Psychiatre d’origine bernoise, Evelyn Elsaesser est l’une des chercheuses de longue date dans le domaine de la conscience et des NDE. Basée en Suisse, elle est active depuis plus de 30 ans dans les études concernant les NDE et la conscience. C’est une chercheuse indépendante, qui collabore avec des universités britanniques pour ses travaux de recherche. La liste des publications académiques auxquelles elle a participé est accessible au travers de sites comme Google Scholar ou Research Gate.
Après avoir travaillé sur les NDE / EMI elle a orienté ses recherches sur les contacts avec les défunts. Ce sujet fait l’objet de recherche académique depuis des décennies. Mais la manière de le nommer montre bien qu’il n’est pas considéré de la même manière par les chercheurs anglo-saxons que par le monde académique francophone. En anglais, le langage est direct et il est question de « after death communication ». En français, il est question de « Vécu subjectif de contact avec les défunts ». En d’autres termes, le français induit une distance et un jugement de valeur qui n’existe pas du tout en anglais, et sans lequel il serait totalement impossible d’aborder de tels sujets dans le monde académique francophone.
Les communications spontanées avec les défunts sont un phénomène assez fréquent pour qu’une importante partie de la population ait l’occasion d’en vivre au moins une au cours de son existence (entre un et deux tiers de la population suivant les sources (1), (2), (3)). Elles ont le potentiel de fortement faciliter le processus de deuil des personnes qui les vivent, qui sont rassurées par ces contacts. Elles permettent souvent de faciliter la résolution de situations restées problématiques du vivant de la personne décédée.
Dans son dernier travail de recherche, effectué en collaboration avec l’université de Southampton, elle recueilli plus d’un millier de cas de contact avec des défunts. Avec son équipe, elle en a analysé les effets sur les personnes qui les ont vécus.
Comme dans les autres recherches sur ce sujet, elle a pu documenter un impact très positif de ces contacts sur les personnes qui en ont bénéficié. Ceux-ci facilitent le processus de deuil, en particulier en cas de mort soudaine et violente (dans lesquels il n’a pas été possible de dire « au revoir » au défunt). Ils contribuent aussi à transformer les perspectives de ces mêmes personnes. Les réconciliations qu’il peut y avoir au-delà de la mort peuvent avoir un effet profondément apaisant sur des situations lourdes et irrésolues (pensez par exemple, au cas de parents abuseurs qui s’excusent de leur actes auprès de leurs enfants). Les questions sur la mort des trouvent également une réponse qui contribue à apaiser et à faciliter la vie de « receveurs » (terme utilisé par Evelyn Elsaesser) de ces expériences.
Elle prend soin de ne pas prendre position sur la question tout à fait essentielle « ces expériences sont-elles réelles ou non?« . Elle se contente de les décrire et de décrire leur impact sur les personnes qui les vivent. Sur cette base, à chacun de se forger sa propre opinion.
L’ouvrage qui vulgarise les résultats de cette recherche a l’avantage d’être rédigé en français et il peut être très utile pour des personnes qui s’intéressent à cette thématique sans encore en être familières de cette dernière.
Les personnes qui vivent une NDE font une expérience si marquante qu’elle bouleverse la suite de leur existence. Elles le racontent individuellement et les synthèses d’expérience qui se basent sur le parcours de nombreuses personnes (comme celle de P.M.H. Atwater) témoignent de l’importance de ce phénomène.
Elle ne fait pas non plus exception en ayant publié un récit de son expérience, comme de nombreuses autres personnes ayant vécu des NDE. Et elle aussi rapporte que les êtres qu’elle a rencontré durant son expérience ont souhaité qu’elle partage cette dernière.
Ce qu’il y a de particulier dans son expérience, c’est que durant sa NDE Elle a rencontré des êtres qui l’ont confrontée et lui ont fait constater qu’elle ne vivait pas la vie la vie la plus pleine et la plus juste possible. Ils lui ont proposé douze principes qui lui permettraient de vivre une vie beaucoup plus accomplie et lui ont suggéré de les partager avec toute personne qui pourrait les entendre.
