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On a toujours besoin d’un beaucoup plus petit que soi

Les ouvrages de vulgarisation ou de synthèse qui traitent des êtres vivants sont nombreux. Mais tous les domaines n’y figurent pas à parts égales. Les ouvrages sont d’autant plus abondants qu’ils traitent d’êtres qui nous sont proches.

La littérature concernant les mammifères et les oiseaux abonde. Celle qui concerne les autres animaux est déjà plus réduite. L’essentiel de la littérature concernant les plantes est constituée de guides d’identification. Peu d’ouvrages traitent de leur biologie. Ceux qui le font vont traiter essentiellement des plantes à fleurs [1]. Trouver des ouvrages qui abordent la biologie des mousses et des hépatiques relève du parcours du combattant. Les ouvrages qui traitent de l’évolution des plantes sont encore plus rares et il faut prendre pas mal de temps pour arriver à en trouver [2]. Le domaine le plus mal couvert est celui des organismes unicellulaires (bactéries, protozoaires, algues unicellulaires, etc.).  On peut encore trouver des ouvrages universitaires qui décrivent leurs mécanismes, mais les synthèses qui traitent de leur évolution, de leur place dans le vivant sont très difficiles à trouver, même en langue anglaise.

 

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Marc-André Selosse; Jamais seul; Actes Sud, 2017

En 2017, Marc-André Selosse, professeur de responsable de l’équipe « Interactions et évolution végétale et fongique » au sein du Muséum national d’histoire naturelle à Paris (et également actif dans un certain nombre d’autres université, cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Marc-André_Selosse ) a publié « Jamais seul » aux éditions Actes Sud [3].

Dans cet ouvrage, il nous parle des relations entre les êtres unicellulaires au sens large (il y inclut les champignons et les levures) avec le reste du vivant (végétaux, animaux en général, êtres humains en particulier). Il termine par les écosystèmes, le climat ainsi que nos propres pratiques culturelles et alimentaires. Il y montre combien nous vivons tous dans des symbioses avec des derniers, sans lesquelles, la plupart du temps, nous ne pourrions pas vivre (ou alors avec d’extrêmes difficultés). Il montre combien ces symbioses sont profondes, nous changent et combien elles ont aussi changé les êtres avec qui nous sommes en symbiose. Dans une postface, le célèbre botaniste Francis Hallé liste tout ce que lui-même y a appris et la liste est impressionnante !

Parmi une foule de choses, citons, par exemple :

  • Les plantes multicellulaires (descendantes d’algues vertes lacustres) n’ont pu conquérir l’air libre et les continents qu’après avoir conclu une association avec des champignons.
  • Dans une forêt un arbre est associé avec des centaines de champignons différents, qui peuvent eux-mêmes être associés avec de très nombreux arbres. C’est cela qui donne « l’internet des forêts » cher à Peter Wohlleben.
  • Les champignons et les bactéries qui sont en fusion avec un arbre ont une action à distance sur la capacité de ses feuilles à résister à toutes sortes d’agressions
  • L’élagage des branches mortes des arbres est dû à certains champignons
  • La dégradation des sols vient de ce que la fertilisation artificielle fait disparaître les champignons, levures et bactéries qui sont en symbiose avec les plantes. De ce fait, ces dernières ne trouvent plus naturellement ce dont elles ont besoin est c’est la fuite en avant !
  • L’hyper diversité des forêts tropicales est due au fait que l’arrivée d’un arbre d’une espèce favorise fortement ses pathogènes dans le sol, ce qui fait que, à proximité, les arbres des autres ont notablement plus de chances de pouvoir s’implanter.
  • Peut-être plus connu : si une vache mange beaucoup d’herbe, elle est en fait totalement incapable de s’en nourrir. Ce dont elle se nourrit, c’est des bactéries qui digèrent une partie des substances contenues dans ces dernières.
  • Ensiler du foin dans des balles en plastique induit une prédigestion par des bactéries qui facilite le travail du microbiote des vaches qui vont ensuite s’en nourrir.
  • Aucun animal herbivore n’est à 100% végétalien. Même une vache mangera le placenta de son petit après avoir mis bas. Les cervidés ne dédaignent pas compléter leur ordinaire avec un oisillon qui leur est accessible. Les très rares exceptions sont des « plantanimaux » de petite taille comme certaines hydres lacustres, qui vivent en fusion avec des algues et dont l’appareil digestif dégénère.
  • Le microbiote digestif avec lequel les animaux vivent en symbiose a un impact sur notre humeur et nos réactions, et cela peut se démontrer expérimentalement.
  • Un nouveau-né humain met à peu près trois ans à avoir un microbiote stable et efficace. Autrement dit, cela nous prend plus de temps que la marche.
  • Notre propre microbiote digestif, sans lequel nous aurions toutes les peines du monde à vivre est celui d’un omnivore. En tant que tel, il est significativement moins riche que celui des herbivores et aussi significativement plus riche que celui des purs carnivores. Nous partageons cette caractéristique avec les chimpanzés et les bonobos.
  • Certaines maladies, dont le diabète et le surpoids, sont associées à un microbiote particulièrement appauvri. Dans le cas du surpoids, ce dernier a également pour effet de changer les signaux envoyés au cerveau. La sensation de satiété est estompée ou disparaît, et est remplacée par un signal qui induit une faim permanente, ainsi qu’une attirance vers des nourritures qui tendent à entretenir le surpoids et à favoriser le microbiote qui s’est installé.
  • Lors du passage de la chasse cueillette aux premières formes d’agriculture, les humains ont perdu plus de 15 centimètres de hauteur et ont vu leurs problèmes de santé exploser.
  • À l’état sauvage, la plupart des plantes dont nous nous nourrissons aujourd’hui comportent des toxines très puissantes qui les rendent difficilement mangeables et qui expliquent les problèmes de santé dont ont souffert nos ancêtres.
  • Il a fallu des millénaires pour sélectionner à partir de ces variétés sauvages de nouvelles variétés qui ne comportent plus ou presque les toxines qui les rendaient si dangereuses auparavant. Nos ancêtres ont réussi ce tour de force sans rien connaître à la microbiologie, par une approche purement empirique.
  • Le problème de la conservation tout au long de l’année des produits de l’agriculture était tout aussi vital. La fermentation a joué un rôle particulièrement important dans ce domaine. Là encore, il a fallu des millénaires pour arriver à notre niveau actuel de maitrise, et l’essentiel de ce travail s’est fait sans que nos ancêtres connaissent quoi que ce soit à la microbiologie. Empiriquement, ils ont sélectionné des souches de germes et de levures qui ont évolué avec nous et, en retour, nous avons évolué avec elles.
    • Par exemple, la fabrication de fromages était une manière de réduire drastiquement la proportion de lactose dans le lait et de le rendre digeste pour nos ancêtres (qui ne pouvaient pas le métaboliser).
    • La production de bière ou de vin était une des manières de s’assurer d’avoir à portée de main une boisson sans danger, avant que l’on comprenne que faire bouillir de l’eau avait le même effet.
    • La fabrication de pain au levain assurait de pouvoir conserver et consommer le blé pendant une certaine période tout en évitant que d’autres germes beaucoup moins sympathiques ne s’y installent.
  • L’alimentation humaine a des points communs avec celle des fourmis Atta et celle de termites qui cultivent d’énormes souches de champignons dont elles se nourrissent collectivement. Nous faisons de même avec tous nos produits fermentés. Dans les trois cas, cela revient à sortir de soi une partie du microbiote utilisé pour la digestion et à l’utiliser collectivement.

