vidéo résultant de cette opération a été vue plus de 15’000’000 de fois durant les trois premiers jours, avec de nombreuses réactions positives de personnes soit indignées, soit subissant les actes. Mais la personne filmée a aussi reçu des menaces de viol et de meurtre!

Et le moins que l’on puisse dire est que ces menaces n’ont pas produit une condamnation unanime des médias ou des internautes. C’est ainsi que sur sa page de garde, Hollaback précise que « Other coverage, however, shows that sexism still shapes culture in a way that harms women. When journalists on major news networks reinforce, support, and normalize street harassment they minimize the violence and fear that women experience on the street. – See more at: http://www.ihollaback.org/#sthash.eETeLhwb.dpuf  »

Cette situation n’est ni exceptionnelle, ni nouvelle. Le film que Sofie Peeters avait publié en 2012 (http://www.youtube.com/watch?v=iLOi1W9X6z4 ) a suscité exactement les mêmes réactions. Certains hommes ont tout utilisé pour tenter de décrédibiliser ce qu’elle mettait en lumière, et, là encore avec la complicité passive ou active de certains médias.

Il y a quelques mois, Anita Sarkeessian (https://twitter.com/femfreq ) a dénoncé le sexisme des jeux vidéos via trois films sur youtube (https://www.youtube.com/watch?v=4ZPSrwedvsg, https://www.youtube.com/watch?v=5i_RPr9DwMA, https://www.youtube.com/watch?v=LjImnqH_KwM). Elle a subi une réaction d’une extrême violence. Des groupes d’hommes déterminés à empêcher toute expression publique de sa part ont piraté ses comptes, tout message de sa part engendrait un torrent de réactions extrêmement violentes. Non seulement certains l’ont menacée de viol et de meurtre, mais ils sont allés jusqu’à publier son adresse physique, son numéro de téléphone, etc. Afin de se protéger, elle a du se réfugier chez des amis, puis déménager.

Alors même qu’il s’agit d’actes qui tombent sous le coup de la loi, le moins que l’on puisse dire est que la communauté des joueurs, essentiellement masculine, a été très loin de défendre Mme Sarkeesian, tout comme, une fois de plus, les médias. Les quelques personnes qui s’y sont risquées ont à leur tour été victimes de réactions tout aussi violentes (voir, par exemple http://business.financialpost.com/2014/08/28/sexism-misogyny-and-online-attacks-its-a-horrible-time-to-consider-yourself-a-gamer/?__lsa=657f-ea99).

Le temps n’a pas aidé. Il y a des alertes à la bombe, voire des menaces de massacre à chaque présentation publique de Mme Sarkeesian (http://www.nytimes.com/2014/10/16/technology/gamergate-women-video-game-threats-anita-sarkeesian.html?_r=1). L’industrie des jeux vidéos, essentiellement masculine, est plus que molle dans sa dénonciation d’actes aussi graves, sans même parler de promouvoir la place des femmes dans les jeux vidéos eux-mêmes.

Alors que certains affirment qu’il n’y aurait plus de raison de lutter puisque l’égalité entre hommes et femmes en occident serait acquise, ces quelques exemples illustrent à quel point il n’en n’est rien! La place des femmes dans tous les espaces publics reste un sujet de haute lutte. C’en est au point que des personnages très en vue, comme le biologiste Richard Dawkins se permet d’attaquer, de stigmatiser et de ridiculiser publiquement les femmes qui dénoncent les actes de harcèlement dont elles sont victimes dans l’espace public (http://www.slate.com/articles/double_x/doublex/2012/10/sexism_in_the_skeptic_community_i_spoke_out_then_came_the_rape_threats.html).

C’est aussi très frappant de voir que, comme à l’époque de la sortie du film « Dupont Lajoie », les dénonciations de ces actes, mêmes preuves à l’appui génèrent un torrent de haine et de violence à l’encontre des victimes, plutôt qu’à celui des harceleurs qui les ont perpétré.

Non seulement les femmes doivent encore guerroyer (et il s’agit vraiment de cela) pour affirmer et faire respecter leur droit à l’espace public, mais elles doivent guerroyer encore et toujours pour faire respecter leur dignité la plus élémentaire.