Ces douze principes ne sont pas des idées (ou des sujets à aborder de manière avant tout cognitive) mais bien des principes expérientiels à vivre et à ressentir de manière incarnée. Les mots viennent ensuite. Ceci est d’autant plus important qu’ils sont considérablement plus riches et profond que ce qu’une lecture purement cognitive peut laisser croire.
Dans son livre, chacun d’entre eux fait l’objet d’un chapitre spécifique. Les voici résumés, sur la base de leurs titres et de la petite introduction qui les suit dans son texte.
Aimer et exprimer notre compassion
« Nous ne sommes pas sur Terre uniquement pour apprendre, mais pour aimer. Nous sommes sur Terre pour aimer tout et tout le monde. Nous sommes censés trouver et éprouver de la joie en ressentant et en exprimant notre amour aux autres. C’est au travers de ces actes d’amour et de compassion que nous nous rapprochons de notre centre spirituel et de la Source. »
Nous sommes un miracle, traitons-nous en conséquence
« Nous sommes un miracle, traitons-nous en tant que tel dans tout ce que nous faisons, disons et pensons. Nous avons reçu le don magnifique de la vie, notre corps et notre esprit. Profitons de ces cadeaux avec joie ».
La Terre est un miracle, traitons-la en conséquence
« Le monde est un miracle que nous pouvons honorer avec chacune de nos pensées, de nos mots et de nos actions ».
Nous sommes créatifs et puissants
« Chacun de nous est considérablement plus créatif et puissant que ce qu’il peut imaginer! Nous avons une capacité quasiment infinie d’aimer de créer, de vivre en harmonie et de vivre une vie inspirée par notre spiritualité ».
Nous sommes tous connectés
« Chacun de nous, nous tous ensemble et toute la création nous sommes connectés à la Source et tous ensemble au travers d’elle ».
Laissez faire et lâchez prise
« Laissez la Source agir au travers de votre vie. Lâchez prise sur votre besoin de tout contrôler jusqu’aux plus petites choses. Créez l’espace qui permette à la source d’agir dans votre vie et voyez quelles prises de consciences et quelles expériences cela vous fait vivre.«
Permettez aux autres de vous exprimer de l’amour
« Exprimez votre amour pour les autres en leur permettant de vous exprimer le leur. Permettez aux autres de vous aider quand vous en avez besoin. Permettez leur de vous exprimer leur compassion, de prendre leurs propres décisions, de faire leurs propres choix et d’être responsables pour leurs propres vies. Nous sommes toutes et tous sur un chemin différent. Aimez et respectez le chemin de chaque personne, juste comme vous souhaitez qu’elles aiment et qu’elles respectent le leur.«
Faites confiance à votre propre sagesse intérieure
« Apprenez à écouter votre sagesse intérieure. Suivez sa guidance. Le sens de votre vie et vos appels s’y trouvent. Suivez cette petite voix discrète, car elle est la vraie voix de la Source dans votre vie. Quand vous avez des doutes, quand vous avez besoin de guidance additionnelle, votre sagesse intérieure est là pour vous guider. »
Nous ne sommes jamais seuls
« Nous ne sommes jamais seuls, Nous sommes constamment entourés par l’Amour et la Divinité. Chaque seconde de chacun de nous jours, même le plus sombre nous sommes relié-e-s à la Source. »
Faire des choix
« Notre outil le plus puissant dans cette vie est notre capacité à faire des choix, avant nos pensées, nos mots ou nos actions. Faits avec sagesse et compassion, nos choix sont les plus incroyables outils pour vivre la vie à laquelle nous aspirons. »
Vivez votre vie pleinement
« Vous avez une et une seule chance de vivre votre vie en tant que la personne que vous êtes maintenant. Une seule chance. Vivez cette vie pleinement chaque jour, utilisez votre temps avec sagesse et permettez-vous de vraiment ressentir ce que c’est que de vivre la vie en tant que la personne que vous êtes. S’il vous plait, ne gaspillez pas ce cadeau. Vivez votre vie le plus pleinement, de manière à en faire une expression de gratitude et d’amour. »
Exprimez votre gratitude
« Vivez, ressentez, exprimez votre gratitude tous les jours. Tout dans notre monde est un cadeau. La gratitude pour les choses que nous avons et les expériences que nous vivons est notre manière notre amour à la Source pour tous ces dons. Il est essentiel d’exprimer notre gratitude non seulement pour les grandes choses mais aussi pour les petites et aussi d’exprimer notre gratitude aux autres pour tout ce qu’ils amènent dans notre vie. »
D’aucuns trouvent ces principes bien basiques, Tel n’est pas mon cas. Est-ce que la société humaine autour de nous a vraiment l’air de vivre en complète fidélité à ces derniers? Et est-ce que le chemin pour y arriver a l’air si facile que cela?