Et il y en a encore de nombreuses autres choses passionnantes, dans cet ouvrage. Par exemple l’influence de certains cycles impliquant les unicellulaires sur le climat et l’apparition de périodes glaciaires.

C’est peut-être aussi parce qu’il traite d’un sujet très rarement abordé, mais lire cet ouvrage a pour moi été une source constante d’étonnement et d’émerveillement. J’ai un peu mieux mesuré à quel point les êtres vivants multicellulaires, nous y compris, sommes si profondément en symbiose avec les bactéries, champignons et levures que nous accueillons que nous aurions toutes les peines du monde à vivre sans ces derniers.

Ceci dit, cet ouvrage met également en lumière des enjeux beaucoup plus concrets qui ont un impact direct sur notre vie d’aujourd’hui :

  • L’agriculture industrielle a des effets catastrophiques sur les sols et nous avons tout intérêt à y mettre le holà dans les meilleurs délais, sans quoi nos sols ne pourront plus rien produire.
  • Nous sommes devenus extrêmement dépendants de variétés de plantes que nous avons adaptées à notre biologie. Si, pour quelque raison que ce soit, la culture de ces variétés ne fonctionnait plus, l’humanité serait face à un problème majeur.
  • L’ultra-hygiénisme dans lequel nous vivons actuellement a des conséquences très négatives sur notre système immunitaire et sur le microbiote avec lequel nous vivons. Nous devons rétablir une forme de « saleté propre » qui rétablit l’équilibre dont nous avons besoin pour vivre en bonne santé.
  • Il est nécessaire de prendre en compte l’influence de notre microbiote dans un certain nombre de problèmes de santé, point qui est souvent oublié par des professionnels.
  • L’être humain n’est pas un « herbivore dévoyé », contrairement à ce que prétendent certains. Nous sommes biologiquement des omnivores et notre corps a besoin d’une petite proportion de substances qui, dans la nature, sont d’origine animale. Le régime crétois fonctionne très bien. Un régime végétarien bien étudié peut aussi bien fonctionner. Mais un régime végétalien implique nécessairement le recours à des compléments. À ce titre, il ne peut pas se pratiquer simplement en changeant de livres de recettes et en imaginant que tout va bien se passer. Il impose d’étudier en profondeur la nutrition et de comprendre comment il faut compléter un tel régime. Le recours à un médecin nutritionniste spécialisé est plus que recommandé.

La lecture de cet ouvrage m’a appris d’innombrables choses et m’a ouvert les yeux sur de nombreux « mécanismes » fascinants des écosystèmes et des êtres vivants, nous y compris. Je ne peux que vous la recommander vivement.

 

[1] Un bon exemple est : S. Meyer, C. Reeb, R. Bosdeveix, Botanique, biologie et physiologie végétale ; Maloine ; 2013

[2] Voir, par exemple :

Jospeh E. Armstrong ; How the earth turned green – A brief 3.8 billion-year history of plants ; University of Chicago Press ; 2014

J. Willis, J. C. McElwain ; The evolution of plants (second edition) ; Oxford University Press ; 2014

[3] Marc-André Selosse ; Jamais seul : ces microbes qui construisent les plantes, les animaux et les civilisations ; Actes Sud ; 2017

 

 

Sommes-nous assez doués ?

Au début de l’année 2016, l’éthologue Frans de Waal publiait « Are We Smart Enough to Know How Smart Animals Are? » [1]. Pour une fois, la traduction française n’a pas tardé [2]. Dans ce texte, Frans de Waal fait un point de situation de la « cognition évolutive », i.e. de l’étude scientifique des capacités cognitives des différents animaux (humains inclus), en partant de la situation à la fin du 19e siècle à la situation actuelle.

 

Photo de couverture de l'ouvrage de Frans de Waal
Frans de Waal; Are we smart enough to know how smart animals are?;

Après avoir introduit son sujet, il traite du tabou qui a bloqué ce domaine durant de nombreuses décennies depuis le début du 20e, tabou incarné par l’école de psychologie comportementaliste (behavioriste) pour laquelle il était impensable d’imaginer qu’un animal puisse désirer quelque chose, avoir des plans, des émotions, etc. Pendant de nombreuses années, toute personne qui tentait d’aborder même scientifiquement ce sujet a été mise au pilori de la société scientifique mondiale. La situation n’a commencé à changer qu’au début des années 70, grâce aux travaux des pionniers du domaine, qui ont démontré que les choses n’étaient pas si simples et que l’approche comportementaliste pure était bardée de contradictions et d’incohérences. En fait, elle était une idéologie déguisée sous des oripeaux scientifiques, son seul but étant de préserver la singularité et la séparation des êtres humains par rapport aux autres animaux. Il décrit la lutte des éthologues contre ce courant et la manière dont ils ont progressivement accumulé des preuves issues tant de l’observation de terrain que d’expérimentation contrôlées qui démontraient que de très nombreux animaux ont de solides capacités cognitives, que ces dernières sont accessibles, étudiables et démontrables, pour autant qu’on se donne la peine de construire des expériences qui font du sens dans le contexte de ces animaux.

Dans les chapitres qui suivent, il traite de l’apprentissage, du langage, de la mémoire, de l’empathie, de la capacité de coordination entre individus (pour obtenir des choses qu’ils ne peuvent obtenir seuls), du sens de la justice, du sens politique et des luttes de pouvoir, des liens sociaux qui ne se réduisent pas à ces luttes de pouvoir, de la capacité de se projeter dans le passé et dans l’avenir, dans l’esprit de l’autre, de la fabrication et de la conservation des outils, de la conscience de soi et des autres, du conformisme aux normes du groupe, de la capacité de reconnaître les autres individuellement, et de plein d’autres sujets annexes. Il traite de ces différents thèmes en sortant du cadre des seuls grands primates (humains, chimpanzés, bonobos) pour parcourir l’ensemble de ce que nous avons appris de bien d’autres animaux (perroquets, loups, chiens, éléphants, dauphins, corvidés, poulpes, etc.). Il le fait en montrant l’évolution qui s’est produite sur ces différents thèmes depuis la fin du 19e, jusqu’à aujourd’hui, en passant par la « sombre époque » du behaviorisme, tout en montrant ce qui a permis de débloquer les choses. Il rend hommage aux pionniers du domaine et à tous ces collègues avec qui il a contribué à faire fondamentalement avancer notre connaissance de la cognition évolutive chez les animaux, humains compris.

Les conclusions sont que dans de nombreux domaines, certains animaux sont plus doués que nous, pour autant qu’on prenne la peine de faire des tests sensés pour eux et qui permettent réellement de comparer humains et les autres animaux. Par exemple, une expérience est complètement biaisée quand elle étudie la reconnaissance des visages chez les humains et les grands primates, si on demande à ces derniers de reconnaître des visages d’humains plutôt que ceux de leurs congénères, si on teste des enfants gentiment posés sur les genoux de leurs parents, en expliquant tout aux uns et aux autres (et en ayant une attitude chaleureuse envers ces derniers), alors que les chimpanzés sont enfermés dans des cages, dans un environnement stérile, et qu’ils ont face à eux des masques froids et distants. Dans les domaines où nos capacités sont meilleures, pensons au langage, la différence est une différence de degré pas de nature. Par ailleurs, nombre de ces capacités sont préverbales et peuvent apparaître chez des animaux qui n’ont pas de langage, comme les poulpes. Il y a de nombreuses autres conclusions tout aussi fascinantes dans cet ouvrage.

