Archives pour la catégorie Une part de beauté

Un peu d’art-tisanat dans nos loisirs

Bryan Peterson's understanding composition - field guide, Amphoto Books, 2012
Bryan Peterson’s understanding composition – field guide, Amphoto Books, 2012

Pour de nombreuses personnes, l’été est le temps du repos, des lectures un peu plus légères et des photos souvenirs de vacances. Quelques mois après avoir vécu ces dernières, nous sommes souvent déçu-e-s de constater que ces images ne réveillent pas notre émerveillement, notre excitation ou notre plaisir. Elles nous semblent plates et ne plus correspondre à notre expérience. Année après année, elles s’entassent sur nos disques d’ordinateur sans plus que nous les consultions.

Il est fréquent que ces photos aient été mal construites, c’est à dire mal composées et que de ce fait elles ne peuvent pas avoir le relief que nos attendons et correspondre à notre attente.

Très agréable à lire, d’un format pratique et avec de superbes images, le livre de Bryan Peterson se propose de nous apprendre les bases de la composition d’images en abordant 14 thèmes au travers photos qui montrent concrètement comment s’y prendre et ce qui se passe suivant qu’on prend en compte ces consignes ou pas. Le « prix » à payer est que, d’une activité annexe qu’on fait en passant, la photographie devient une activité pour elle-même. Mais c’est une activité créative qui peut être extrêmement agréable et nous fournir de nombreux moments de plaisir. Ce livre peut nous y aider et nous faciliter la tâche de devenir de meilleurs artisans des images que nous fabriquons.

L’être humain, un grand primate comme les autres

Frans de Waal Chimpanzee Politics
Frans de Waal
Chimpanzee Politics
Frans de Waal, peacemaking among primates
Frans de Waal, peacemaking among primates
Frans de Waal & Frans Lanting, Bonobo, the forgotten ape
Frans de Waal & Frans Lanting, Bonobo, the forgotten ape

Dans le monde occidental, la controverse autour de la place de l’être humain dans la nature et du rôle de cette dernière face à nous est de plus en plus forte. Elle a toujours existé. Mais, au moins depuis l’antiquité grecque, la vision prévalente (au point d’être quasiment hégémonique) était que la nature n’avait d’autre but que de servir les êtres humains et que ces derniers avaient pour mission de la « mettre en valeur », autrement dit de l’asservir à leur propre soif de confort, de biens et de pouvoir. Elle a été soutenue à bouts de bras par les dogmes des monothéismes.

La genèse va jusqu’à proclamer que: « Et Dieu les bénit, et Il leur dit: Croissez et multipliez-vous, remplissez la terre, et assujettissez-la, et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et sur tous les animaux qui se remuent sur la terre » (Gn 1:28). Pour parler d’asservissement, c’est difficile de faire plus explicite.

Un des éléments clefs qui assure cette hégémonie, est l’affirmation selon laquelle l’être humain est un être totalement à part de la nature, qu’il lui est supérieur et que cette supériorité justifie l’asservissement de cette dernière. Elle en fait presque un devoir moral.

Cet argument a aussi été utilisé pour instituer une hiérarchie entre les êtres humains et pour affirmer que les autorités en place dans le monde chrétien étaient légitimes, qu’elles relevaient du droit divin et que les gens « du commun » lui devaient une obéissance absolue.