Ces principes ont l’immense avantage d’être accessibles à tout un chacun, d’être concrets et de constituer un fondement solide pour une bonne vie. En tant que tels, ils me paraissent extrêmement précieux.
Ecouter notre sagesse intérieure nécessite d’être connecté à son corps, à ses ressentis incarnés, d’être capable d’accueillir ses émotions et de savoir quoi en faire. Et même là, tout n’est pas toujours simple…. Certains traumas sont bien cachés. Mais c’est indispensable pour pouvoir sentir où nous en sommes par rapport à ces principes et si quelque chose nous parle plus particulièrement ou, au contraire, nous met mal à l’aise. Il y a de très belles pistes d’exploration pour chacun-e d’entre nous.
Je vous souhaite une très belle aventure.
Sa présentation lors le la conférence de IANDS de 2016. On trouve d’autres interviews d’elle sur Youtube.
PMH Atwater est l’un des premières chercheuses à s’être intéressées aux NDE. en raison d’un parcours de vie pas tout simple, elle a agi en tant que chercheuse indépendante plutôt que rattachée à une institution académique. Elle est loin d’être la seule dans ce cas. Et c’est une des toutes premières membres de IANDS, l’International Association for Near Death studies. Elle a publié plus de dix ouvrages, dont certains sont traduits en français.
Quand bien même elle a agi en indépendante, ses travaux sont reconnus et réputés. Les travaux qu’elle a réalisé sur les personnes ayant vécu des NDE en tant qu’enfant sont particulièrement importants. Elle a aussi ceci de particulier que qu’elle a appliqué une méthodologie d’interview beaucoup plus proches des approches qualitatives et des méthodes forensiques (fille de policier elle a grandi dans un commissariat) que des méthodes quantitatives classiques en sciences sociales. Ca a créé de nombreuses controverses dans le monde académique. Il n’en demeure pas moins que ses travaux sont très importants et qu’elle a pu mettre en évidence des choses que personne d’autre n’avait même détecté. Et elle a des milliers d’interviews de personnes concernées, ce dont très peu de personnes disposent.
Elle est aussi l’une des nombreuses personnes qui ont une double casquette. Elle est à la fois chercheuse et personne concernée. Elle a elle-même vécu 3 NDE en 1977 en raison de problèmes de santé extrêmement mal soignés. Elle a survécu et ce sont ces NDE qui l’ont motivée à commencer des travaux de recherche sur le sujet. Il lui a aussi fallu rencontrer Elisabeth Kübler Ross qui a validé son vécu et lui a aidé à mettre des mots dessus, à une époque où l’information au sujet des NDE était très limitée et pas répandue.
Cette double casquette donne à ses travaux et à ses présentations orales un ton particulier. Elle s’exprime extrêmement bien, tant à l’écrit qu’en présentation, elle est parfaitement accessible et elle écrit pour toucher le plus grand nombre. Elle se lit aisément.