L’état de l’art de la cognition évolutive aujourd’hui est tel qu’aucun scientifique ne peut plus tenir de manière crédible la position des behavioristes d’antan. Les chercheurs d’aujourd’hui se divisent en « sceptiques » et en « défenseurs » de la cognition animale, Frans de Waal reconnaissant clairement qu’il se situe dans ce dernier groupe. Il ajoute également que les sceptiques les aident à progresser en posant des questions qui les défient et les poussent à aller toujours plus loin.

Là où la situation est problématique, c’est que si les scientifiques ont fait des progrès immenses depuis les années 70 et ne peuvent plus tenir de manière crédible la position qui affirme un abîme entre les humains et les autres animaux, nombre de personnes qui font partie des « humanités » (philosophes, journalistes, etc.) sont restées sourdes à cette évolution. Frans de Waal cite par exemple le cas d’un débat, où il a été confronté à un philosophe qui affirmait qu’aucun chimpanzé n’allait jamais risquer sa vie pour en sauver un autre qui serait tombé à l’eau. A cette occasion, Frans de Waal avait dû à plusieurs reprises affirmer que, au contraire de que prétendait le philosophe en question, les scientifiques ont été témoin de nombreux cas où cela s’est produit, certains ont été filmés, et où le sauveteur a parfois perdu sa vie pour en sauver une autre, les chimpanzés ne sachant pas nager et en ayant parfaitement conscience. En plus d’être très rigides dans leurs croyances, ces sceptiques d’un autre âge ont ceci de particulier qu’ils se permettent de prononcer des affirmations très hasardeuses au sujet d’animaux dont ils ne connaissent strictement rien, comme si leur statut leur permettait d’affirmer tout et n’importe quoi sans conséquence.

En fait, leur but est de maintenir coûte que coûte cet abîme entre nous et les autres animaux, comme si le monde allait s’écrouler le jour où nous admettons enfin que tel n’est pas le cas. Ce qui changera clairement quand nous cesserons, collectivement, de nous poser en roitelets et que nous admettrons que nous ne sommes pas séparés des autres êtres vivants, c’est que nous ne pourrons plus agir en disposant de ces derniers comme des choses que nous sommes libres de traiter à notre guise et selon notre bon plaisir.  Très clairement, l’enjeu est immense. Mais ce qui me frappe, c’est que, dans le portrait que dessine Frans de Waal, ceux qui refusent le plus ce changement ne sont plus les scientifiques spécialistes du comportement animal, mais tout une arrière-garde « d’humanistes » bloqués dans une vision devenue intenable de l’être humain et que ces derniers continuent à diffuser jour après jour leurs préjugés via les médias, l’éducation, la scène politique, etc. Combien de temps est-ce que ce front du refus va pouvoir continuer à faire barrage ?

En d’autres termes, si nous sommes finalement assez doués pour comprendre au moins un bout de ce dont sont capables les autres animaux, combien de temps allons-nous laisser nos préjugés nous aveugler?

 

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Frans de Waal; sommes-nous trop bêtes pour comprendre l’intelligence des animaux?

[1] Frans de Waal, Are We Smart Enough to Know How Smart Animals Are?, WW Norton & Co; 2016

[2] Frans de Waal, « Sommes-nous trop bêtes pour comprendre l’intelligence des animaux ? », LES LIENS QUI LIBERENT; octobre 2016

Comment se fait-il que notre planète soit si verte?

 

How the earth turned green - a brief 3.8 billion-year history of plants- Joseph E. Armstrong, The University of Chicago Press, 2014
How the earth turned green – a brief 3.8 billion-year history of plants- Joseph E. Armstrong, The University of Chicago Press, 2014

Car elle aurait pu être brun-vert, ou rouge, si d’autres algues que les algues vertes avaient conquis les mers puis les terres.

C’est une histoire fascinante que nous raconte l’auteur de cet ouvrage, celle des végétaux, des plus anciens, depuis les bactéries, jusqu’aux plus récents. Et cette histoire est très rarement racontée. La plupart des ouvrages qui traitent de l’histoire de la vie (*) traitent essentiellement de la vie des animaux. Les végétaux sont, au mieux, un décor. Les ouvrages qui incluent ou qui traitent de l’histoire des plantes et de leur évolution sont beaucoup plus rares. Cet ouvrage est l’un d’entre eux.

Et les obstacles qu’ont franchis les végétaux tout au cours de leur évolution sont largement aussi importants que ceux franchis par les animaux. Qui plus est, l’auteur commence cette histoire par la partie la moins racontée (tout au moins dans les ouvrages accessibles au grand public), à savoir celles des bactéries.

Comment et quand est-ce que la vie est apparue? Quels étaient les premiers mécanismes de la vie? Quelles sont les traces les plus anciennes que nous avons d’êtres vivants?  Quand est-ce que les bactéries eurent tellement pollué la planète (déjà à l’époque, mais le GIEC n’existait pas encore!) par leurs rejets d’oxygène qu’elles ont dû passer à une vie basée sur la respiration de ce gaz qui était un déchet? Comment se sont-elles débrouillées? Qu’est-ce qui a induit l’arrivée de cellules beaucoup plus grosses avec un noyau et des organites? Là encore, comment est-ce que cela s’est passé? Qu’est-ce qui a poussé certaines de ces cellules à grandir au point d’être visibles à l’oeil nu et d’autres à constituer les premières créatures multicellulaires? Quel a été le défi de la conquête des milieux côtiers? En quoi est-ce que des algues sont nettement mieux adaptées à ce milieu que des unicellulaires ou des colonies libres d’un petit nombre de cellules? Que sait-on de l’arrivée des végétaux sur terre ferme? Comment est-ce que cela s’est passé? Quelles sont les adaptations aux milieux côtiers en eaux douces qui ont aidé l’arrivée des premiers végétaux sur terre? Il y a encore bien d’autres épisodes fascinants dans cette histoire!

Dans tout ce parcours, la nature a sans cesse fait preuve de ses « bricolages géniaux ». Par exemple, la respiration aérobie (avec oxygène) est dérivée de la respiration anaérobie (sans oxygène) avec juste une étape de plus. Autre exemple, le renversement de chaînes métaboliques existantes a été essentiel pour l’apparition de la photosynthèse. Troisième exemple, comment s’est développé le cycle reproductif des végétaux terrestres (qui constitue un cycle entre une génération « haploïde » (i.e. dont les chromosomes ne sont pas dédoublés) et une génération « diploïde » (dont les chromosomes sont dédoublés)) a pu se développer à partir du cycle de reproduction des algues d’eau douce dont ils sont issus. Une fois encore, les exemples abondent.

