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Surdouance : Dabrowski et la désintégration positive enfin accessibles en français

L’ouvrage «La formation de la personnalité par la désintégration positive» de Kasimierz Dabrowski a été réédité en français en 2017, sur la base d’une nouvelle édition en langue anglaise de 2015. Par ailleurs une introduction a ses travaux a également été publiée en français au début de cette année.

Photo de Kasimierz Dabrowski
Kasimierz Dabrowski Source: https://positivedisintegration.com

Il existe une petite littérature en langue française sur les personnes « surdouées », « HP », « surefficientes mentales », « zèbres », etc. Elle est beaucoup tournée vers les enfants, il y a aussi quelques ouvrages concernant les adultes. Cette littérature a déjà été présentée, au moins en partie et pour les ouvrages qui parlent des parcours de vie des personnes adultes dans d’autres articles de ce blog. Elle a le mérite d’exister, de sortir de la pathologisation, du risque de faux diagnostics et de décrire certains éléments de base du parcours de vie de nombreuses personnes concernées. Elle en a déjà aidé un certain nombre qui ont pu en profiter pour continuer leur chemin de manière plus libre et plus créative.

Psychologue, psychiatre, médecin, écrivain et poète, Kasimierz Dabrowski est né en 1902 à Klarów en Pologne. Il sera très vite confronté à la mort, quand, à 6 ans, il voit mourir une de ses petites sœurs de 3 ans. Il y sera confronté à nouveau durant la Première Guerre mondiale quand il sera témoin d’une bataille juste à côté de chez lui. Il y sera encore confronté durant ses études, quand son meilleur ami se suicide. Ces morts ont suscité chez lui un très grand questionnement existentiel. Après la mort de son meilleur ami, il choisit de se réorienter et d’abandonner la carrière de musicien à laquelle il se préparait pour entreprendre des études de médecine, puis de psychiatrie. Il dépose une thèse sur le suicide à l’université de Genève en 1929. Il continue à voyager en Autriche, en France, aux États-Unis, en Suisse et en Pologne. Il y fondera un institut d’hygiène mentale en 1935. Ce dernier sera fermé par l’occupant allemand, mais il continuera ses activités clandestinement, tout en protégeant de nombreuses personnes, sous le couvert de travaux sur la tuberculose. Il sera emprisonné par les allemands, mais sa femme obtient sa libération. Les ennuis continueront pour lui avec l’occupation soviétique qui voit en lui un suspect. Il finira par être réhabilité et obtiendra à nouveau le droit d’enseigner et de voyager.  Il partira alors en Amérique du Nord où il rencontrera, entre autres Abraham Maslow et d’autres humanistes de l’époque et finira par s’installer à l’université d’Alberta. En 1964, Il traduit du polonais et publie en anglais «Positive disintegration». Une première édition de « Personality shaping through positive disintegration » suivra en 1967, toujours sur la base de ses travaux en langue polonaise. « Psychoneurosis Is Not an illness » suivra en 1970. Il continuera ses travaux en Alberta presque jusqu’à sa mort. En 1979, il rentre en Pologne. Il y meurt en 1980. Une bibliographie de ses publications est disponible sur internet [1].

Kasimierz Dabrowski a laissé une école très active en Amérique du Nord, qui a un impact significatif dans l’éducation des personnes surefficientes mentales, et dont nombre de publications sont disponibles auprès de l’éditeur Great Potential Press [2]. Même s’il avait été traduit en français à la fin des années 60 et au début des années 70, il n’a pas eu dans cette langue l’écho que ses travaux méritaient. En 2015, « Personality shaping through positive disintegration » a été réédité en langue anglaise [3] après un important travail de reprise des manuscrits de l’époque qui avait pour but de rendre lisible et compréhensible un texte écrit avec un vocabulaire qui n’a plus cours aujourd’hui.

Au début de l’année 2017, les éditions Pilule Rouge ont sorti la traduction française de cet ouvrage [4]. Il a été créé en partant de la traduction anglaise révisée plutôt que des documents de l’époque. Presque simultanément, la psychothérapeute Patricia Lamare a publié une introduction à ses travaux en langue française [5]. Voilà une belle synchronicité !

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Patricia Lamare; La théorie de la désintégration positive; CreateSpace Independent Publishing Platform 2017

C’est difficile de présenter en quelques mots la vision de Kasimierz Dabrowski sur le parcours de vie des personnes HP. Sa description est totalement atypique, riche, originale, féconde, complexe, dynamique, mais aussi enrobée dans un vocabulaire qui n’a plus cours et qui aurait gagné à être fluidifié. Vous en trouverez une belle description dans l’ouvrage de Mme Lamare.

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Kasimierz Dabrowski; La formation de la personnalité par la désintégration positive; Editions Pilule Rouge; 2016

Ce qu’il est possible de dire en résumé, c’est qu’il a mis le doigt sur un certain nombre d’éléments clefs dont je n’ai trouvé aucune description ailleurs (ou alors chez des personnes qui ont connaissance de ses travaux) et dont je ne peux que reconnaître la pertinence pour ma propre vie.