Ce systèmes est combattu pied à pied, en tout cas en occident, depuis au moins 5 siècles. Il y a eu des progrès. Les personnes qui osent proclamer en public la supériorité de leur race sur une autre sont devenues une petite minorité. Mais elle peut être très agissante lors de la survenue de poussées de racisme en occident, particulièrement en temps de crise, comme maintenant. Les femmes luttent pour leurs droits depuis des siècles et ont obtenu, toujours en occident, des améliorations. Mais l’actualité nous rappelle régulièrement que ces améliorations restent fragiles et qu’il reste de nombreux groupes qui attendent la première occasion pour les contester. La lutte des femmes pour défendre le droit à l’avortement en Espagne, suite à l’arrivée d’un gouvernement conservateur, a été particulièrement vive. D’autres groupes ont encore bien du mal à faire respecter leurs droits les plus élémentaires. La controverse en France sur les mariage pour tous l’a illustré vivement. En Suisse, le PACS a fait l’objet d’un référendum mené par les mêmes milieux. La possibilité pour les couples gays et lesbiens d’adopter l’enfant de leur partenaire (quand celui-ci n’a qu’un parent) va également faire l’objet d’un référendum, toujours lancé par les mêmes milieux.

Mais l’affirmation selon laquelle l’être humain serait un être à part et que cela lui donne tous les droits sur la nature est encore partagée par une très large majorité de la population occidentale. Les problèmes environnementaux, ses conséquences pour tous (y compris pour nous), mettent cette croyance sous une pression de plus en plus forte. Mais elle est encore loin d’avoir craqué.

Entre en scène le primatologue Frans de Waal. Avec d’autres, il s’est mis à étudier avec un regard neuf les grands primates, en particulier les chimpanzés et les bonobos. Il a commencé ses travaux en 1975, en observant la colonie de chimpanzés du zoo d’Anrhem, alors que d’autres les observaient en pleine nature. Leurs observations ont convergé et sont venues comme en écho les unes des autres. Elles dont dressé des grands primates une image fondamentalement plus riche et complexe que celle qui prévalait par le passé. Elles ont mis en évidence que les capacités relationnelles, affectives et sociales des grands primates sont d’une telle richesse et d’une telle complexité que la différence avec nos propres capacités s’estompe.

Frans de Waal a particulièrement mis en lumière les jeux de pouvoir et les comportements politiques des chimpanzés (1), tout comme la grande capacité de réconciliation des primates (2). En fait, les chimpanzés dont les mœurs sont parfois très conflictuelles sont aussi les champions de la réconciliation. Il a aussi décrit la vie et les relations des bonobos (3). Ce faisant et sans le vouloir au début, il a mis en lumière combien nos propres comportements dans ces mêmes domaines ressemblent à ceux des autres grands primates (4) et combien ces derniers sont capables de se projeter dans la peau de l’autre et de faire preuve d’empathie et de sacrifice (5).

Frans de Waal, Our inner ape
Frans de Waal, Our inner ape
Frans de Waal, the age of empathy
Frans de Waal, the age of empathy

Pour moi, le lire est passionnant. Il écrit bien. Le lire est aisé et agréable. Surtout, cela fait sens pour moi et cela me fait chaud au coeur de lire que nos capacités ne sont pas nées de rien en quelques instants (à l’échelle de l’évolution), mais combien nous sommes des grands primates comme les autres, combien nous vivons et nous nous comportons comme eux et, in fine, combien nous ne sommes pas seuls au monde. Tant ma raison que mon coeur sont éclairés.

Ce constat n’est pas sans inconvénient. Les grands primates peuvent se faire la guerre, ils peuvent s’entretuer (entre clans et au sein du clan), ils chassent et mangent d’autres singes, les mœurs au sein des clans sont particulièrement rudes, tout comme les rapports entre sexes.

Mais, au regard de ces observations, on ne peut plus décemment affirmer que l’être humain résulte d’une « création spéciale » (et il est toujours question de cela, même après deux siècles de darwinisme), qui fait qu’il est d’une nature particulière et supérieure aux autres animaux. Surtout, ces observations font plus qu’affirmer le contraire. Elles montrent concrètement comment cela se passe et comment on peut en conclure que les grands primates sont si proches de nous et réciproquement.

Alors même que nombre de ces travaux datent des années 70 et 80, le message passe lentement. La résistance est forte. La lecture des critiques sur ces ouvrages dans les grands sites de vente de livre sur internet montrent combien certaines personnes ne peuvent pas entendre ce constat même quand on le leur met sous le nez, combien elles le nient, se ferment et résistent de toutes leurs forces.