Pour la petite et la grande histoire, les pigments verts des végétaux terrestres sont hérités des algues vertes qui ont conquis les littoraux. Ils sont optimaux sous quelques mètres d’eau quand une partie des composantes de la lumière sont déjà filtrées. Mais si les végétaux terrestres avaient développé leurs propres pigments photosynthétiques (au lieu d’hériter de ceux des algues vertes), ils auraient de fortes chances d’être noirs, pour bénéficier de toutes les composantes de la lumière qui arrivent jusqu’au sol. Est-ce que nous verrions cela comme tout aussi beau, je ne sais le dire.

L’auteur prend aussi grand soin d’expliquer « comment on sait ce qu’on sait ». Nous n’avons pas des traces fossiles de toutes ces étapes de la vie donc nous devons compléter ces derniers par d’autres outils. Aujourd’hui, l’analyse des codes génétiques des êtres vivants nous aide considérablement à définir les parentés. Mais cet outil n’est pas suffisant lui non plus. C’est là qu’entre en jeu une autre méthode éprouvée de la science: bâtir une hypothèse, examiner quelles sont ces conséquences et voir si ce qu’on observe correspond à ce qui devrait se passer si cette hypothèse était vérifiée. Dans le lot, d’innombrables hypothèses sombrent corps et bien. Mais elles ont pu être utiles à un moment donné pour en formuler d’autres qui tiennent mieux la route. Avec le temps, d’hypothèse en hypothèse, de vérification en vérification, ne subsistent que celles qui tiennent vraiment la route et qu’on finit par admettre comme étant établies. Mais si la plupart des ouvrages présentent ces derniers comme des faits, ils omettent de présenter ce qui a amené parfois plusieurs générations de scientifiques à cette conclusion. Quand on ne connaît pas cette part-là de l’histoire, le tout peut avoir une apparence un peu dogmatique. L’auteur s’efforce d’éviter cet écueil et c’est tout à son honneur.

En plus de tous ces niveaux de lecture, cet ouvrage en a un de plus, à mes yeux, à savoir celui de la contemplation et de l’émerveillement. Je suis profondément admirative de la richesse et de l’inventivité des mécanismes de la vie, y compris dans leur aspect de « bricolage » à partir de briques existantes. Cela me rend admirative de ce que sont les plantes et m’incite à poser sur elles un regard qui perçoit toute autre chose qu’un élément de décor dont on peut disposer comme d’une chose. En lieu et place, je perçois des êtres vivants extrêmement sophistiqués et dignes de mon plus grand respect. Cela m’attache à elles et m’incite à en prendre soin et à les protéger. C’est vrai que certaines plantes sont extrêmement précieuses pour nous, soit qu’elles nous nourrissent, qu’elles nous soignent, qu’elles nous émerveillent et nous accompagnent dans nos maisons et nos jardins ou encore qu’elles stimulent notre dimension spirituelle. Mais elles existent aussi pour et par elles-mêmes et cela aussi c’est important. Les accueillir pour cela aussi contribue à nous faire grandir intérieurement.

Présentation de l’ouvrage sur le site de l’éditeur: http://www.press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/H/bo16465693.html

Page web de l’auteur: http://biology.illinoisstate.edu/jearmst/armstr.htm

Publications scientifiques de l’auteur: https://scholar.google.com/citations?user=0vBTIB4AAAAJ&hl=en

(*) En voici un excellent exemple:

Le Livre de la vie,

Stephen Jay Gould, Peter Andrews et al.

Seuil, 1993

Consommation de viande, santé, réchauffement climatique, préservation de l’environnement et malnutrition : une entreprise de déni à l’échelle planétaire

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La nef des fous, fragments d’un triptyque de Hieronymus Bosch, huile sur panneau de chêne,vers 1494-1510, musée du Louvre, source: wikimedia commons

 

Le 26 octobre 2015, l’OMS émettait une déclaration d’agence de presse dans laquelle elle annonçait  « un Groupe de travail de 22 experts venus de 10 pays différents, réuni par le Programme des Monographies du CIRC, a classé la consommation de la viande rouge comme probablement cancérogène pour l’homme (Groupe 2A), sur la base d’indications limitées selon lesquelles la consommation de viande rouge induit le cancer chez l’homme, soutenues par de fortes indications d’ordre mécanistique militant en faveur d’un effet cancérogène » ([1]). Cette annonce était complétée d’annonces complémentaires ([2], [3], [4]).

Elle ne fait que confirmer et officialiser ce que nombre d’acteurs disent depuis de nombreuses années, à savoir que la consommation excessive de viande et de produits carnés peut induire des problèmes de santé chez certaines personnes. Mais s’il était possible de rester sourd à ces informations, en refusant de prendre en compte la légitimité des arguments de leurs auteurs, le fait que l’OMS confirme ces affirmations avec tout le poids de son autorité rend ce déni beaucoup plus difficile.

Et la réaction ne s’est pas faite attendre. Une opération médiatique de déni et de mise sous le tapis de cette information a été promptement organisée, avec le concours de toute la presse. C’est ainsi qu’on a rapidement vu apparaître des articles dans lesquels les journaux se sont dépêchés d’insister sur le fait qu’on ne savait pas bien comment cela marchait. Ils ont pris grand soin de rappeler que les professionnels de la vente de viande n’étaient pas contents, comme si ces derniers avaient une quelconque compétence en matière de santé et comme s’ils n’avaient aucun intérêt à la promotion de leurs propres produits (voir, par exemple : [5]). Dans la même opération de lessivage, un journal interroge un sociologue et prend grand soin de rapporter que, selon lui, « Cet événement est totalement disproportionné par rapport à la valeur intrinsèque des résultats » ([6]). Là encore, là légitimité de cette personne à mettre en cause ces résultats et les éléments sur lesquels il se base n’est en aucune manière interrogée. Il faut rassurer à tout prix et dire aux personnes « vous pouvez, et même devez continuer à manger de la viande comme avant !« .

Se doutant peut-être que la personne interviewée n’avait pas l’autorité suffisante, ce même journal remet la compresse une fois de plus le lendemain ([7]). Cette fois-ci il convoque le ban et l’arrière ban de la société locale pour marteler le message. Ce faisant, il ne peut éviter de d’admettre que même s’il est faible (ce que dit d’ailleurs l’OMS), le risque de santé induit par la consommation excessive de viande existe. Il ne peut pas non plus éviter de dire que « La consommation de viande a explosé à la fin de la Seconde Guerre mondiale. La production est alors industrialisée pour nourrir la population. Les produits carnés deviennent un incontournable des repas« .  En d’autres termes, la surconsommation de viande à laquelle nous assistons est un produit de l’industrialisation de la production de viande, pas d’une réflexion sur les besoins réels de l’être humain.

Ce faisant, ces mêmes journaux n’ont pas accordé la moindre ligne aux personnes qui parlent des enjeux de la consommation excessive de viande pour la santé, et souvent depuis des années! L’OMS confirme ce qu’ils disent, mais il ne faudrait quand même pas leur donner le droit à la parole…

La réaction à la publication de l’OMS illustre combien la consommation de viande est encore érigée au rang de pratique sacrée dans nos sociétés et combien toute remise en cause de cette dernière, visiblement même pour des raisons de santé, tient du sacrilège (Voir par exemple [8]). En d’autres termes, une industrie a profité des séquelles qu’a laissé des millénaires de malnutrition et de pauvreté dans nos mémoires pour se développer démesurément, pour engranger énormément de bénéfices et pour acquérir une influence totalement démesurée sur la société. Elle y a réussi en faisant croire que c’est son existence (et la consommation intensive de ses produits) qui nous protège d’un passé terriblement douloureux. Toute personne qui conteste cet ordre établi peut alors être facilement mise au pilori.