  • Il a décrit cinq formes de « surexcitabilités » que vivent les personnes surefficientes mentales, dans les domaines cognitif, émotif, imaginatif, moteur et sensoriel. Elles correspondent à des niveaux de sensibilité ou de capacité considérablement plus intenses que celles du reste des êtres humains dans ces mêmes domaines. Il ne se focalise pas sur la seule dimension cognitive, loin de là et met en valeur l’ensemble de ces dimensions. L’écrivain Ray Brabury peut être un bon exemple ce que c’est que d’être une personne avec, entre autres, une très grande surexcitabilité imaginative [6].
  • Le développement des personnes est « asymétrique », en ce sens que, dans de très nombreux cas, leurs capacités dans les domaines cognitif, imaginatif, émotionnel, moteur et sensoriel ne sont pas identiques. Par exemple, une personne peut avoir de fortes surexcitabilités cognitives, émotives et imaginatives, tout en ayant de moindres capacités dans les autres.
    • Les personnes perçoivent cette asymétrie, et leur moindre capacité dans certains domaines peut être une source de grande souffrance, qu’elles vont devoir intégrer.
    • En ce qui concerne les enfants, cette asymétrie touche aussi leur capacité de jugement. C’est ainsi qu’un enfant pourra à la fois faire preuve de grandes prouesses, par exemple, dans le domaine cognitif ou artistique, tout en faisant preuve d’une autonomie ou d’une capacité de jugement en retard sur celle des autres enfants du même âge. C’est une source de désarroi pour l’entourage (parents, proches, enseignants), mais aussi pour l’enfant lui-même qui la perçoit et qui peut se sentir en grande détresse.
  • Le potentiel de développement n’est pas identique chez tous les humains. L’environnement peut jouer un rôle stimulant ou au contraire inhibiteur. Les surexcitabilités des personnes vont les pousser à sortir des normes de leur environnement pour trouver un terrain d’expression approprié. Mais il y a aussi une dimension plus mystérieuse (que Dabrowski a baptisé du nom peu parlant de « troisième facteur ») qui pousse certaines personnes à « grandir encore et toujours » (quel que soit le nom qu’elles mettent dessus) alors que d’autres ressentent moins ce besoin. Les humanistes y verraient peut-être le potentiel d’actualisation cher à Maslow et à Rogers. D’autres y verront d’autres choses encore. Mais l’essentiel est que le fait demeure.
  • Que ce soit dans la continuité de leurs parents ou dans la promotion sociale, les sociétés humaines programment leurs enfants à s’insérer en leur sein en respectant les règles existantes sans les remettre en cause. Or les personnes surefficientes mentales sont incapables de ce conformisme. Leurs surexcitabilités, leur conscience de l’écart entre là où elles en sont à un moment donné avec là où elles aspirent à être, leur conscience de ce qu’est la société qui les entoure par rapport à ce qu’elle devrait être et leur potentiel de développement atypique vont inexorablement les pousser à sortir des rails qui sont prévus pour elles.
  • Les premières crises de remise en question ont le plus souvent des causes extérieures. La mort est un facteur déclenchant fréquent, mais il peut y en avoir bien d’autres. Naître et grandir dans une famille abusive peut en être un, tout comme naître et grandir gay, lesbienne, bi, trans ou intersexe dans un environnement familial qui nie l’existence de ces manières d’être au monde. Et il y en a tant d’autres. Ces événements vont précipiter les personnes dans des crises existentielles extrêmement profondes, qui peuvent les amener au bord de la mort. Mais, dans la mesure où elles sont capables de les traverser avec succès, elles en sortent grandies. Si tel n’est pas le cas, elles peuvent se retrouver dans des parcours de vie très lourds, dans lequel leur part d’ombre va s’exprimer de nombreuses manières.
  • Dans la vie des personnes surefficientes, les crises de croissance vont se succéder. Le moins que l’on puisse dire est que c’est rude à vivre. Mais elles vont passer d’une situation dans laquelle, elles faisaient face comme elles pouvaient à une situation qui les dépassait, un peu comme une personne qui se retrouve à l’eau sans savoir nager, à une autre dans laquelle elles sont conscientes de ce qui se passe, dans laquelle elles peuvent agir délibérément, prendre en main leur chemin et avancer résolument. Certaines arrivent à un moment où elles sont capables de percevoir d’elles-mêmes les pistes de croissance et où elles sont assez solides pour prendre le risque de se mettre délibérément en déséquilibre pour en profiter et continuer leur chemin. Camille Lamarre symbolise ce chemin comme un parcours dans une chaîne de montagnes, ce qui me paraît assez juste.
  • Chemin faisant, les personnes vont être de plus en plus conscientes de qui elles sont, de ce qu’elles ressentent, de ce qui est juste et désirable à leurs yeux. Elles auront développé une éthique personnelle, elles seront en mesure de l’assumer et de l’affirmer, ceci quitte à devoir s’opposer à la société qui les entoure.
  • Ceci signifie qu’il existe des mal-adaptations à une société qui, contrairement à la vue habituelle, sont en fait des signes de santé mentale, de lucidité, d’intégrité et de justesse. Le savoir ne rend pas la vie plus facile, mais en avoir conscience peut néanmoins mettre du baume au cœur pour les personnes surefficientes qui se trouvent dans cette situation.
  • Une autre conséquence est que, toujours contrairement à la vue habituelle, la santé mentale n’est pas l’absence de trouble ou de souffrance. Bien au contraire, certaines crises sont indispensables et elles doivent être traversées pour grandir, et ceci même si elles mettent la personne dans un état de très grande détresse. En fait, un état de trop grande adaptation peut simplement être le signe que la personne est incapable d’entreprendre ce chemin, et qu’elle reste l’objet des déterminismes de son entourage. Ou pire encore, il s’agit d’un-e sociopathe ou d’une autre forme de personne incapable d’empathie dont l’humanité souffre tant, mais que les sociétés humaines révèrent et favorisent.
  • Dabrowski rythme le parcours des personnes en décrivant cinq étapes de développement, cinq niveaux de personnalité, en partant du premier (sous le nom « d’intégration primaire ») qui décrit une personne qui se contente d’être le jouet des déterminismes sociaux qui l’entoure jusqu’au niveau cinq (sous le nom « d’intégration secondaire ») qui décrit une personne complètement dégagée de ces déterminismes, qui a fait le chemin nécessaire pour se déployer pleinement en tant qu’être humain dans toutes ses dimensions, à commencer par l’empathie, le souci et le soin des autres et de la Terre Mère. Ce chemin de développement est tout sauf égotique.
  • Très clairement, Dabrowski hiérarchise ces niveaux. Pour lui, être au cinquième niveau est bien mieux que d’être au premier, décrit comme « beaucoup plus bas ». Ceci peut heurter le sens démocratique de nombreuses personnes, dont je suis. Ceci dit, le fait de décrire des parcours de vie à l’aide de niveaux, d’en mettre trois, cinq, sept ou onze, relève finalement de l’arbitraire. Mais, quelle que soit la description choisie, cela peut aider certaines personnes à prendre mieux conscience du chemin qu’elles ont fait et des fruits que ce dernier porte déjà dans leur vie.

 

Certaines personnes, en particulier les professionnel-le-s de la relation d’aide qui accompagnent des personnes surefficientes mentales vont prendre le temps de lire Dabrowski et ses élèves en profondeur. D’autres vont peut-être se contenter de la présentation en français de Mme Lamare et d’une autre très bonne présentation en langue anglaise [7]. L’essentiel est, comme toujours, d’en prendre ce qui est pertinent pour soi et pour son parcours de vie à un moment donné, «to eat the meat and spit the bones» [8], comme on dit en anglais. Quoi qu’il en soit, il me semble qu’être capable de mettre le doigt sur ses propres surexcitabilités, de prendre conscience de son potentiel de développement, de où nous en sommes sur notre chemin, du fait que certaines de nos inadaptations à la société qui nous entoure nous honorent et que certaines de nos détresses sont essentielles pour grandir sont propres à nous rasséréner et à nous aider à trouver notre chemin dans le labyrinthe que peut parfois être notre vie.