Il reste à espérer qu’un nombre croissant de personnes entendront ce message. Il reste aussi à espérer que leur nombre croitra assez vite pour que nous puissions préserver les singes et les grands primates avant qu’ils aient complètement disparu, et pour que nous puissions enfin remettre sérieusement en cause le dogme du rôle de l’être humain dans la nature avant qu’il ne soit trop tard.

(1) Frans de Waal

Chimpanzee Politics: Power and Sex among Apes

Johns Hopkins University Press; 25th anniversary edition (August 30, 2007)

(2) Frans de Waal

Peacemaking among Primates

Harvard University Press; Reprint edition (September 1, 1990)

(3) Frans de Waal & Frans Lanting

Bonobo: The Forgotten Ape

University of California Press; 1 edition (October 27, 1998)

(4) Frans de Waal

Our Inner Ape: A Leading Primatologist Explains Why We Are Who We Are

Riverhead Books; Reprint edition (August 1, 2006)

(5) Frans de Waal

The Age of Empathy: Nature’s Lessons for a Kinder Society

Broadway Books; 1 edition (September 7, 2010)

Vous reprendrez bien un peu de dessin?

Hokusai. Le fou de dessin Nouvelle édition 2014 Henri-Alexis Baatsch Editions Hazan, 2014 Collection : Beaux Arts
Hokusai. Le fou de dessin Nouvelle édition 2014
Henri-Alexis Baatsch
Editions Hazan, 2014
Collection : Beaux Arts

Le dessin est un art qui m’a toujours émerveillée. Sans éducation artistique, je ressens les dessins avec mon intuition, mon regard et mon corps. Je suis fascinée par le papier et l’effet qu’un-e artiste peut y créer avec parfois juste quelques traits au fusain, à la sanguine ou à l’encre de chine. D’aucuns considèrent cet art comme «mineur» par rapport à d’autres, pas moi. Je cherche et je cultive les livres de dessin ou les livres illustrés par un dessinateur.

Je ne peux surtout pas prétendre connaître la culture japonaise, mais les créations de certains de leurs artistes me touchent tout particulièrement. Non seulement je les ressens comme spécialement vivantes et sensibles, mais elles me paraissent beaucoup plus proches en tout cas dans leur style, malgré l’éloignement dans le temps et dans l’espace des cultures de leurs créateurs.

Je suis récemment tombée sur cet ouvrage traitant de Hokusaï et de son oeuvre. De par son format, son épaisseur et son poids il est facile à prendre en main. De par la texture soyeuse de sa couverture, il est agréable à manipuler. De par sa fermeture à rubans, et son recours au papier double asiatique, je le trouve très agréable à manipuler, à feuilleter, à parcourir. Et puis, il y a …. les dessins ! Les centaines de dessins, les couleurs, les personnages, les multiples esquisses, les portraits, les illustrations, les estampes, tout le foisonnement de ses œuvre ! Quelle créativité ! Quelle fidélité à son art durant toute sa vie ! Quelle beauté !

Je ne peux que recommander à tous les enfants doués en quête d’art dans leur vie de s’y perdre un moment … aussi long qu’il leur plaira ! Ce sera un moment de qualité et d’émerveillement.

Besoin de créer

 

Quête de sens et créativité, Anne-Marie Jobin, 2006, Editions du Roseau, Montréal
Quête de sens et créativité, Anne-Marie Jobin, 2006, Editions du Roseau, Montréal

Comme de très nombreuses personnes, j’ai un très fort besoin d’activités créatives. Je ne parle pas d’égo ou de quoi que ce soit de ce genre. Je parle de mon besoin existentiel et essentiel de créer. J’ai aussi la conviction qu’il est présent dans le coeur de chaque être humain, qu’il est tout aussi vital que le besoin de manger, de respirer, d’être en sécurité, d’être en relation avec les autres, avec le vivant, avec la Terre Mère et avec une forme de “tout proche et en même temps infiniment plus grand que soi”.