Ça n’est pas que cette réaction soit unanime. Les dissidences existent (voir par exemple [9]). Mais elles restent minoritaires, et la légitimité de choix différents en matière d’alimentation est sans cesse remise en cause par les adeptes de l’alimentation carnée à tout prix.

Aujourd’hui l’industrie de la consommation forcenée de produit carnés s’est développée au point de menacer notre santé et aussi de menacer notre planète ([10], [11]). A lui seul, le secteur de l’élevage contribue à hauteur de 14.5% des émissions de gaz à effets de serre produits par les êtres humains. A ceci, il faut ajouter les conséquences de la production et de la transformation des aliments destinés au bétail et les conséquences des déchets produits par les animaux (voir aussi [12], [13], [14] & [15]). Tout aussi grave, la surconsommation effrénée de viande a un impact très significatif sur la faim dans le monde ([16]) et sur la préservation des espaces sauvages et la déforestation (cf. références précédentes).

Alors même que nous produisons assez pour nourrir la planète toute entière, une proportion démesurée des surfaces arables et des cultures sont utilisées pour l’élevage, ce qui est très inefficace et qui prive les humains d’une nourriture utilisable directement. Et pour disposer de suffisamment de terres arables, on détruit à marche forcée les derniers espaces sauvages dont la préservation est pourtant absolument vitale, alors que tout cela est évitable.

Une des conséquences du changement climatique est qu’il n’est plus possible de refuser tout changement de notre alimentation sans que cela ne contribue à des conséquences catastrophiques qui vont durer des décennies, voire plus. Il n’est plus possible de refuser de changer tant que l’autre ne l’a pas fait le premier ou de se mettre la tête sous le sable. Quels que soient les commandements dont nous avons hérité au fil des générations, nous devons réviser notre alimentation, ne consommer que ce dont nous avons réellement besoin, et dans des quantités raisonnables. Il n’est plus possible de suivre aveuglément le mouvement, les commandements de sociétés qui ont disparu il y a plusieurs millénaires, ni les commandements d’une industrie qui ne vise que ses propres bénéfices à court terme et qui est dénuée de toute éthique.

Références:

[1] Le Centre international de Recherche sur le Cancer évalue la consommation de la viande rouge et des produits carnés transformés – http://www.who.int/mediacentre/news/releases/2015/cancer-red-meat/fr/

[2] Cancérogénicité de la consommation de viande rouge et de viande transformée: http://www.who.int/features/qa/cancer-red-meat/fr/

[3] Déclaration de l’OMS sur le lien entre la viande transformée et le cancer colorectal: http://www.who.int/mediacentre/news/statements/2015/processed-meat-cancer/fr/

[4] Cancérogénicité de la consommation de viande rouge et de viande transformée: http://www.who.int/features/qa/cancer-red-meat/fr/

[5] Viandes «cancérogènes»: les professionnels ripostent: http://www.24heures.ch/economie/viandes-cancerogenes-professionnels-ripostent/story/14016300

[6] Viande cancérogène: un «buzz toxique»: http://www.24heures.ch/monde/viande-cancerogene-buzz-toxique-certains/story/23831672

[7] «Non, il ne faut pas arrêter de manger de la viande»: http://www.24heures.ch/suisse/faut-arreter-manger-viande/story/24701029

[8] Le végétarisme pour les non-végétariens: https://labyrinthedelavie.net/2015/07/13/le-vegetarisme-pour-les-non-vegetariens/

[9] Adieu steak et saucisse: https://www.bluewin.ch/fr/conso/blog-durabilite/2015/15-11/adieu-steak-et-saucisse-.html

[10] Lutter contre le changement climatique *grâce* à l’élevage – Une évaluation des émissions et des  opportunités d’atténuation au niveau mondial: http://www.fao.org/3/a-i3437f/index.html

[11] Chapitre 3: Bilan global http://www.fao.org/3/a-i3437f/I3437F03.pdf

[12] 4 minutes pour comprendre le vrai poids de la viande sur l’environnement: http://www.lemonde.fr/planete/video/2015/03/20/le-vrai-poids-de-la-viande-sur-l-environnement_4597689_3244.html

[13] Consommation responsable – L’impact de l’élevage sur l’environnement: http://www.extenso.org/article/l-impact-de-l-elevage-sur-l-environnement/

[14] Impact environnemental de la production de viande: https://fr.wikipedia.org/wiki/Impact_environnemental_de_la_production_de_viande

[15] Les conséquences écologiques de la consommation de viande: http://www.vegetarismus.ch/info/foeko.htm

[16] Élevage et sous-alimentation: http://www.viande.info/elevage-viande-sous-alimentation

[17] Pourquoi et comment végétaliser notre alimentation: http://www.viande.info/fichiers/pdf/viande.pdf

 

Découvrir l’altérité des plantes

Françis Hallé, Eloge de la plante : Pour une nouvelle biologie, Seuil, Points sciences, 2014
Françis Hallé, Eloge de la plante : Pour une nouvelle biologie, Seuil, Points sciences, 2014

Ca n’est pas exactement une lecture de vacances, mais c’est pourtant en vacances, sous deux cocotiers et face à au magnifique récif de corail de l’île fihaalhohi des Maldives que j’ai lu ce livre.

Ce livre n’a rien d’un « best seller » léger et facile à lire, qu’on emporte souvent pour les vacances. Sans être un ouvrage académique, c’est clairement un ouvrage de vulgarisation scientifique, et d’un excellent niveau.

Ce livre demande à être digéré. On ne peut pas, en tout cas, je ne peux pas le lire de bout en bout sans m’arrêter. Il faut le lire bout par bout, et prendre le temps d’intégrer avant de pouvoir continuer.

C’est un livre de science. l’auteur décrit les plantes en soulignant, sujet par sujet, les différences qu’il y a entre les plantes et les animaux. Le lire à, pour moi, été fascinant et une très belle découverte. J’ai découvert en quoi les plantes sont si différentes de nous, et tout ce que j’avais appris en biologie en a été bouleversé. Quel plaisir!

C’est aussi un livre pleinement humain. Françis Hallé est une personne qui parle de science mais qui inclut son humanité dans ses écrits. Il parle de ses affects, de la beauté des plantes, du plaisir que les parfums suscitent, de son émerveillement, etc. A mes yeux, c’est l’ouvrage d’un scientifique qui se rapproche de ce que Carl Rogers voulait dire par une « personne fonctionnant pleinement » (*)

En nous faisant découvrir l’altérité et l’originalité des plantes, Françis Hallé fait aussi passer le message que les plantes et les forêts sont également des êtres très précieux qui méritent d’être prises en compte, respectées, protégées et pas juste traitées comme du matériau de base. Et cela est pour moi extrêmement précieux.