L’une de ses publications est le « Grand livre des NDE » qui permet de parcourir un très grand nombre de facettes de cette thématique avec un seul ouvrage. Il est très accessible, très bien écrit, illustré des oeuvres de personnes ayant vécu des NDE et particulièrement riche. De ce fait, il constitue une porte d’entrée excellente et fascinante dans cette thématique. Et il existe aussi en français! Et cette lecture est l’occasion d’entendre et de se laisser toucher par les expériences et le parcours de très nombreuses personnes.
Pim Van Lommel n’est pas le plus ancien chercheur en matière de NDE. Il n’est pas non plus le seul du monde médical qui se soit lancé dans ce sujet. Mais la plupart de ceux qui l’ont précédé ont publié leurs travaux dans des revues scientifiques spécialisées, comme le « Journal of near death studies« . Quand bien même elles sont accessibles à un large public, elles sont soigneusement évitées par tous les scientifiques qui « ne veulent surtout pas avoir à faire avec ça ». Elles ont néanmoins pu servir de vivier et d’espace protégé depuis une quarantaine d’années (IANDS, par exemple, a été créé en 1981).
Pim Van Lommel est médecin et cardiologue. Il a été formé de manière très classique et il ne s’attendait pas du tout à voir sa carrière évoluer comme elle l’a fait. Sa première rencontre avec ce sujet a eu lieu durant les années 60, quand il s’est fait proprement insulter par un patient qu’il venait de ramener à la vie. Il y a de quoi être interloqué, il l’a été.
Par la suite, il a rencontré d’autres histoires de même style qui ont continué à attirer sa curiosité. Il les a étudiés avec beaucoup de constance, pendant des décennies, au début sur son temps libre et discrètement. Ce travail lui a permis de recueillir des éléments qui lui disaient que les interprétations conventionnelles et matérialistes (hallucinations, etc.) ne tenaient pas la route.
Il a fini par avoir suffisamment d’éléments pour pouvoir proposer et faire financer un projet de recherche en bonne et due forme. Les résultats ont été à la hauteur de ses espérances et il a pu rédiger des articles à des fins de publication dans une revue scientifique avec révision par les pairs. Il a été le premier à réussir à faire accepter son article dans une des revues les plus prestigieuses au monde, à savoir le journal médical The Lancet. Son article a été publié en 2001 et eu beaucoup d’impact. Ses travaux sont très solides (ne publie pas dans The Lancet qui veut) et ils ont eu un très grand retentissement. Mais il a aussi ouvert la voie pour que d’autres chercheurs puissent enfin publier dans des journaux généralistes à très grand facteur d’impact. En tant que tel il a vraiment été un pionnier.
En tant que cardiologue travaillant dans le monde hospitalier, il a pu amener des éléments très solides concernant des cas de NDE qui se sont produit dans un environnement hospitalier avec énormément de données (liées au moniteurs de suivi des données vitales des patients), où des arrêts cardiaques d’une certaine durée impliquent nécessairement un arrêt complet du cerveau et où il devient de ce fait très difficile d’interpréter de manière conventionnelle des témoignages de personnes qui ont, entre autres, clairement vu ce qu’elles ne pouvaient pas voir.
Autre point essentiel, selon ses travaux, environ 12% des personnes qui ont subi un arrêt cardiaque ont vécue une NDE/EMI. en d’autres termes, il y a des millions d’êtres humains de par le monde qui ont cette expérience. Vu l’impact qu’elle a sur les personnes, et à quel point elle transforme leur vie, il se pourrait bien qu’elles finissent par aider à transformer des sociétés humaines qui ont bien du mal à évoluer.
Son article et son ouvrage (cf. ci-dessous) sont aujourd’hui des classiques qui méritent toujours d’être lus.
On notera enfin que c’est un des rares chercheurs qui a pu travailler sur ce sujet depuis une université européenne. La quasi-totalité des autres proviennent du monde anglo-saxon et certains chercheurs qui vivent en Europe continentale (dont Evelyn Elsaesser) collaborent d’ailleurs avec des universités anglo-saxonnes. Il semble, une fois de plus, que les rigidités du monde académique européen soit un énorme frein.