 

[1] Voir : https://positivedisintegration.com/DRIBiblio.htm#d-f

[2] Voir : http://www.greatpotentialpress.com

[3] Kasimierz Dabrowski ; Personnality shaping through positive disintegration ; Red Pill Press, 2015

[4] Kasimierz Dabrowski ; La formation de la personnalité par la désintégration positive ; Editions Pilule Rouge ; 2016

[5] Patricia Lamare ; La théorie de la désintégration positive de Dabrowski – Un autre regard sur la surdouance, la santé mentale et les crises existentielles ; CreateSpace Independent Publishing Platform ;  2017

[6] Voir : https://labyrinthedelavie.net/2017/03/12/sous-le-zen-la-passion/

[7] Sal Mendaglio, Ed ; Dabrowski’s theory of positive disintegration ; Great Potential Press ; 2008

[8] Littéralement «manger la chair et recracher les os». J’ai trouvé cette expression que je trouve très parlante dans :

James T. Webb ; Searching for meaning – Idealism, bright minds, disillusionment and hope ; Great Potential press ; 2013

 

 

Trouver son chemin quand on est extrêmement sensible

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Spray towers over the 57-foot-tall Ludington Lighthouse in Michigan as a storm packing winds of up to 81 mph howled across the Midwest and South on Tuesday, Oct. 26 2010. Jeff Kiessel, Ludington Daily News, Source: Wikimedia commons
  • Avez-vous parfois été considéré-e par d’autres comme «beaucoup trop sensible» ?
  • Est-ce que les disputes violentes et les cris vous rendent malade ?
  • Est-ce que les foules vous épuisent, au point que vous avez besoin de vous retrouver seul-e pour récupérer ?
  • Est-ce une nécessité pour vous de vous rendre par vous-même aux événements sociaux, afin de vous permettre de pouvoir rentrer plus vite, si vous en ressentez le besoin ?
  • Vous arrive-t-il de manger beaucoup, voire trop, pour faire face au stress ?
  • Avez-vous remarqué que vous absorbez le stress, les émotions ou même les symptômes physiques des autres ?
  • Avez-vous fortement besoin de la nature pour vous ressourcer ?
  • Avez-vous besoin de long temps de récupération pour vous retrouver après avoir interagi avec des personnes difficiles ou des « vampires » qui absorbent votre énergie ?
  • Préférez-vous les relations sociales en tête à tête ou en petits groupes ?
  • Avez-vous besoin de vivre dans de petites localités, voire en pleine campagne ?

Alors, il est possible que vous soyez un ou une empathe, c’est-à-dire une personne dont la sensibilité est telle qu’elle absorbe les émotions, les sentiments et les réactions des autres sans être en mesure de s’en protéger comme le font la majorité des personnes.

Si l’expérience n’est pas nouvelle, elle est longtemps restée tabou en occident. Ce terme est relativement récent, et il a encore une connotation plutôt liée à l’ésotérisme et à des parcours de vie en dehors des normes établies en matière de croyances ou de mise en mot de son parcours de vie.

Il se trouve que les empathes ont trouvé une ambassadrice intéressante et très pertinente dans la personne de la Dr. Judith Orloff, elle-même empathe et docteur en psychiatrie. Elle a travaillé dans le monde hospitalier entre 1979 et 1983, date à laquelle elle a ouvert un cabinet privé. Elle est également membre de l’association américaine des psychiatres (1). Elle a commencé à publier en 1996 (2) et n’a pas cessé depuis. Ses livres sont intentionnellement écrits pour être accessibles au plus grand nombre, tout en conservant un appareil de note permettant aux professionnels de vérifier sur quoi elle se fonde pour tenir ses propos.

Le Dr Orloff est venue au cœur de son sujet avec son tout dernier ouvrage, «The empath survival guide» (3), autrement dit le guide de survie pour personnes empathes.

 

The Empath Survival guide
Judith Orloff; The Empath survival guide – Life strategies for sensitive people; Sounds True, 2013

Dans ce texte, elle a pris le risque de s’exprimer personnellement et humainement. Elle parcourt les différentes dimensions de ce que cela peut signifier que d’être un-e empathe pour de nombreuses personnes. Elle donne des clefs pour aider les personnes à se situer par elles-mêmes et des outils pour faire face aux situations de leur quotidien.

Elle aborde les différentes formes d’expériences d’être empathes : physique (quand on absorbe les symptômes physiques de l’autre), émotionnelle (quand on absorbe les émotions d’autrui au point d’être parfois une « éponge émotionnelle »), intutif-ve (pour les personnes dont les intuitions vont très largement au-delà de ce qu’on met usuellement sous ce terme).

Nombre de ces personnes ont beaucoup de difficultés à se protéger, comme une maison ouverte aux quatre vents, et se retrouvent de ce fait souvent en demande d’aide envers les professionnel-le-s de la santé. Ce faisant, elles risquent fort d’être diagnostiquées à tort comme dépressives, bipolaires, voire psychotiques, et d’être soumises à une médication lourde qui ne les aide pas et qui a de nombreux effets secondaires.

Pouvoir mettre un mot sur qui elles sont et sur ce qui influence leurs parcours de vie va aider les personnes à se retrouver, à reprendre la direction de leur existence, à réduire très fortement voire à se débarrasser de traitements médicamenteux inutiles et handicapants et à chercher de nouvelles pistes pour mener leur existence.

Chemin faisant, Judith Orloff donne de nombreuses pistes utiles et des outils pertinents concernant les émotions et la santé, les addictions, les relations amoureuses, l’autoprotection face aux narcissiques pervers, l’éducation des enfants, le monde du travail, la création de groupes de soutien mutuel, etc.

Cet ouvrage est clair, direct, agréablement écrit, fluide et il se lit facilement. En ce qui me concerne, il m’a permis de mettre un mot sur un ensemble de nombreuses observations qui étaient restées éparses et dont je ne sentais pas trop que faire. Pouvoir mieux intégrer cette dimension dans la manière dont je conduis ma vie est m’important.

Le chapitre un peu faible de cet ouvrage, en ce qui me concerne, est celui que j’attendais le plus : comment faire face dans ma propre vie professionnelle, souvent rocailleuse et dans celle de nombreuses autres personnes, parfois encore bien pire. La stratégie principale proposée par le Dr Orloff est d’être indépendant-e, afin de pouvoir mettre une distance entre soi et les turpitudes du monde de l’entreprise et en tout cas assez autonome pour pouvoir s’isoler quelques minutes avant des situations qu’on prévoit difficiles.