Pour finir, que les plantes soient elles aussi dignes de respect a plusieurs implications éthiques. Cela concerne notre utilisation de ces dernières. Il y a des aspects plus ou moins évidents, comme le caractère scandaleux et les impacts catastrophiques du massacre des forêts (et de la réduction de ces dernières à une plantation d’arbres jugés utiles). Plus indirectement, cela concerne aussi notre alimentation. Si les plantes méritent elles aussi le respect, qu’est-ce qu’il est éthique pour nous de manger?
(*) Carl Rogers, On becoming a person, Houghton Miffin, 1961, 1989, 1995
chapter 6: A therapist view of the good life: the fully functionning person

Eloge de la plante, une belle présentation des thèmes de l’ouvrage: https://www.youtube.com/watch?v=CYsf4SDpg6o

De l’altérité et de la magnificence des arbres

LivreFrançois Hallé, Plaidoyer Pour l'arbre
François Hallé, Plaidoyer Pour l’arbre

Quand la vie devient plus légère et fluide, il y a aussi plus de temps pour goûter les bonnes choses de la vie. Ca commence, bien sûr, par les toutes petites, comme un magnifique lever de soleil dans un paysage de montagne, ou des fleurs tardives qui s’ouvrent en fin de saison. Cela inclut aussi le bonheur de goûter la joie de vivre et d’être qui monte du tréfond de nous-même et c’est infiniment précieux. Cela inclut aussi du temps pour l’ouverture, le yin, la réceptivité, l’accueil, la contemplation, l’émerveillement. Cela aussi est infiniment précieux.

Il est parfois des livres dont la lecture correspond à cette qualité d’être au monde. Je fais cette expérience avec deux ouvrages du botaniste Francis Hallé, à savoir « Plaidoyer pour l’arbre »(1) et « Plaidoyer pour la forêt tropicale »(2).

Dans « Like a tree » (3), Jean Shinoda Bolen avait abordé la valeur psychologique et spirituelle des arbres pour nous. En botaniste, Françis Hallé met toute son énergie à nous faire découvrir les arbres dans leur altérité, et s’efforçant de les décrire tels qu’ils sont, et aussi en diffusant et en « vulgarisant » les progrès que nous avons fait dans leur compréhension depuis les dernières années.

LivreFrançois Hallé, Plaidoyer pour la forêt tropicale, Actes Sud
François Hallé, Plaidoyer pour la forêt tropicale, Actes Sud

Francis Hallé est un être humble qui aime profondément les arbres depuis sa plus petite enfance et qui le dit clairement (4). C’est aussi un être passionné qui s’efforce de faire connaître, aimer et respecter les arbres par un maximum de personnes.

L’écriture fine dont il fait preuve résonne en moi à plusieurs niveaux simultanément. Il y a certainement le niveau cognitif. Il décrit les arbres et certaines de leurs caractéristiques exceptionnelles en botaniste. Mais son texte éveille aussi en moi de l’émerveillement et du respect pour ces êtres si différents de nous, si anciens, si complexes et sophistiqués. C’est tout au fond de moi que je me sens touchée et que je vibre. Face à des êtres aussi magnifiques, je sens que la place juste de l’être humain dans ce monde, c’est de se mettre à l’écoute et au service de la nature et non de la mettre en esclavage et en coupe réglée. Alors même qu’il s’agit de l’ouvrage (magnifiquement vulgarisé) d’un scientifique, sa force est de pouvoir toucher à une dimension existentielle et spirituelle en nous. Pour moi, c’est très précieux.

NB : Françis Hallé s’est fait connaître du grand public en participant à un film (5) et à un livre (6) qui ont eu un certain impact.

(1) Francis Hallé, Plaidoyer pour l’arbre, Actes Sud, 2005

(2) Francis Hallé, Plaidoyer pour la forêt tropicale, Actes Sud, 2014

(3) Jean Shinoda Bolen, Like a Tree: How Trees, Women, and Tree People Can Save the Planet, Conari Press, 2011

(4) Voir le début de la conférence filmée de Françis Hallé au sujet de « Plaidoyer pour l’arbre » :

http://www.dailymotion.com/video/x14z488_conference-de-francis-halle-plaidoyer-pour-l-arbre-1-2_news

http://www.dailymotion.com/video/x14z3es_conference-de-francis-halle-plaidoyer-pour-l-arbre-2-2_news

(5) Luc Jacquet, Il était une forêt, Frenetic F, 2014

(6) Françis Hallé, Luc Jaquet, Il était une forêt, Actes Sud, 2013

L’être humain, un grand primate comme les autres

Frans de Waal Chimpanzee Politics
Frans de Waal
Chimpanzee Politics
Frans de Waal, peacemaking among primates
Frans de Waal, peacemaking among primates
Frans de Waal & Frans Lanting, Bonobo, the forgotten ape
Frans de Waal & Frans Lanting, Bonobo, the forgotten ape

Dans le monde occidental, la controverse autour de la place de l’être humain dans la nature et du rôle de cette dernière face à nous est de plus en plus forte. Elle a toujours existé. Mais, au moins depuis l’antiquité grecque, la vision prévalente (au point d’être quasiment hégémonique) était que la nature n’avait d’autre but que de servir les êtres humains et que ces derniers avaient pour mission de la « mettre en valeur », autrement dit de l’asservir à leur propre soif de confort, de biens et de pouvoir. Elle a été soutenue à bouts de bras par les dogmes des monothéismes.

La genèse va jusqu’à proclamer que: « Et Dieu les bénit, et Il leur dit: Croissez et multipliez-vous, remplissez la terre, et assujettissez-la, et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et sur tous les animaux qui se remuent sur la terre » (Gn 1:28). Pour parler d’asservissement, c’est difficile de faire plus explicite.

Un des éléments clefs qui assure cette hégémonie, est l’affirmation selon laquelle l’être humain est un être totalement à part de la nature, qu’il lui est supérieur et que cette supériorité justifie l’asservissement de cette dernière. Elle en fait presque un devoir moral.

Cet argument a aussi été utilisé pour instituer une hiérarchie entre les êtres humains et pour affirmer que les autorités en place dans le monde chrétien étaient légitimes, qu’elles relevaient du droit divin et que les gens « du commun » lui devaient une obéissance absolue.

Ce systèmes est combattu pied à pied, en tout cas en occident, depuis au moins 5 siècles. Il y a eu des progrès. Les personnes qui osent proclamer en public la supériorité de leur race sur une autre sont devenues une petite minorité. Mais elle peut être très agissante lors de la survenue de poussées de racisme en occident, particulièrement en temps de crise, comme maintenant. Les femmes luttent pour leurs droits depuis des siècles et ont obtenu, toujours en occident, des améliorations. Mais l’actualité nous rappelle régulièrement que ces améliorations restent fragiles et qu’il reste de nombreux groupes qui attendent la première occasion pour les contester. La lutte des femmes pour défendre le droit à l’avortement en Espagne, suite à l’arrivée d’un gouvernement conservateur, a été particulièrement vive. D’autres groupes ont encore bien du mal à faire respecter leurs droits les plus élémentaires. La controverse en France sur les mariage pour tous l’a illustré vivement. En Suisse, le PACS a fait l’objet d’un référendum mené par les mêmes milieux. La possibilité pour les couples gays et lesbiens d’adopter l’enfant de leur partenaire (quand celui-ci n’a qu’un parent) va également faire l’objet d’un référendum, toujours lancé par les mêmes milieux.