 

Annie Oakley – Hommage à une femme de légende et à une grande guerrière

 

"Annie Oakley c1880" by Baker Art Gallery - Heritage Auction Gallery. Licensed under Public domain via Wikimedia Commons - http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Annie_Oakley_c1880.jpg#mediaviewer/File:Annie_Oakley_c1880.jpg
« Annie Oakley c1880 » by Baker Art Gallery – Heritage Auction Gallery. Licensed under Public domain via Wikimedia Commons –

Le 3 novembre 2016, cela fera 90 ans que Annie Oakley ((1),(2)), surnommée « Little miss sure shot », est décédée. Elle est non seulement une femme de légende de l’histoire américaine, mais aussi une pionnière du féminisme et une guerrière qui a réussi à être adulée par le public de son temps. C’est un résultat d’autant plus impressionnant que, aujourd’hui encore, nombre d’entre elles dérangent fortement de par leur simple existence.

Annie Oakley est née en 1860, la sixième d’une fratrie de 7, dans une région rurale à la frontière ouest de l’Ohio, dans le comté de Drake. Elle est venue au monde au sein d’une famille modeste, qui tentait de vivre de l’agriculture. Son père est mort quand elle avait 6 ans. A neuf ans, elle a été placée durant deux ans dans une autre famille pour prendre soin des enfants de cette dernière. Elle y a vécu deux ans d’esclavage et subi d’innombrables maltraitances mentales et physiques.

De retour dans sa famille, elle a pris le fusil de son père et s’est mise à chasser. En vendant les produits de son activité, elle réussit à rembourser les dettes de sa mère et à payer la petite maison dans laquelle ils vivaient. Inutile de dire qu’elle s’est bâtie une réputation de tireuse et de chasseuse des plus habiles.

En 1875, Frank Butler, un showman de l’époque, a fait un pari à Cincinatti selon lequel il pouvait battre toutes les fines gâchettes de la région. C’est Annie Oakley, alors âgée de 15 ans, qui s’est présentée. Elle l’a battu après que Frank Butler ait raté son 25ème coup.

Franck Butler a courtisé la jeune Annie Oakley et ils se sont mariés en 1876. Annie Oakley a alors commencé une nouvelle vie, dans laquelle trois dimensions se marquent plus particulièrement.

Elle fut une épouse prenant grand soin de préserver les apparences d’un couple de l’époque victorienne. Mais, dans la mesure où ils n’eurent pas d’enfant et où Annie Oakley n’a jamais sacrifié sa carrière à celle de son mari, il s’agissait en partie en tout cas d’apparences (au vu des standards de l’époque).

Elle a créé un show avec son mari dans lequel ils faisaient tous deux un spectacle basé sur leurs prouesses au tir. En 1885 Tous deux rejoignent le cirque de Bufallo Bill ou elle rencontra une autre femme de sa tempe, Lillian Smith (3). Son habileté au tir est restée légendaire. En plein vol, elle était capable de couper des cartes en deux, tout comme de percer des pièces de monnaies. Elle pouvait aussi couper des cigarettes aux lèvres de son mari ou éteindre des bougies placées derrière elle! Suite à un accident de train, elle réduisit son activité à partir de 1902, mais sans l’interrompre complètement. Elle fit sa dernière performance en 1924, 2 ans avant sa mort (en 1926). Ses performances furent si fameuses, que, près de 90 ans après son décès, Marlin, le fabriquant de ses carabines vend encore ces dernières en faisant référence à Annie Oakley.

Elle fut aussi une pionnière du féminisme. Elle affirmait publiquement que les femmes devaient non seulement avoir le droit de vote, mais qu’elles devaient tout autant pouvoir accéder aux plus hautes responsabilités politiques et économiques. Elle considérait que les femmes devaient savoir se défende par elle-même et elle a formé plus de 15’000 femmes au tir. Elle considérait que les femmes devaient pouvoir participer à la guerre et elle a proposé d’équiper et d’armer une compagnie de tireuses d’élite lors de la guerre américano-espagnole de 1898. Son offre ne fut pas acceptée.