En plus de ne pas toujours être possible (certaines personnes peuvent avoir des engagements qu’elles ne peuvent pas lâcher du jour au lendemain), cette stratégie risque de se limiter à échanger les stress dus aux collègues et aux employeurs avec ceux dus aux clients. Est-ce réellement un gain ?  J’ai de sérieux doutes. Par ailleurs, la mode actuelle des « open space » en entreprise, l’accélération des activités professionnelles et la rapidité avec laquelle certaines situations peuvent dégénérer fait que les personnes n’ont souvent pas le loisir de s’isoler, mêmes quelques minutes, avant de faire face à une situation dont elles sont prévenues qu’elle va être conflictuelles. Elles le découvrent et doivent y faire face dans l’instant! Que faire pour pouvoir vivre et gérer au mieux ce genre de situation, particulièrement difficile quand on est empathe, reste pour moi une question ouverte.

Mais, en ce qui concerne les autres dimensions abordées par Judith Orloff, cet ouvrage me semble extrêmement pertinent et je ne doute pas qu’il va aider de nombreuses personnes qui se retrouvent dans les propos de Judith Orloff à mieux mener leur vie. C’est déjà beaucoup.

 

 

(1) Source : https://en.wikipedia.org/wiki/Judith_Orloff

(2) Judith Orloff ; Second Sight: An Intuitive Psychiatrist Tells Her Extraordinary Story and Shows You How to Tap Your Own Inner Wisdom ; Three Rivers Press (CA) Mar-2010 (pour l’édition actuelle)

(3) Judith Orloff ; The empath survival guide – life strategies for sensitive people ; Sounds True ; mars 2017

Ce texte est complété par un ensemble de CDs, ayant pour titre : « Essential Tools for Empaths: A Survival Guide for Sensitive People », auprès du même éditeur

L’idéalisme, les désillusions et la quête de sens des personnes HP

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Grâce à quelques auteures compétentes, expérimentées, sensibles et respectueuses comme Christel Petitcollin, Jeanne Siaud-Facchin et quelques autres, les personnes « hp » de langue française ont à leur service quelques ouvrages qui peuvent les aider à trouver plus facilement un chemin dans la vie (1). En tant que tel c’est très précieux. Ceci dit, la littérature francophone sur les parcours de vie de ces personnes reste limitée. Il n’y a pas de quoi remplir un rayon de bibliothèque d’ouvrages significatifs, de qualité et aidants.

De ce fait, ces mêmes personnes peuvent être intéressées par l’existence d’une autre source d’informations de qualité, à savoir l’éditeur spécialisé de langue anglaise Great Potential Press Inc. (2).

Un des ouvrages de son catalogue est en particulier susceptible d’attirer ce public, car il traite des questions et des crises existentielles quasi permanentes que vivent nombre de personnes hp. Il a pour titre « Searching for Meaning – Idealism, Bright Minds, Disillusionment and Hope » (3).

L’auteur y aborde de nombreuses thématiques, dont l’origine des quêtes de sens particulièrement intenses des personnes hp, des idéaux le plus souvent très élevés de ces mêmes personnes, des désillusions auxquelles les sociétés humaines et leurs propres limites les confrontent, des manières de faire face à ces crises permanentes (certaines étant plus saines ou plus utiles que d’autres), de l’art et de la manière d’arriver à une plus grande sérénité.

Malgré un certain nombre de limites sérieuses, cet ouvrage comporte des remarques et des apports qui me semblent importants et très utiles.

En ce qui concerne les limites, celles qui me semblent les plus problématiques sont les suivantes:

  • Quand il traite de l’origine des valeurs qu’une personne acquiert au cours de son enfance, l’auteur ne prend en compte que l’entourage et les influences sociales sur cette dernière. Il passe complètement sous silence la référence intérieure de la personne, pourtant particulièrement développée chez les personnes hp, au point de contribuer à les faire se sentir très différentes, voire étrangère à leur environnement et ceci des un très jeune âge. C’est d’autant plus étonnant que l’existence de cette référence intérieure est reconnue par les psychologues humanistes au moins depuis le début des années 60 (4).
  • La deuxième limite est que cet ouvrage est écrit d’un point de vue totalement matérialiste. Les dimensions de « plus grand que soi » ou d’expériences spirituelles que peuvent vivre les personnes hp n’y ont aucune place. Chacun est, bien sûr, libre de ses (non-)croyances, mais les crises auxquelles font face les personnes hp, la difficulté pour elles de trouver un chemin satisfaisant, celle de faire face à leurs désillusions, la difficulté de choisir une voie parmi toutes leurs potentialités (tout en faisant en sorte que le fait de devoir en laisser de côté un grand nombre soit supportable) me font dire que l’expérience spirituelle des personnes hp est pour elle un guide encore plus essentiel que pour les autres personnes (et, ceci, quelle que soit la forme qu’elle prenne).
  • La question de la survie sur la place de travail n’est pas non plus abordée alors même qu’elle peut s’avérer extrêmement difficile pour les personnes hp. Dans la plupart des univers professionnels, l’exigence de conformité est encore bien plus forte qu’à l’école. Les personnes sont aussi confrontées particulièrement durement a des comportements humains qui sont à des années-lumière de leurs idéaux. Survivre dans un milieu qui peut être extrêmement toxique est d’autant plus difficile qu’on ne choisit pas toujours son job. Il arrive très fréquemment qu’on doive se contenter du peu qu’on trouve et cela peut être extrêmement risqué d’abandonner un poste dans la conjoncture actuelle. Arriver à faire face dans un pareil univers aurait largement mérité un chapitre.
  • Dans ce texte, il est beaucoup question de la très grande sensibilité et des ressentis très intenses des personnes hp. Par contre, la justesse et la lucidité de nombre des constats faits par ces mêmes personnes ne sont pas reconnues. Or il s’agit d’une dimension du problème. C’est particulièrement douloureux de vivre en constatant de nombreux dysfonctionnements autour de nous, d’avertir de leur existence, de proposer des solutions, de se faire violemment rejeter pour ce faire, puis de constater que tout ce que nous avons vu et prédit se confirme (le tout sans la moindre reconnaissance, bien sûr) !
  • Au chapitre 6, l’auteur insiste sur l’importance de se connaitre soi-même. Ce constat est essentiel. A être purement cognitifs, les systèmes scolaires coupent d’eux-mêmes les enfants. Les entreprises vont exactement dans le même sens. Des jeunes très doués qui ont un mental puissant et qui se sont particulièrement investis sur le plan cognitif se voient de ce fait encore plus complètement coupés de qui ils sont profondément. Par contre, l’auteur se garde bien de donner des outils efficaces pour se reconnecter aux personnes qui en manqueraient ! c’est ainsi qu’un outil aussi essentiel (et éprouvé) pour retrouver le lien a ses ressentis qu’est le focusing (5) n’est même pas mentionné ! Bref ce chapitre est tronqué de nombreuses pages essentielles pour qu’il puisse vraiment atteindre son but.