Mais l’affirmation selon laquelle l’être humain serait un être à part et que cela lui donne tous les droits sur la nature est encore partagée par une très large majorité de la population occidentale. Les problèmes environnementaux, ses conséquences pour tous (y compris pour nous), mettent cette croyance sous une pression de plus en plus forte. Mais elle est encore loin d’avoir craqué.

Entre en scène le primatologue Frans de Waal. Avec d’autres, il s’est mis à étudier avec un regard neuf les grands primates, en particulier les chimpanzés et les bonobos. Il a commencé ses travaux en 1975, en observant la colonie de chimpanzés du zoo d’Anrhem, alors que d’autres les observaient en pleine nature. Leurs observations ont convergé et sont venues comme en écho les unes des autres. Elles dont dressé des grands primates une image fondamentalement plus riche et complexe que celle qui prévalait par le passé. Elles ont mis en évidence que les capacités relationnelles, affectives et sociales des grands primates sont d’une telle richesse et d’une telle complexité que la différence avec nos propres capacités s’estompe.

Frans de Waal a particulièrement mis en lumière les jeux de pouvoir et les comportements politiques des chimpanzés (1), tout comme la grande capacité de réconciliation des primates (2). En fait, les chimpanzés dont les mœurs sont parfois très conflictuelles sont aussi les champions de la réconciliation. Il a aussi décrit la vie et les relations des bonobos (3). Ce faisant et sans le vouloir au début, il a mis en lumière combien nos propres comportements dans ces mêmes domaines ressemblent à ceux des autres grands primates (4) et combien ces derniers sont capables de se projeter dans la peau de l’autre et de faire preuve d’empathie et de sacrifice (5).

Frans de Waal, Our inner ape
Frans de Waal, Our inner ape
Frans de Waal, the age of empathy
Frans de Waal, the age of empathy

Pour moi, le lire est passionnant. Il écrit bien. Le lire est aisé et agréable. Surtout, cela fait sens pour moi et cela me fait chaud au coeur de lire que nos capacités ne sont pas nées de rien en quelques instants (à l’échelle de l’évolution), mais combien nous sommes des grands primates comme les autres, combien nous vivons et nous nous comportons comme eux et, in fine, combien nous ne sommes pas seuls au monde. Tant ma raison que mon coeur sont éclairés.

Ce constat n’est pas sans inconvénient. Les grands primates peuvent se faire la guerre, ils peuvent s’entretuer (entre clans et au sein du clan), ils chassent et mangent d’autres singes, les mœurs au sein des clans sont particulièrement rudes, tout comme les rapports entre sexes.

Mais, au regard de ces observations, on ne peut plus décemment affirmer que l’être humain résulte d’une « création spéciale » (et il est toujours question de cela, même après deux siècles de darwinisme), qui fait qu’il est d’une nature particulière et supérieure aux autres animaux. Surtout, ces observations font plus qu’affirmer le contraire. Elles montrent concrètement comment cela se passe et comment on peut en conclure que les grands primates sont si proches de nous et réciproquement.

Alors même que nombre de ces travaux datent des années 70 et 80, le message passe lentement. La résistance est forte. La lecture des critiques sur ces ouvrages dans les grands sites de vente de livre sur internet montrent combien certaines personnes ne peuvent pas entendre ce constat même quand on le leur met sous le nez, combien elles le nient, se ferment et résistent de toutes leurs forces.

Il reste à espérer qu’un nombre croissant de personnes entendront ce message. Il reste aussi à espérer que leur nombre croitra assez vite pour que nous puissions préserver les singes et les grands primates avant qu’ils aient complètement disparu, et pour que nous puissions enfin remettre sérieusement en cause le dogme du rôle de l’être humain dans la nature avant qu’il ne soit trop tard.

(1) Frans de Waal

Chimpanzee Politics: Power and Sex among Apes

Johns Hopkins University Press; 25th anniversary edition (August 30, 2007)

(2) Frans de Waal

Peacemaking among Primates

Harvard University Press; Reprint edition (September 1, 1990)

(3) Frans de Waal & Frans Lanting

Bonobo: The Forgotten Ape

University of California Press; 1 edition (October 27, 1998)

(4) Frans de Waal

Our Inner Ape: A Leading Primatologist Explains Why We Are Who We Are

Riverhead Books; Reprint edition (August 1, 2006)

(5) Frans de Waal

The Age of Empathy: Nature’s Lessons for a Kinder Society

Broadway Books; 1 edition (September 7, 2010)

Notre relation à la nature, peut-être plus compliquée qu’imaginé

Ficus Benghalensis, un figuier étrangleur, photo de Forest & Kim Starr, Wikimedia Commons http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Starr_010420-0095_Ficus_benghalensis.jpg)
Ficus Benghalensis, un figuier étrangleur, photo de Forest & Kim Starr, Wikimedia Commons http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Starr_010420-0095_Ficus_benghalensis.jpg)

 

Pour moi comme pour de très nombreuses personnes, me ressourcer en pleine nature, en particulier en forêt, est essentiel. Les temps que j’y passe me changent. Le seul fait de sentir l’espace, l’air, la lumière, les arbres et les plantes autour de moi, écouter les oiseaux, être juste là, prendre le temps, fait que je me recentre, que je m’ancre. J’ouvre mes perceptions, je me sens en lien avec la nature qui m’entoure. Cela me donne envie d’y rester plus longtemps, d’y revenir, d’y passer bien plus de temps que ce que je peux faire. Le retour au quotidien, en particulier professionnel, est peu agréable même si je me sens revivifiée. Je ne peux que constater le contraste entre cet espace si précieux et mon quotidien si différent.

Pour autant, j’ai du mal quand j’entends des personnes autour de moi, qui vont presque jusqu’à diviniser la nature, tout en diabolisant les êtres humains. Au fond de moi, cela ne sonne pas juste. Nous venons de la nature, nous en sommes une partie. Comment pouvons-nous être si mauvais en venant d’une nature quasi parfaite, ou inversément?

En fait, les êtres qui nous fascinent le plus sont loin d’être toujours des saints selon nos critères moraux, et de loin s’en faut.

Les chimpanzés qui sont si proches de nous peuvent aussi s’entretuer ou tuer un des leurs (pour des raisons qui souvent nous échappent). Il leur arrive régulièrement de chasser d’autres singes et de s’en prendre tout particulièrement à leurs petits, plus faciles à attraper. Même vu à distance dans un reportage, pour moi c’est particulièrement remuant (1).

Nous savons qu’un lion peut dévorer les petits d’une portée qu’il n’a pas produit, mais après tout, c’est un «grand méchant prédateur» dans notre représentation. En fait, certains des animaux que nous trouvons les plus adorables sont autant des prédateurs que les lions et ils peuvent avoir des pratiques tout aussi terribles. En cas de famine, les loutres de mer mâles n’hésitent pas à kidnapper des petits pour obtenir de la nourriture de leur mère (2). Ils ne rechignent pas non plus à abuser sexuellement de bébés phoques jusqu’à les noyer, et à continuer au-delà de leur mort (3). Les dauphins ont les mêmes pratiques entre eux, ils tuent les petits des femelles pour les pousser à redevenir fécondes. Il leur arrive également de tuer des marsoins sans les manger ni faire quoi que ce soit de leurs cadavres (4). Quant un banc de dauphins arrive, même les requins qui nous font frémir se cachent. Des phoques sont également connus pour abuser sexuellement de manchots (5). Je suis sûre qu’on peut trouver bien d’autres cas encore. En passant, les végétaux aussi ont leurs histoires fratricides. Intéressez-vous, par exemple, aux figuiers étrangleurs.