"Annie Oakley by Baker's Art Gallery c1880s-crop" by Baker's Art Gallery, Columbus, Ohio - Heritage Auctions. Licensed under Public domain via Wikimedia Commons - http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Annie_Oakley_by_Baker%27s_Art_Gallery_c1880s-crop.jpg#mediaviewer/File:Annie_Oakley_by_Baker%27s_Art_Gallery_c1880s-crop.jpg
« Annie Oakley by Baker’s Art Gallery c1880s-crop » by Baker’s Art Gallery, Columbus, Ohio – Heritage Auctions. Licensed under Public domain via Wikimedia Commons –

Avec des positions aussi affirmées, elle aurait pu et du se faire très mal voir. Les femmes d’aujourd’hui qui s’engagent dans une armée et se retrouvent au front sont loin d’avoir une vie facile. Elles doivent faire face aux duretés du combat. Mais, surtout, la légitimité de leur place est sans cesse remise en cause de tous côtés. Par chance pour Annie Oakley, ce genre de réaction ne l’a pas empêchée de faire son chemin.

Ce qui, aux yeux du grand public peut paraître comme un parcours de vie tout à fait exceptionnel qui n’a été vécu que par un tout petit nombre de femmes est, en fait, beaucoup plus fréquent, ancien et universel que cela.

C’est en lisant Bonnie Bulloug et Vern Bulloug (10), il y a des années ce cela, que j’ai appris que, de tous temps, des femmes se sont engagées comme marin ou comme soldat, qu’elles ont parcouru le monde et et qu’elles ont fait la guerre au côté des hommes. On retrouve des traces de telles histoires jusque dans la plus haute antiquité et dans toutes les civilisations. Les livres d’histoire officiels sont des plus discrets sur ce sujet et il faut chercher l’information. Mais les plus célèbres d’entre elles, les reines et les princesses, ont laissé des traces visibles. Après tout, quant on s’appelle Catherine de Russie, personne ne se risque à critiquer votre comportement trop ouvertement! Quand on est une femme du peuple, c’est beaucoup plus compliqué.

Néanmoins, certaines ont réussi à devenir des légendes. C’est le cas d’Annie Oakley et de Calamity Jane. C’est aussi le cas de Jeanne d’Arc, de Tomoe Gozen, de Nakano Takeko, de Rani Lakshmibai, de Lozen, Jennie Irene Hodges, James Miranda Stuart Barry, de Dahteste et de tant d’autres qui ont laissé des traces plus discrètes.

Les guerrière dérangent. Non seulement elles font une très grosse tache dans l’ordre patriarcal, Mais certaines féministes ont aussi beaucoup de mal avec elles. Moira Sauvage, l’auteure d’un des très rares ouvrages de langue française sur ce sujet (18) a de l’admiration pour les femmes qui luttent pacifiquement, tout comme elle, pour des causes humanitaires. Mais elle devient très mal à l’aise face à des femmes qui osent prendre les armes et qui l’assument.

De ce fait, la littérature à leur sujet est réduite. Il m’a fallu des décennies pour constituer la petite bibliographique qui figure ci-dessous. Il y a peu d’ouvrage de niveau universitaire et la plupart sont bien sûr l’oeuvre de femmes. Les livres sont publiés par des maisons d’édition peu connues et sont difficiles à trouver quand ils ne sont pas épuisés et disponibles uniquement en occasion.

La réaction du public à l’égard de ces livres est aussi très instructive. C’est ainsi que des internautes vont reprocher à des ouvrages « grand public » sur ce sujet de ne pas être bardés de justifications et de notes comme un ouvrage universitaire. Le double standard est à nouveau la règle dans les réactions aux éléments qui sont présentés. Quand, par exemple, dans une tombe, on trouve un homme enterré avec une épée, il ne viendra à personne l’idée de douter que cette dernière est un signe de pouvoir et de combativité. Quant on trouve une femme enterrée avec une épée, la même interprétation est alors violemment contestée! Comme s’il fallait prouver qu’elle n’avait pas servi pour du crochet…..

Il se trouve que je suis une guerrière et que je ressens une solidarité, une sororité avec nombre d’autres guerrières que j’ai croisé dans ma vie. Il se trouve aussi que, sans qu’elles aient pris les armes, nombre de femmes ont du faire face à une telle adversité dans leur vie qu’elles sont au minimum de sacrées lutteuses, si ce n’est des guerrières elles aussi.