 

A mes yeux, ces limites sont importantes. Mais elles sont contrebalancées par une série d’éléments importants qui font que cet ouvrage vaut la peine :

  • Dans le même chapitre ou l’auteur insiste sur l’importance de se connaitre moi-même, il finit par suggérer aux personnes de se faire aider. Il ne s’agit pas tant de psychothérapie (être hp n’est pas un trouble, mais une manière d’être au monde) que de trouver un mentor qui comprenne en profondeur ce que c’est que d’être hp et qui puisse aider une personne a se reconnecter avec elle-même, à lire et à faire le tri dans ses ressentis corporels (pour reprendre le terme du focusing), à découvrir les arcanes des relations humaines, à apprendre à faire face à ses désillusions et ses crises existentielles et à trouver un chemin dans son existence alors qu’on s’est bien gardé de lui en donner le mode d’emploi!
  • L’auteur insiste sur le fait que c’est une problématique essentielle et inhérente au fait d’être hp que d’avoir un haut degré d’idéal, de très douloureuses désillusions quand la société ou la personne elle-même ne correspond pas à ses exigences, et de vivre des dépressions existentielles à répétition. Tout l’enjeu pour la personne est d’arriver à vivre dans une société qui ne répond pas à ses exigences, de faire avec le fait qu’elle-même n’y arrive pas, de trouver quelque chose qui fasse qu’elle sente malgré tout que son existence a du sens, et qu’elle trouve une satisfaction alors même qu’elle ne pourra déployer qu’une petite partie de ses potentialités. C’est l’enjeu d’une vie et c’est là ou certaines manières de « faire avec » sont plus fructueuses que d’autres.
  • Il fait référence à la notion de « sur-stimulabilité » issue des travaux de Kasimierz Dabrowski. Cette notion dénote les réactions particulièrement intenses des personnes hp, aux manières dont elles se manifestent (Dabrowski définit 5 catégories) aux forces et aux faiblesses que cela peut induire. Ces catégories me semblent intéressantes et pertinentes et elles peuvent aider les personnes à mieux comprendre leurs réactions.
  • Il liste 12 manières de « faire avec » qui peuvent s’avérer problématiques si on en dépend trop. Ces manières comprennent des comportements comme « avoir une attitude totalement rigide et exiger des autres qu’ils s’y conforment », « se retirer dans sa tour d’ivoire », « s’en foutre complètement », « étourdir son cerveau en particulier via un usage de substances diverses », « être sans cesse dans la colère et la révolte », etc. Si nous recourons toutes et tous à ces techniques à des degrés divers, elles ont l’inconvénient très grave de nous couper de nous-mêmes et des autres. Nous devons donc prendre grand soin de ne pas nous y enfermer.
  • La partie la plus précieuse et potentiellement la plus utile de cet ouvrage est le chapitre qui traite des techniques pour faire avec, qui sont fructueuses et même fécondes. L’auteur en liste treize. Il y a des pratiques comme « se choisir UNE cause et s’y investir vraiment », « ne jamais oublier son sens de l’humour », « avoir des activités qui permettent d’être en contact physique avec d’autres », « développer des relations authentiques », « profiter du moment présent », « garder à l’esprit les conséquences positives à plus long terme ainsi que les conséquences positives indirectes de ses actes », etc. Sans représenter une panacée, ces recommandations me semblent constituer un tout sensé, susceptible de notablement améliorer la qualité de vie des personnes hp.
  • Le dernier chapitre traite, entre autres, des recommandations de base de la psychologie du bonheur. A l’exception de l’une d’entre elles qui peut poser de gros problèmes aux personnes qui ont subi des abus et/ou des traumatismes (6) elles me semblent constituer un paquet d’autant plus utile que les personnes hp sont particulièrement peu douées en la matière et que, de ce fait, nous devons tout particulièrement cultiver notre jardin.

 

En conclusion, cet ouvrage me parait solide et utile et c’est pourquoi je me permets de le signaler. J’espère que sa lecture pourra aider d’autres personnes à trouver leur chemin quitte à, pour reprendre les propos de l’auteur, à « avaler la chair et à en recracher les os” !

 

(1) Voir, par exemple :

  • Christel Petitcollin, Je pense trop, Guy Trédaniel, 2010
  • Christel Petitcollin, Je pense mieux, Guy Trédaniel, 2015
  • Jeanne-Siaud Facchin, Trop inteligent pour etre heureux? – L’adulte surdoué, Odile Jacob, 2008
  • Arielle Adda & Thierry Brunel, Adultes sensibles et doués – Trouver sa place au travail et s’épanouir, Odile Jacob, 2015

(2) Great Potential Press Inc (www.greatpotentialpress.com)

(3) James T. Webb, Ph. D., Searching for meaning – Idealism, bright minds, disillusionment and hope, Great Potential Press Inc, 2013

(4) Voir, par exemple, Rogers, Carl. (1961). On Becoming a Person: A Therapist’s View of Psychotherapy. London: Constable (pour l’édition originale), partiellement traduit en français (il manque toujours 5 chapitres dans la version française)

(5) Eugene Gendlin, Focusing, Rider, 2003 (traduit en français)

(6) Dabrowski, K., With Kzwczack, A. Piechowski M. M. (1970) Mental growth through positive disintegration. London Gryf.

(7) La question est celle du pardon. Alice Miller fait, à très juste titre, remarquer que le pardon est utilisé par les systèmes religieux et éducatifs pour protéger les adultes maltraitants qui commettent des actes graves sur les enfants. Le pardon, érigé en vertu, voire en obligation morale, coupe encore plus les victimes de ce qui leur reste de ressenti, contribue à cacher et à renforcer encore leur traumatisme et est une des formes de ce qu’elle appelle le « 11ème commandement : tu ne t’apperçevras de rien ».

 

 

 

Du changement climatique, de la liberté d’expression et de ce qui relève parfois du devoir de s’informer

 

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Au moment où à lieu une grande conférence sur le changement climatique (1) et où de nombreuses personnes oeuvrent à la faire échouer, il peut être utile de revenir aux fondamentaux, à savoir qu’est-ce que le climat, comment on le définit, comment on le connaît, comment il évolue et comment on sait ce qu’on sait à son sujet.