Les deux émissions de télé ci-dessous ont été pour moi le début d’une longue recherche. Ces deux reportages ont été diffusés en 2022 par la RTS. Ils sont le fruit de généralistes qui disent clairement qu’ils ont du mal avec ce sujet (je cite la présentation « À Temps Présent, vous le savez, on a solidement les pieds sur terre, on se sent à l’aise dans la confrontation avec les faits et le réel« ). Mais ils ont été suffisamment respectueux pour laisser les personnes s’exprimer et ne pas charger leurs reportages de commentaires dévalorisants.
A ce titre, ils me semblent toujours constituer une bonne introduction à ce sujet pour des personnes qui ne l’ont jamais abordé. Ils ont aussi l’avantage d’être en langue française. La quasi-totalité des documents de qualité que j’ai trouvé depuis sont en anglais. Et la recherche qui se fait sur ce sujet, se fait essentiellement dans les pays anglo-saxons.
Quoi qu’il en soit, ces deux reportages peuvent être un bon outil, si cela vous intéresse, pour essayer de sentir si cette thématique vous touche et vous interroge alors qu’elle est nouvelle pour vous.
L’ouvrage «La formation de la personnalité par la désintégration positive» de Kasimierz Dabrowski a été réédité en français en 2017, sur la base d’une nouvelle édition en langue anglaise de 2015. Par ailleurs une introduction a ses travaux a également été publiée en français au début de cette année.
Il existe une petite littérature en langue française sur les personnes « surdouées », « HP », « surefficientes mentales », « zèbres », etc. Elle est beaucoup tournée vers les enfants, il y a aussi quelques ouvrages concernant les adultes. Cette littérature a déjà été présentée, au moins en partie et pour les ouvrages qui parlent des parcours de vie des personnes adultes dans d’autres articles de ce blog. Elle a le mérite d’exister, de sortir de la pathologisation, du risque de faux diagnostics et de décrire certains éléments de base du parcours de vie de nombreuses personnes concernées. Elle en a déjà aidé un certain nombre qui ont pu en profiter pour continuer leur chemin de manière plus libre et plus créative.
Psychologue, psychiatre, médecin, écrivain et poète, Kasimierz Dabrowski est né en 1902 à Klarów en Pologne. Il sera très vite confronté à la mort, quand, à 6 ans, il voit mourir une de ses petites sœurs de 3 ans. Il y sera confronté à nouveau durant la Première Guerre mondiale quand il sera témoin d’une bataille juste à côté de chez lui. Il y sera encore confronté durant ses études, quand son meilleur ami se suicide. Ces morts ont suscité chez lui un très grand questionnement existentiel. Après la mort de son meilleur ami, il choisit de se réorienter et d’abandonner la carrière de musicien à laquelle il se préparait pour entreprendre des études de médecine, puis de psychiatrie. Il dépose une thèse sur le suicide à l’université de Genève en 1929. Il continue à voyager en Autriche, en France, aux États-Unis, en Suisse et en Pologne. Il y fondera un institut d’hygiène mentale en 1935. Ce dernier sera fermé par l’occupant allemand, mais il continuera ses activités clandestinement, tout en protégeant de nombreuses personnes, sous le couvert de travaux sur la tuberculose. Il sera emprisonné par les allemands, mais sa femme obtient sa libération. Les ennuis continueront pour lui avec l’occupation soviétique qui voit en lui un suspect. Il finira par être réhabilité et obtiendra à nouveau le droit d’enseigner et de voyager. Il partira alors en Amérique du Nord où il rencontrera, entre autres Abraham Maslow et d’autres humanistes de l’époque et finira par s’installer à l’université d’Alberta. En 1964, Il traduit du polonais et publie en anglais «Positive disintegration». Une première édition de « Personality shaping through positive disintegration » suivra en 1967, toujours sur la base de ses travaux en langue polonaise. « Psychoneurosis Is Not an illness » suivra en 1970. Il continuera ses travaux en Alberta presque jusqu’à sa mort. En 1979, il rentre en Pologne. Il y meurt en 1980. Une bibliographie de ses publications est disponible sur internet [1].