Je crois aussi que, armées ou non, les guerrières ont une place précieuse, voire sacrée, sur cette terre. Elles s’opposent au patriarcat et lui posent des limites. Elles s’opposent, souvent au péril de leur vie, à toutes formes d’oppressions. Elles rappellent que les femmes ont une force, une capacité de s’affirmer et dans certains cas de s’imposer.

Il me semble que, dans cette époque particulièrement troublée, elles ont une place encore plus importante. Elles font partie des rares personnes qui osent se lever et lutter contre la toute petite minorité de sociopathes qui a décidé de mettre l’humanité en la Terre Mère en coupe réglée. Parmi elles, il y a des femmes assez rassembleuses pour sortir des populations entières de leur apathie et de les mobiliser.

J’ai à coeur de leur rendre hommage.

Bibliographie au sujet de Annie Oakley

(1) Annie Fern Swartwout, The Life and Times of Annie Oakley, Coachwhip Publications, 2013

(2) http://en.wikipedia.org/wiki/Annie_Oakley

(3) http://en.wikipedia.org/wiki/Lillian_Smith_(trick_shooter)

(4) http://www.biography.com/people/annie-oakley-9426141#synopsis

(5) http://www.historynet.com/annie-oakley

(6) http://www.pbs.org/wgbh/americanexperience/features/biography/oakley-annie/

(7) http://www.pbs.org/wgbh/americanexperience/features/biography/oakley-butler/

(8) http://www.pbs.org/wgbh/americanexperience/features/introduction/oakley-introduction/

Bibliographie au sujet des femmes guerrières

(9) Sophie Cassagnes.Brouquet, Chevaleresses – une chevalerie au féminin, Perrin, 2013

(10) Bonnie Bullough, Vern L. Bullough, Cross Dressing, Sex, and Gender, Univ of Pennsylvania Press, 1993

(11) Ellen C. Clayton, Female Warriors: Female Valour and Heroism (Vol. 1): The Mythological Ages to the Present Era, CreateSpace Independent Publishing Platform 2013

(12) Ellen C. Clayton,  Female Warriors: Memorials of Female Valour and Heroism (Vol. 2): Mythological Ages to the Present Era, CreateSpace Independent Publishing Platform, 2013

(13) Jeannine Davis-Kimball, Mona Behan, Warrior Women: An Archaeologist’s Search for History’s Hidden Heroines, Warner Books, 2003

(14) David E. Jones, WOMEN WARRIORS (M): A History, Potomac Books Inc., 2005

(15) Adrienne Mayor, The Amazons: Lives and Legends of Warrior Women across the Ancient World Princeton University Press, 2014

(16) Lindsay McCrum, Chicks with Guns, Thames & Hudson, 2011

(17) Jessica Amanda Salmonson,The Encyclopedia of Amazons: Women Warriors from Antiquity to the Modern Era,Universal Sales & Marketing, 1991

(18) Moïra Sauvage, Guerrières ! : A la rencontre du sexe fort, Actes Sud, 2012

(19) Hannah Snell, The Female Soldier: Two Accounts of Women Who Served & Fought as Men, Leonaur Ltd, 2011

(20) Lyn Webster Wilde, On the Trail of the Women Warriors: The Amazons in Myth and History,Thomas Dunne Books, 2000

(21) Julie Wheelwright, Amazons and military maids, Pandora Press, 1989

(22) R.L. Wilson, Silk and Steel: Women at Arms, Random House, 2003

 

 

 

 

 

Le millionième cercle

Jean Shinoda Bolen, The millionth circle Conari Press, 2003
Jean Shinoda Bolen,
The millionth circle
Conari Press, 2003

En 2003, la thérapeute Jungienne Jean Shinoda Bolen a publié « The Millionth circle – How to change ourselves and the World – The essential guide to women circles » (« Le millionième cercle – Comment nous changer nous-mêmes et changer le monde – Le guide essentiel pour les cercles de femmes »). Elle avait déjà beaucoup écrit sur les archétypes féminins ((*), (**)) et ses textes sont traduits en de nombreuses langues, sauf, comme d’habitude, en français!

Avec cet ouvrage, Jean Shinoda Bolen a popularisé et réintroduit une tradition de nombre de peuples premiers, à savoir le cercle des femmes du clan. C’est très souvent un espace égalitaire (un cercle), un lieu de pouvoir pour les femmes, un espace de transmission, d’initiation, de solidarité, de stimulation et de compagnonnage.