Ce domaine est particulièrement complexe et sa compréhension nécessite un savoir raffiné et étendu. C’est indispensable pour pouvoir comprendre et juger les affirmations des uns et des autres au sujet dudit changement climatique.

Sur ce sujet, on ne peut pas accuser les institutions qui oeuvrent à réduire autant que faire se peut les conséquences de ce dernier de travailler dans le secret. L’intégralité des publications du GIEC est disponible publiquement et gratuitement (2), Les principes de fonctionnement de cette institution sont décrits et documentés (3) et, plus important encore, la manière dont cela marche concrètement est également documentée (4).

Pour comprendre ce que le GIEC dit vraiment, quelles sont les zones de certitudes et d’incertitudes, les luttes d’influence qui le traversent, la solidité des conclusions axuquelles il aboutit, il n’y a pas d’autre solution que d’examiner avec soin les documents qu’il présente. Cela peut être intimidant. Par exemple, le document décrivant la manière dont les groupes de travail fonctionnent et comment le contenu des rapports est sélectionné fait 39 pages (5). Il faut prendre le temps et faire l’effort de le lire avec attention pour comprendre comment ces documents sont rédigés. Le « résumé managérial » (comme on dit) du rapport de synthèse globale fait 32 pages (6). Le rapport de synthèse lui-même fait 151 pages. Et ces documents ne décrivent que le « quoi », c’est à dire le « ce qu’on pense qui est en train de se produire, les conséquences les plus probables et ce qu’on peut faire pour réduire le mal ». Il ne décrit pas le « comment », c’est à dire sur quoi on se base pour faire de telles affirmations, comment on sait que ce qui est dit par la comunauté des climatologues tient la route, quels sont les points d’incertitudes, de débat et d’interrogation.

Là encore, l’information n’est pas cachée. Elle est disponible et gratuite et se trouve dans le même site web, dans les documents de détails des trois groupes de travail qui constituent le GIEC. Les documents de synthèse de ces groupes font, pour certains, plus de 250 pages, et les rapports de détail plus de 1500! Si on veut vraiment savoir jusqu’où ce qui est dit tient la route, il n’y a pas d’autre choix que de faire l’effort de lire attentivement ces rapports détaillés, et de confronter sa compréhension de ces derniers avec des professionnels qui ont les connaissances nécessaires pour répondre à nos questions, interrogtions, contestations, demandes de précisions, etc. C’est un effort très important et tout le monde n’a pas nécessairement le temps ni l’envie de le faire. C’est compréhensible. Mais c’est ainsi.

Mais il est d’autant plus important qu’un très grand nombre de personnes fassent cet effort, que certains groupes ont tout intérêt à ce que rien ne change et ils sont prêts à tout, y compris au pire, pour y arriver. Il y a  tout ceux qui sont au service du dieu argent et qui ont fait vocation de mettre la Terre à sac. Il y a également son allié traditionnel, à savoir la mouvance proche des ultra-conservateurs et fondamentalistes de tous poils qui, de fait, agissent comme les alliés du premier groupe. Ils utilisent toutes les techniques manipulatoires qu’ils ont utilisé (et utilisent encore) pour essayer de promouvoir les théories créationnistes dans les écoles ou bloquer toute évolution sociale pour de tenter de saper les efforts qui sont faits pour éviter une catastrophe climatique.

Dans ces techniques, il y a les lectures superficielles, partielles, biaisées de la documentation sur le changement climatique. Il y a l’utilisation d’un détail, d’un point de discussion et d’incertitude pour tenter d’en faire une pierre d’achoppement qui mine l’ensemble de l’argumentaire. Il y a le mensonge pur et simple (par exemple affirmer que tel ou tel point n’a pas été traité dans les études, alors que c’est faux et documenté, mais dans les rapports de détails que trop peu de personnes lisent. Ceux qui agissent de la sorte utilisent la liberté d’expression pour tenter de la subvertir.  Ils prétendent que d’affirmer tout et n’importe quoi (y compris des choses totalement fausses) fait partie de leur liberté d’expression et que toutes les personnes qui les contrent violent cette dernière (8). C’est très exactement ce que ces personnes ont fait et continuement de tenter de faire sur les enjeux que j’ai mentionné précédemment.

C’est pour éviter qu’ils ne réussissent un jour à avoir un impact qu’il est essentiel qu’un maximum de personnes se renseignent en profondeur, lisent par elles-mêmes toute ou partie de la documentation du GIEC (au moins le rapport de synthèse complet) et cherchent à comprendre ce qu’est le climat et comment il marche.

Afin de mettre le pied à l’étrier, de commencer par une lecture accessible qui décrive ce qu’est le climat, comment on le définit, ce qu’on en connaît, comment il a évolué tout au long de l’histoire, comment on sait ce qu’on sait à son sujet, il existe un bel ouvrage, richement illustré qui plus est en langue française, et accessible à un large public (9). J’ai mis sa page de garde en tête de cet article. Je ne peux que vous recommander de prendre le temps de le lire avec soin. Ce sera une lecture utile.

(1) http://www.cop21.gouv.fr

(2) https://www.ipcc.ch/publications_and_data/publications_and_data.shtml

(3) https://www.ipcc.ch/organization/organization_procedures.shtml

(4) https://www.ipcc.ch/meeting_documentation/meeting_documentation.shtml

(5) https://www.ipcc.ch/pdf/ipcc-principles/ipcc_principles_french/ipcc-principles-appendix-a-final_fr.pdf

(6) https://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar5/syr/AR5_SYR_FINAL_SPM.pdf

(7) https://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar5/syr/SYR_AR5_FINAL_full.pdf

(8) Voir, par exemple, l’interview du prof Martin Beniston sur la RTS: https://www.rts.ch/la-1ere/programmes/medialogues/7195962-medialogues-du-07-11-2015.html#7195959

(9) Marie-Antoinette Mélières et Chloé Maréchal; Climats passé, présent, futur, Belin 2015 http://www.editions-belin.com/ewb_pages/f/fiche-article-climats-26943.php?lst_ref=1

C’est l’histoire d’une zèbre…

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Tiana, Je suis un zèbre, Payot 2015

 

…. comme aurait pu le dire Coluche. Sauf que cette histoire est vraie. Ca n’est pas une blague. Le témoignage de Tiana n’est pas là pour faire rire et elle a déjà assez subi de moqueries comme cela!

Le parcours de vie de Tiana est unique et tous les zèbres ne s’y reconnaitront pas. Au delà des spécificités de sa propre histoire, ce qui m’a frappée, c’est combien son parcours de vie est difficile et semé d’embûches, alors même qu’elle semble ne pas avoir subi les maltraitances familiales très lourdes et de tous ordres qui ont été le boulet des zèbres des générations précédentes.