D’aucuns diront qu’il s’agit des lois de la nature, que nous ne devons pas lui appliquer nos critères moraux et qu’elle vit selon des règles qui lui sont propres. Mais cet argument est problématique pour au moins deux raisons:

Sur le plan des faits, cette affirmation ne tient pas la route. Les éthologues ont montré que les grands primates sont extrêmement proches des êtres humains sur le plan de leurs capacités affectives et relationnelles ((6), (7), (8), (9)). Ils sont parfaitement capables d’empathie, de solidarité, de se mettre délibérément en danger pour sauver l’un des leurs, de tenir compte de de l’autre et de sa réaction probable pour moduler leurs propres actions, etc. Les chimpanzés qui peuvent être extrêmement violents sont aussi très doués en matière de réconciliation. Quant à leurs mœurs politiques, elles ressemblent étrangement aux nôtres! Par ailleurs, un certain nombre d’autres mammifères manifestent clairement de l’empathie au moins dans certaines situations.

Ceci signifie qu’on ne peut pas affirmer que la nature et les humains sont deux univers différents régis par des lois différentes. En fait, nous sommes des grands primates très proches des autres, un très grand nombre de nos réactions et de nos actions ressemblent de si près aux leurs qu’on peut dire que nous sommes infiniment plus animaux que nous voulons l’admettre, tout comme les autres animaux, en particulier les mammifères, sont infiniment plus proches de nous que nous ne voulons l’admettre. En d’autres termes, nature et culture ne sont pas complètement disjointes et cela rend les choses très compliquées.

L’autre point est que, si la nature nous est si précieuse comme lieu de ressourcement et de recentrement, c’est qu’elle a pour nous une connotation morale, voire spirituelle. Les peuples premiers parlent de la Terre Mère et cette dernière est infiniment précieuse. Ils nous voient au service de sa préservation, en contraste avec la vision occidentale qui est une vision d’asservissement de cette dernière. Alors il n’est pas indifférent d’y constater des choses qui ressemblent à nos pires turpitudes. Et comment concilier ces dernières avec la valeur spirituelle que représente pour nous la nature?

Pour moi, la pire des choses est le déni de ce problème. Nous sommes des animaux comme les autres, ces derniers sont bien plus proches de nous que nous ne voulons l’admettre et il arrive même à ceux qui nous fascinent le plus d’agir d’une manière qui nous révulse tout autant que nos pires actions. Pour autant, le contact avec la nature et les autres être vivants nous est infiniment précieux, il a pour nous une dimension spirituelle. Dont acte.

Il me semble tout aussi essentiel d’éviter d’utiliser les actes des uns pour justifier ceux des autres et réciproquement. Constater des comportements terribles dans la nature ne justifie en rien la barbarie de certaines de nos actions.

Il y a en moi et en de très nombreuses personnes le souci de préserver la vie et la nature, d’en prendre soin, de l’aider à grandir et à s’accomplir. Cela ne signifie pas approuver ce qui s’y passe de pire, d’où que cela provienne. Mais c’est cette attention intérieure à la vie qui vibre quand je suis au contact de la nature. En prendre soin de manière respectueuse me fait grandir intérieurement. A nous et à nos descendant-e-s d’observer les fruits de nos actes. Sommes-nous capables de prendre soin de nous et d’elle «jusqu’à la 7ème génération» comme le souhaitent les peuples premiers?

(1) David Attenborough, the life collection: http://www.amazon.co.uk/The-Life-Collection-David-Attenborough/dp/B000B3MJ1E

(2) Animals can be giant jerks: http://www.iflscience.com/plants-and-animals/animals-can-be-giant-jerks

(3) The other side of otters: http://news.discovery.com/animals/the-other-side-of-otters.htm

(4) ‘Porpicide’: Bottlenose dolphins killing porpoises: http://www.sfgate.com/news/article/Porpicide-Bottlenose-dolphins-killing-porpoises-2309298.php

(5) Seals accused of sexually attacking penguins: http://www.huffingtonpost.com/2014/11/17/seals-sex-penguins_n_6170770.html

(6) Frans De Waal, Our Inner Ape: The Best and Worst of Human Nature, Granta Books; New edition edition (4 Sept. 2006)

(7) Frans De Waal,The Age of Empathy: Nature’s Lessons for a Kinder Society, Souvenir Press Ltd (1 Oct. 2010)

(8) Frans De Waal, Chimpanzee Politics: Power and Sex among Apes, ohns Hopkins University Press; 25th anniversary edition edition (30 Aug. 2007)

(9) Frans De Waal, The Bonobo and the Atheist: in Search of Humanism Among the Primates, W. W. Norton & Company; Reprint edition (8 April 2014)

La nature redécouverte

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La botanique redécouverte, Aline Raynal Roques, Belin 1999 (pour l’édition actuelle).

A l’époque où la biologie moléculaire est devenue une discipline reine, d’autres disciplines plus traditionnelles, comme les sciences naturelles ou la botanique n’ont plus la cote. C’est pour défendre et faire redécouvrir sa discipline que l’auteure, Aline Raynal Roques a écrit cet ouvrage.

Je suis d’autant plus fascinée par cette lecture que l’auteure a réussi à mettre en lumière de nombreux aspects de sa discipline et aussi différents niveaux de lecture.

En utilisant le dessin, le plus souvent en noir et blanc, en explicitant l’étymologie des termes botaniques et en recourant à la notion « d’herbier de référence » (qui restent les sources de référence de par le monde), elle donne à voir la dimension humaine et historique de sa discipline.

En introduisant les différentes catégories de plantes (cryptogrammes, gymnospermes, angiospermes), en décrivant leurs caractéristiques, leur mode de vie, leurs adaptations, leur variété, elle décrit superbement les plantes elles-mêmes.

En montrant comment on les classe, comment on les nomme, comment on les a découvertes et référencées, elle donne une belle introduction à la botanique en tant que science.

Mais elle laisse aussi transparaitre un niveau sous-jacent à tous ceux là. Elle montre, et avec talent, à quel point les plantes sont des être raffinés, sophistiqués, complexes, créatifs, qui vivent en communauté et sont tous sauf passifs et inanimés. Bref, ce sont des êtres dignes d’émerveillement et de respect. Et je suis émerveillée par cette lecture. Elle change aussi la manière dont je vis mes moments de nature. Elle me permet de contempler les plantes avec un regard plus attentif aux détails, à leurs spécificités, à leur originalité, à leurs rythmes de vie, à d’autres facettes moins évidentes de leur beauté. Je trouve cela très précieux.

Si ce texte scientifique permet à certaines personnes de redécouvrir les plantes et la botanique et aussi d’ouvrir leur coeur et de laisser grandir un lien plus fort, plus vivant, plus profond, à la nature et aux plantes, ce sera une très belle réussite!