C’est aussi une tradition que toutes les cultures patriarcales, en appliquant le principe « diviser pour régner » se sont efforcées d’éradiquer totalement. Tant que les femmes sont des rivales et sont complètement centrées sur les hommes, elles ne se constituent pas en tant que groupe et elles ne se révoltent pas pour faire entendre leur voix….

Jean Shinoda Bolen a aussi décrit sa vision en prenant pour analogie l’expérience bien connue de singes macaques  vivant dans des îles japonaises. Sur l’une de ces îles, les singes étaient nourris par les humains qui les étudiaient. A un moment donné, une jeune femelle s’est mise à laver sa nourriture (des patates douces si ma mémoire est bonne) à l’eau de mer. Sa pratique s’est lentement répandue chez tous les jeunes du clan. Avec le temps, les autres clans de singes de cette même île se sont mis à faire de même. Plus tard encore, tous les clans de toutes les îles avaient adoptés sa pratique, alors même que les singes n’avaient aucun contact physique entre eux!

Par analogie, sa vision est que la création d’un premier cercle facilite la création d’un second, qui stimule celle d’un troisième, etc. jusqu’à la création du millionième. Son espoir est que, une fois ce seuil symbolique passé, les cercles vont avoir un impact sur toute la société, de par leur seule existence qui sera devenue incontournable. Alors, les sociétés devront prendre en compte sérieusement les valeurs des femmes engagées dans ces cercles, à savoir prendre soin à long terme de la vie, qu’il s’agisse de celle de la famille, du clan ou de la Terre mère.

Elle décrit sa vision dans ce petit livre de moins de 100 pages, avec une écriture en vers très belle et très poétique.

Dans mon passé, j’ai eu l’occasion de participer à de tels cercles et j’ai constaté qu’ils peuvent être des stimulants puissants pour des femmes qui se situent dans un parcours de vie plutôt traditionnel, pour qui l’archétype de la féminité, la maternité, le fait d’être une épouse et une mère de famille sont des choses essentielles.

C’est nettement moins simple pour des femmes atypiques, dont le parcours de vie est nettement plus queer, qui assument et expriment pleinement leur part « yang » et qui se définissent par elles-mêmes plutôt que d’attendre de compléter un hypothétique autre. Je fais partie des femmes de cette mouvance et il est possible que nous devions créer nos propres cercles, des cercles de louves et de guerrières afin de trouver notre place.

Je m’interroge aussi sur la possibilité de changer la société uniquement en atteignant un seuil donné. Je vois combien les cercles de pouvoir vivent complètement coupés du reste de la société et je peux tout à fait imaginer que ces derniers fassent tout pour entraver un changement qui les dérange et les met en cause, comme cela s’est passé face aux révolutions sociales du 2ème siècle, dont aucune n’a vraiment pu être achevée à cause de cela.

Mais cela me parait une belle vision et une belle initiative de la part de Jean Shinoda Bolen qui gagne à être connue et tentée par un nombre croissant de femmes de par le monde. C’est pour cela que j’en parle.

Il se trouve aussi que, pour une fois, le monde de l’édition francophone s’est quelque peu réveillé et cet ouvrage a enfin été traduit en Français. Comme le titre de la traduction française n’a strictement rien à voir avec le titre du livre originel, ni avec son sujet d’ailleurs, il faut un peu chercher. Mais il est disponible dans toutes les bonnes librairies:

Jean Shinoda Bolen La pratique des cercles de compassion Jouvence, 2011
Jean Shinoda Bolen
La pratique des cercles de compassion
Jouvence, 2011

 

(*) Voir: Jean Shinoda Bolen, Goddesses in every woman, Harper & Row 1984, Quill Editions, 2004

(**) Voir: Jean Shinoda Bolen, Goddesses in older women, Harper Collins 2001, Quill Editions, 2002

Questions existentielles et spirituelles

Agathla Peak, Monument Valley
Agathla Peak, Monument Valley

 

La dimension de «plus grand que soi» de chaque personne lui est propre et très intime. Il me semble cependant qu’un point qui peut réunir la grande majorité des enfants doués est qu’ils sont dans l’impossibilité de se satisfaire de vérités imposées de l’extérieur et qu’il-elle-s recherchent en eux-mêmes leurs propres réponses aussi singulières soient elles.