Dans ce qu’elle décrit, il n’y a ni traumatisme de guerre, ni secret de famille, ni transmission intergénérationnelle horrible ni toutes les autres horreurs qui entravent tant d’autres personnes.

Pourtant, le seul fait d’être une surefficiente mentale rend sa vie, en particularité sa scolarité et sa socialisation de jeune ado extrêmement difficile, au point d’être insupportable et de la faire craquer. Il est vrai que les symptômes de son mal être sont spectaculaires et très visibles. Ils en sont d’autant plus difficiles à porter qu’ils sont sous le regard de l’autre. Et le regard de l’autre est insupportable quand on est une ado et qui plus est une zèbre.

A la fin de son témoignage elle partage qu’elle a pu trouver un début d’insertion sociale, de stabilité intérieure, un peu de confiance. Elle fait aussi l’expérience que certaines fragilités ne disparaissent pas aussi vite qu’elle le souhaite, qu’elle doit avoir l’humilité d’apprendre à vivre avec, de reconnaître leur présence quand elles se réveillent et d’oser alors demander de l’aide. C’est une forme de sagesse précieuse.

Elle est loin d’être la seule jeune zèbre dont le parcours de vie est très difficile. Si sont témoignage peut aider d’autres ados à faire quelques pas, il aura été précieux. S’il peut éclairer des personnes de leur entourage, les aider à être de meilleurs proches aidants, sans pour autant se perdre dans les difficultés de la personne qu’ils accompagnent, il aura rendu un autre service précieux.

Je connais des zèbres pour qui éviter de se suicider est en soi un défi majeur tant leur existence est douloureuse et tant trouver une place qui leur convienne est difficile. Tiana a fait un bout de ce chemin. elle a souhaité partager son expérience de vie. Je souhaite à son témoignage qu’il puisse atteindre les personnes auxquelles il est destiné.

Quand est-ce qu’assez est vraiment assez ou la confrontation avec les limites

Fritz Lang, Metropolis
Fritz Lang, Metropolis

Nombre d’entre nous en occident vivons une vie effrénée. Nous ne voyons plus le temps passer tellement nous sommes à toute vitesse en permanence. Nos activités professionnelles sont devenues extrêmement stressantes et la souffrance au travail devient une constante de base de notre quotidien. Ce stress s’accompagne souvent d’une consommation elle aussi excessive, compulsive et effrénée. C’est ainsi que j’ai, par exemple, bien plus de livres que ce que je peux lire. Résister à la tentation est difficile et les livres s’accumulent dans mon appartement. Il y a bien sûr des tentations bien plus onéreuses que les livres, comme le dernier smartphone à la mode dont on s’évertue à essayer de nous faire croire que nous ne pouvons pas vivre sans. Mais même les petits achats finissent par s’accumuler!

Comme il faut bien financer nos achats, nos voitures indispensables pour aller travailler et nos vacances tout aussi indispensables pour nous reposer enfin de ce que nous vivons dans les maisons de fous où nous travaillons, nous finissons par nous retrouver enfermés dans un entrelacs d’obligations qui nous attachent là où nous sommes, dans une roue qui tourne toujours plus vite….

Quant aux personnes qui n’arrivent pas à entrer dans cette roue, elles se retrouvent dans une situation de grande vulnérabilité, ce qui est un stress tout aussi important. Elles font tout pour arriver à rejoindre le monde du travail et pour se sentir libérées de leur galère matérielle.

Certaines personnes ont conscience que “cela ne va plus comme ça”. Le monde du travail est devenu complètement fou. A force de restructurations, de soi-disant optimisations et de tourner à toute vitesse, il broie impitoyablement les êtres dans ses rouages, comme le Moloch de Métropolis. Il faudrait plusieurs planètes pour supporter durablement notre rythme de consommation. Nous avons au moins un peu conscience que la planète se dégrade partout, que de nombreuses espèces disparaissent et avec elles, les espaces sauvages pourtant si précieux. Nous commençons à prendre conscience que notre action a même un impact durable et des plus délétères sur le climat de la planète.

Et pourtant rien ne bouge, ou presque, que ce soit à l’échelle des personnes ou à celle de la société!

C’est une chose que de sentir que “ça ne va plus comme cela”. C’en est une autre que d’arriver à mettre le doigt précisément sur ce qui pose problème. C’en est encore une autre que de sentir ou de voir comment changer, dans quelle direction aller. Et c’en est une troisième que de le faire

Il me semble que nous sommes confronté-e-s de plus en plus durement au fait que notre mode de vie actuel atteint ses limites et qu’il a de plus en plus de conséquences destructrices.

A force de vouloir toujours plus d’argent, les entreprises passent leur temps à s’automatiser et à optimiser leur fonctionnement. Nous nous retrouvons avec un travail horriblement stressant et une proportion de plus en plus grande de personnes qui sont exclues du monde du travail. C’est très tentant de changer très régulièrement de téléphone (pour prendre un exemple qui me concerne aussi), de voiture ou de faire sans cesse des vols en avion. Mais cela a inévitablement un impact environnemental. Les entreprises et les nations ne sont pas meilleures, loin de là! C’est ainsi qu’elles détruisent sans la moindre vergogne les dernières zones sauvages alors qu’un petit nombre de personnes font des efforts désespérés pour les dissuader.

Etre confronté-e à des limites, c’est inévitablement être confronté-e à la frustration (Je finance d’abord un traitement dentaire, le reste attendra, je garde ma voiture un ou deux ans de plus, je ne change pas de téléphone tous les deux ans, j’achète au plus un livre par mois, je fais en sorte de n’acheter qu’un minimum de provisions pour ne rien devoir jeter, etc.). Cela va aussi à l’encontre de vieux commandements qui nous ont conditionné depuis des générations (croissez et multipliez puis mettez la Terre en coupe réglée, l’environnement et les être vivants ne sont que des choses dont on peut user et abuser sans le moindre problème, etc.). Ca n’est déjà pas facile sur le plan individuel. Ca l’est encore mois sur le plan collectif, dans lequel la croissance à tout prix et l’exploitation forcenée de toutes les ressources sont vues comme des impératifs qui ne souffrent pas la moindre contestation! Un bon exemple est la résistance acharnée qu’engendre en Suisse, la décision du gouvernement de renoncer au nucléaire d’ici 2030. Malgré le caractère modéré et très pragmatique de cette décision, elle fait l’objet d’une opposition de tous les instants de la part des milieux économiques et d’une partie du monde politique.