Dans mon quotidien, j’ai beaucoup de mal à ménager l’espace, le temps et l’énergie nécessaire pour pouvoir créer comme j’en ai besoin. Travailler dans une maison de fous me consomme une énergie colossale rien que pour pouvoir faire face et tenir. Je me rends aussi compte que je suis face à d’autres obstacles, comme ma tendance à procrastiner et à perdre mon temps sur internet, plutôt que de mettre à profit le peu de temps de qualité dont je dispose. La peur du regard de l’autre, la peur de l’échec sont pour moi de gros obstacles.

Au hasard de mes recherches, j’ai trouvé quelques ressources qui me sont précieuses. Il s’agit des ouvrages écrits par Anne Marie-Jobin. Elle propose de nombreux outils pour aider à débloquer et prendre soin de son expression créative, et in fine pour transformer sa vie. Ce ne sont pas des outils miracles (ce qui ne les rend que plus crédibles), mais ils sont nombreux, variés, aidants et fort plaisants. Ils me semblent aussi très respectueux des personnes, de la diversité de nos vie et des rythmes réels de l’existence humaine (par opposition à ceux que nous imposent la société). D’autres y trouveront peut-être des pistes pour eux-mêmes. C’est pourquoi je vous les partage.

Le site d’Anne-Marie Jobin: http://journalcreatif.com

Anne-Marie Jobin, Créez la vie qui vous ressemble, 2013, Editions Le Jour Montréal (version complètement revue de “Ma vie faite à la main”)

Anne-marie Jobin, la Vie Faite à La Main – quête de sens et créativité, 2006, Editions du Roseau, Montréal

Anne-Marie Jobin, le nouveau journal créatif – à la rencontre de soir par l’écriture le dessin et le collage, 2010, Le Jour Montréal

Anne-Marie Jobin, Fantaisies et gribouillis, 85 activités créatives pour tous, 2008, Editions du Roseau, Montréal

I have a dream

Non, je ne me prends pas pour Martin Luther King!

Mais j’ai moi aussi un rêve.

By Elkwiki (Own work) [CC-BY-SA-3.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)], via Wikimedia Commons
By Elkwiki (Own work) [CC-BY-SA-3.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)%5D, via Wikimedia Commons
Mon rêve, c’est qu’il y ait, près de chez moi, une forêt primaire de 50’000 kilomètres carrés et d’un seul tenant! Vierge de toute route, elle ne serait parcourue que de quelques pistes en terre. Sanctuaire pour la flore et la faune, les humains qui s’y aventureraient le feraient à leur propre risque (tout en ayant le droit de se défendre, mais uniquement en cas de nécessité absolue et en toute dernière extrémité).

C’est un rêve bizarre? Mais c’est le mien. Et le pire est que je suis intimement convaincue que sa réalisation serait largement aussi précieuse pour l’humanité que pour la faune et la flore.

Il est des lieux de la nature dans lesquels on entre comme dans une cathédrale. Cette forêt serait l’un d’entre eux. Elle serait un lieu de rayonnement, de ressourcement, d’ancrage, de quête d’appartenance et de de quête de vision comme nombre d’autres lieux sacrés.

50’000 kilomètres carrés, c’est grand. Inutile de dire que la constitution progressive d’un tel espace ne peut que susciter des résistances et des oppositions très fortes. Mais il faut une telle taille, et d’un seul tenant, pour que la vie sauvage puisse vraiment se développer, se maintenir puis se répandre.

En Europe, il ne reste plus que quelques minuscules fragments de la forêt primaire qui a jadis recouvert le continent. Il faut réparer les dégâts que nous avons fait. Ou plutôt, il faut surtout laisser la nature le faire et la protéger de toutes les interférences des humains! Et cela ne sera pas une mince affaire.