Il est possible que certaines de mes propres réponses puissent être pertinentes pour d’autres. C’est pourquoi je les propose ici, ne serait-ce que pour qu’elles aident d’autres à trouver les leurs.

Il existe dans la nature une forme d’indétermination liée aux lois qui la gouvernent (*). Ces lois nous influencent aussi, en ce sens que je ne crois pas qu’il y ait une intention ou une finalité derrière le fait qu’un être naisse handicapé, dans une famille maltraitante ou avec quelque autre particularité. Les lois de la nature ne sont ni déterministes ni essentialistes. Ce sont nos visions de cette dernière qui le sont.

Je ne crois pas à la prédestination et je suis intimement convaincue que, malgré tous les déterminismes qui influent sur nous, nous avons une part de liberté de choix. De l’interaction de nos libertés individuelles naît nécessairement une part de hasard (d’indétermination) dans nos vies. Nous ne sommes pas sur des rails et les autres ont une existence propre, ils ne sont pas là que pour jouer un rôle ou un autre dans nos vies.

Face à certaines formes de la condition humaine, il est tout simplement naturel et légitime d’être révolté-e et en colère contre la vie. Il y a des sorts qui sont totalement insupportables et il est entièrement légitime et honorable que des personnes mettent toute leur énergie à les corriger.

A mes yeux, les formes de spiritualité patriarcales traditionnelles, encore très largement majoritaires sur cette planète, sont en train de montrer leurs limites. Profondément non respectueuses et toxiques, elles sont dans l’incapacité de répondre aux quêtes de sens de personnes qui ne se laissent plus mettre en esclavage pour servir des pouvoirs religieux qu’elles ne reconnaissent plus comme légitime. Ce mouvement est très lent, plus visible en occident qu’ailleurs, mais présent partout.

Les êtres humains sont en train de se chercher. Mais, quelles que soient les formes de nouvelles expériences spirituelles, pour être vivantes, fécondes et durables, elles se doivent d’accompagner les personnes dans la découverte et le déploiement de leur propre part de «plus grand qu’elles» plutôt que de vouloir leur imposer un paquet de l’extérieur. Elles se doivent aussi de respecter et d’inclure les formes d’expérience spirituelles féminines(**), de même que celles de toutes les personnes qui sont «atypiques» à un titre ou à un autre. Plutôt que d’isoler les personnes et de les rendre dépendantes d’une puissance à laquelle elles devraient tout (***), elles se doivent de les aider à se relier à la nature, aux autres êtres vivants, à leurs proches et à tout ce qui peut les guider dans leur parcours. Elles se doivent de respecter et de valoriser pleinement l’autonomie des personnes, y compris par rapport à leur part «institutionnelle». Il y a encore beaucoup de chemin à faire!

(*)En gros, ce qu’on appelle les mathématiques du chaos

(**) Voir, par exemple:

[Bolen, 2002] Jean Shinoda Bolen, Goddesses in Older Women: Archetypes in Women over Fifty, Harper Perennial, 2002

[Bolen, 2004] Jean Shinoda Bolen, Goddesses in Everywoman: Powerful Archetypes in Women’s Lives, Conari Press, 2004

[Gange, 2002] Françoise Gange, Les Dieux menteurs, Renaissance du livre, 2002

[Gange, 2006] Françoise Gange, Avant les Dieux, la Mère universelle, Editions Alphée, 2006

[Gange, 2007] Françoise Gange, Le viol d’Europe ou le féminin bafoué, Editions Alphéé, 2007

[Gimbuntas, 2005] Marija Gimbuntas, Le langage de la déesse, Editions des femmes, 2005

[Redmond, 1997] Layne Redmond, When the Drummers Were Women: A Spiritual History of Rhythm,
Three Rivers Press, 1997

[Schaefer, 2006] Carol Sachefer, Grandmothers Counsel the World: Women Elders Offer Their Vision for Our Planet, Trumpeter, 2006 (traduit chez Véga en 2012)

[Tedlock, 2005] Barbara Tedlock, The Woman in the Shaman’s Body: Reclaiming the Feminine in Religion and Medicine, Bantam, 2005

(***) Représenté par un dieu à la Zeus, derrière lequel se cache une institution patriarcale