Devoir vivre dans un monde limité et frustrant (matériellement), implique aussi que quelqu’un va devoir implicitement ou explicitement édicter ces limites. Cela ne peut que provoquer de terribles jeux de pouvoir!

Bref, nous sommes dans une crise mondiale qui est déjà difficile, mais je crains fort qu’elle ne soit qu’un avant-goût de ce qui nous attend. Et cela sera d’autant plus dur que les pays occidentaux sont dans un déni total de la situation.

En attendant une prise de conscience globale et une mobilisation de la société, je ne peux que suggérer aux personnes qui se sentent concernées par cette question d’apprendre à avoir un mode de vie considérablement plus durable que ce que nous avons aujourd’hui. J’espère que cela aidera à une prise de conscience de toute la société, même si cela a toutes les chances de susciter une très forte résistance.

I have a dream

Non, je ne me prends pas pour Martin Luther King!

Mais j’ai moi aussi un rêve.

By Elkwiki (Own work) [CC-BY-SA-3.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)], via Wikimedia Commons
By Elkwiki (Own work) [CC-BY-SA-3.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)%5D, via Wikimedia Commons
Mon rêve, c’est qu’il y ait, près de chez moi, une forêt primaire de 50’000 kilomètres carrés et d’un seul tenant! Vierge de toute route, elle ne serait parcourue que de quelques pistes en terre. Sanctuaire pour la flore et la faune, les humains qui s’y aventureraient le feraient à leur propre risque (tout en ayant le droit de se défendre, mais uniquement en cas de nécessité absolue et en toute dernière extrémité).

C’est un rêve bizarre? Mais c’est le mien. Et le pire est que je suis intimement convaincue que sa réalisation serait largement aussi précieuse pour l’humanité que pour la faune et la flore.

Il est des lieux de la nature dans lesquels on entre comme dans une cathédrale. Cette forêt serait l’un d’entre eux. Elle serait un lieu de rayonnement, de ressourcement, d’ancrage, de quête d’appartenance et de de quête de vision comme nombre d’autres lieux sacrés.

50’000 kilomètres carrés, c’est grand. Inutile de dire que la constitution progressive d’un tel espace ne peut que susciter des résistances et des oppositions très fortes. Mais il faut une telle taille, et d’un seul tenant, pour que la vie sauvage puisse vraiment se développer, se maintenir puis se répandre.

En Europe, il ne reste plus que quelques minuscules fragments de la forêt primaire qui a jadis recouvert le continent. Il faut réparer les dégâts que nous avons fait. Ou plutôt, il faut surtout laisser la nature le faire et la protéger de toutes les interférences des humains! Et cela ne sera pas une mince affaire.

Permettre à une forêt primaire de renaître est une oeuvre de longue haleine. Peut-être un demi-millénaire, voire plus encore. C’est à l’extrême inverse de la frénésie des ruches humaines. Comment créer une organisation qui puisse agir à un aussi long terme, en évitant les dérives de toutes les organisations humaines, qui puisse s’adapter à l’évolution des sociétés dans une telle durée et qui réussissent en plus à échapper aux griffes des narcissiques, sociopathes et autre pervers qui ont une diabolique capacité à acquérir et à conserver le pouvoir dans nos sociétés? Je n’en n’ai aucune idée.

Mais c’est mon rêve. Il m’est précieux. J’ai l’audace de croire qu’il est précieux pour bien plus large que moi. Alors je le pose ici, comme une lettre ouverte à l’Univers tout entier. On verra bien ce qui en sortira.

Pour tous les êtres sur qui il m’est donné de veiller, à quelque titre que ce soit.

 

Bienvenue sur le blog « Dans le labyrinthe de la vie »

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Bienvenue dans ce petit blog qui pourra je l’espère, parler à certain-e-s d’entre vous.

Nous sommes de plus en plus nombreux-ses à chercher notre chemin dans un parcours de vie qui est rocailleux, pas toujours serein et dans lequel nous peinons à trouver une issue satisfaisante. Nous sommes aussi de plus en plus nombreux-ses à souffrir d’une société que nous percevons comme devenue folle tant elle va vite, tant le monde professionnel nous semble inhumain et irrespectueux des personnes. Nous sommes aussi de plus en plus nombreux-ses à ressentir que cette société court à sa perte, tant elle s’enfonce dans le « toujours plus », « toujours plus vite », « toujours à plus court terme », sans prendre en compte les conséquences humaines, sociétaires et environnementales de ses actions.  Et cela nous est insupportable.

Il existe de nombreux sites sur l’écologie, l’aménagement durable de la société, la permaculture, des modes de vie moins consommateurs, la souffrance au travail qui devient insupportable pour un nombre croissant de personnes, la défense des droits humains des personnes LGBT (*), la défense des droits des femmes, celle des personnes intersexuées, les expériences spirituelles et les questions existentielles des personnes d’aujourd’hui, etc. Nombre de ces blogs sont tenus par des personnes fort bien informées et intentionnées et leur rayonnement est mérité.

A mes yeux, ces différentes luttes, menées par des personnes très différentes au parcours de vie et aux croyances souvent très différentes, sont des facettes multiples de l’évolution indispensable des sociétés humaines, qui nous permette d’aboutir à une relation plus respectueuse de la nature (qui nous entoure et dont nous faisons partie), à une société plus humaine et plus respectueuse de chaque personne et aussi à un nouveau «vivre ensemble» qui équilibre les désirs individuels et le soin du groupe, les besoins immédiats et les besoins à long terme de l’humanité et de la nature.

De nombreuses personnes s’engagent dans l’action politique, associative, institutionnelle pour changer nos sociétés et cela est essentiel.

Pour ma part, il me semble que la conversion des coeurs est encore plus essentielle et qu’elle est un préalable indispensable à rendre cette action utile. Une personne qui, par exemple, se sent en lien avec une forêt proche de son domicile ou de son lieu de travail, qui se sent partie de cette dernière et en échange avec elle pourra avoir une relation et des actes touts autres qu’une personne qui la voit juste comme une chose désincarnée, sans aucun lien affectif et relationnel avec elle.

Par ce petit blog, j’essaie d’exprimer ce que je perçois de la dimension existentielle voire spirituelle de ces questions, dimension qui me tient particulièrement à coeur. Je le fais pour moi-même et aussi dans l’espoir que cela puisse parler à d’autres, les stimuler dans leur propre parcours de vie, les aider à trouver leurs propres réponses et à tracer leur propre chemin dans ce monde.

(*) Lesbiennes, Gaies, Bisexuelles et trans