Permettre à une forêt primaire de renaître est une oeuvre de longue haleine. Peut-être un demi-millénaire, voire plus encore. C’est à l’extrême inverse de la frénésie des ruches humaines. Comment créer une organisation qui puisse agir à un aussi long terme, en évitant les dérives de toutes les organisations humaines, qui puisse s’adapter à l’évolution des sociétés dans une telle durée et qui réussissent en plus à échapper aux griffes des narcissiques, sociopathes et autre pervers qui ont une diabolique capacité à acquérir et à conserver le pouvoir dans nos sociétés? Je n’en n’ai aucune idée.

Mais c’est mon rêve. Il m’est précieux. J’ai l’audace de croire qu’il est précieux pour bien plus large que moi. Alors je le pose ici, comme une lettre ouverte à l’Univers tout entier. On verra bien ce qui en sortira.

Pour tous les êtres sur qui il m’est donné de veiller, à quelque titre que ce soit.

 

A pale blue dot

En français, « un tout petit point bleu pâle ». Cela fait bien des années que je connais cette photo, qui m’est revenue à l’esprit tout récemment:

"Pale Blue Dot unaltered". Licensed under Public domain via Wikimedia Commons - http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Pale_Blue_Dot_unaltered.jpg#mediaviewer/File:Pale_Blue_Dot_unaltered.jpg
« Pale Blue Dot unaltered ». Licensed under Public domain via Wikimedia Commons –

Est-ce que vous voyez ce que c’est?

Peut-être qu’elle est prise de trop loin. Est-ce que c’est mieux si on se rapproche un peu (en fait vraiment beaucoup) et si on rajoute un avant-plan?

"NASA-Apollo8-Dec24-Earthrise" by NASA / Bill Anders - http://www.hq.nasa.gov/office/pao/History/alsj/a410/AS8-14-2383HR.jpg. Licensed under Public domain via Wikimedia Commons - http://commons.wikimedia.org/wiki/File:NASA-Apollo8-Dec24-Earthrise.jpg#mediaviewer/File:NASA-Apollo8-Dec24-Earthrise.jpg
« NASA-Apollo8-Dec24-Earthrise » by NASA / Bill Anders –

C’est plus explicite comme cela! On peut d’ailleurs se rapprocher encore plus, si on veut:

"The Earth seen from Apollo 17" by NASA/Apollo 17 crew; taken by either Harrison Schmitt or Ron Evans - http://www.nasa.gov/images/content/115334main_image_feature_329_ys_full.jpgAlt: http://grin.hq.nasa.gov/ABSTRACTS/GPN-2000-001138.html (direct link). Licensed under Public domain via Wikimedia Commons - http://commons.wikimedia.org/wiki/File:The_Earth_seen_from_Apollo_17.jpg#mediaviewer/File:The_Earth_seen_from_Apollo_17.jpg
« The Earth seen from Apollo 17 » by NASA/Apollo 17 crew; taken by either Harrison Schmitt or Ron Evans –

Un joyaux qui resplendit de tous ses feux!

La toute première photo a été réalisée en 1990, par la sonde Voyager 1. Elle avait alors dépassé l’orbite de saturne et on lui a demandé de faire un portrait de famille des planètes de notre système solaire. Sur les 60 photos alors réalisées par la sonde, la terre ne couvre qu’un fragment d’un seul pixel de l’une de ces photos. Tout le reste de cette même photo, c’est le noir de l’espace, un noir si profond et absolu qu’aucune encre, aucun pigment, aucun écran d’ordinateur ne peut le représenter fidèlement.

Accessoirement, cette photo a été le sujet d’un livre célèbre de Carl Sagan.

Face à cette photo, certaines personnes y voient un signe de l’insignifiance de nos existences. Cela n’est pas mon cas. Pour moi, elle est d’abord un signe de fragilité et d’interdépendance.

Je vois de la fragilité dans le fait que toutes nos histoires, nos passions, nos bonheurs, nos terreurs, nos joies, nos peines tiennent dans ce seul fragment de pixel. Et il n’y a pas (encore) de pixel de rechange.

Je vois de l’interdépendance dans le fait que non seulement toute l’humanité tient dans ce minuscule fragment d’image, mais aussi l’intégralité du vivant. La nature n’est pas loin de nous, ailleurs, comme un étranger distinct. Elle est à côté de nous et en nous, tout comme nous sommes une partie d’elle. C’est cela que, pour moi, ce petit point bleu pâle met en lumière, et en perspective.

C’est, bien sûr, quelque chose que les peuples premiers savent depuis des millénaires. Ils n’ont pas oublié et ils n’ont pas besoin de machines pour le redécouvrir. Nous, oui. Nous sommes coupés de nos affects, de nos intuitions, pour certain-e-s nous sommes coupés de notre coeur. Ces machines, ces images nous donnent à voir ce qui est juste sous nos yeux mais que nous ne pouvons plus accepter de percevoir directement, conditionnés que nous sommes par une culture qui réduit l’être humain à sa seule part cognitive et qui réduit la nature au rang chose que nous devons dominer, écraser et réduire au rôle d’outil de production. En l’écrasant, c’est aussi nous que nous écrasons. En la traitant comme une poubelle, nous nous traitons comme une poubelle!

La mission voyager 1 avait évidemment un but scientifique qu’elle a rempli brillamment. Ceux qui ont souhaité lui faire faire ce portait de famille impromptu ont du énormément lutter pour se faire entendre. Mais si elle n’avait servi qu’à donner à voir ce petit point bleu, la fragilité de notre monde et l’interdépendance de tous les êtres vivants, elle aurait, à mes yeux, très largement valu la peine.

 

 

 

La nature redécouverte

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La botanique redécouverte, Aline Raynal Roques, Belin 1999 (pour l’édition actuelle).

A l’époque où la biologie moléculaire est devenue une discipline reine, d’autres disciplines plus traditionnelles, comme les sciences naturelles ou la botanique n’ont plus la cote. C’est pour défendre et faire redécouvrir sa discipline que l’auteure, Aline Raynal Roques a écrit cet ouvrage.

Je suis d’autant plus fascinée par cette lecture que l’auteure a réussi à mettre en lumière de nombreux aspects de sa discipline et aussi différents niveaux de lecture.

En utilisant le dessin, le plus souvent en noir et blanc, en explicitant l’étymologie des termes botaniques et en recourant à la notion « d’herbier de référence » (qui restent les sources de référence de par le monde), elle donne à voir la dimension humaine et historique de sa discipline.

En introduisant les différentes catégories de plantes (cryptogrammes, gymnospermes, angiospermes), en décrivant leurs caractéristiques, leur mode de vie, leurs adaptations, leur variété, elle décrit superbement les plantes elles-mêmes.

En montrant comment on les classe, comment on les nomme, comment on les a découvertes et référencées, elle donne une belle introduction à la botanique en tant que science.

Mais elle laisse aussi transparaitre un niveau sous-jacent à tous ceux là. Elle montre, et avec talent, à quel point les plantes sont des être raffinés, sophistiqués, complexes, créatifs, qui vivent en communauté et sont tous sauf passifs et inanimés. Bref, ce sont des êtres dignes d’émerveillement et de respect. Et je suis émerveillée par cette lecture. Elle change aussi la manière dont je vis mes moments de nature. Elle me permet de contempler les plantes avec un regard plus attentif aux détails, à leurs spécificités, à leur originalité, à leurs rythmes de vie, à d’autres facettes moins évidentes de leur beauté. Je trouve cela très précieux.

Si ce texte scientifique permet à certaines personnes de redécouvrir les plantes et la botanique et aussi d’ouvrir leur coeur et de laisser grandir un lien plus fort, plus vivant, plus profond, à la nature et aux plantes, ce sera une très belle réussite!