Kasimierz Dabrowski a laissé une école très active en Amérique du Nord, qui a un impact significatif dans l’éducation des personnes surefficientes mentales, et dont nombre de publications sont disponibles auprès de l’éditeur Great Potential Press [2]. Même s’il avait été traduit en français à la fin des années 60 et au début des années 70, il n’a pas eu dans cette langue l’écho que ses travaux méritaient. En 2015, « Personality shaping through positive disintegration » a été réédité en langue anglaise [3] après un important travail de reprise des manuscrits de l’époque qui avait pour but de rendre lisible et compréhensible un texte écrit avec un vocabulaire qui n’a plus cours aujourd’hui.
Au début de l’année 2017, les éditions Pilule Rouge ont sorti la traduction française de cet ouvrage [4]. Il a été créé en partant de la traduction anglaise révisée plutôt que des documents de l’époque. Presque simultanément, la psychothérapeute Patricia Lamare a publié une introduction à ses travaux en langue française [5]. Voilà une belle synchronicité !
Patricia Lamare; La théorie de la désintégration positive; CreateSpace Independent Publishing Platform 2017
C’est difficile de présenter en quelques mots la vision de Kasimierz Dabrowski sur le parcours de vie des personnes HP. Sa description est totalement atypique, riche, originale, féconde, complexe, dynamique, mais aussi enrobée dans un vocabulaire qui n’a plus cours et qui aurait gagné à être fluidifié. Vous en trouverez une belle description dans l’ouvrage de Mme Lamare.
Kasimierz Dabrowski; La formation de la personnalité par la désintégration positive; Editions Pilule Rouge; 2016
Ce qu’il est possible de dire en résumé, c’est qu’il a mis le doigt sur un certain nombre d’éléments clefs dont je n’ai trouvé aucune description ailleurs (ou alors chez des personnes qui ont connaissance de ses travaux) et dont je ne peux que reconnaître la pertinence pour ma propre vie.
Il a décrit cinq formes de « surexcitabilités » que vivent les personnes surefficientes mentales, dans les domaines cognitif, émotif, imaginatif, moteur et sensoriel. Elles correspondent à des niveaux de sensibilité ou de capacité considérablement plus intenses que celles du reste des êtres humains dans ces mêmes domaines. Il ne se focalise pas sur la seule dimension cognitive, loin de là et met en valeur l’ensemble de ces dimensions. L’écrivain Ray Brabury peut être un bon exemple ce que c’est que d’être une personne avec, entre autres, une très grande surexcitabilité imaginative [6].
Le développement des personnes est « asymétrique », en ce sens que, dans de très nombreux cas, leurs capacités dans les domaines cognitif, imaginatif, émotionnel, moteur et sensoriel ne sont pas identiques. Par exemple, une personne peut avoir de fortes surexcitabilités cognitives, émotives et imaginatives, tout en ayant de moindres capacités dans les autres.
Les personnes perçoivent cette asymétrie, et leur moindre capacité dans certains domaines peut être une source de grande souffrance, qu’elles vont devoir intégrer.
En ce qui concerne les enfants, cette asymétrie touche aussi leur capacité de jugement. C’est ainsi qu’un enfant pourra à la fois faire preuve de grandes prouesses, par exemple, dans le domaine cognitif ou artistique, tout en faisant preuve d’une autonomie ou d’une capacité de jugement en retard sur celle des autres enfants du même âge. C’est une source de désarroi pour l’entourage (parents, proches, enseignants), mais aussi pour l’enfant lui-même qui la perçoit et qui peut se sentir en grande détresse.
Le potentiel de développement n’est pas identique chez tous les humains. L’environnement peut jouer un rôle stimulant ou au contraire inhibiteur. Les surexcitabilités des personnes vont les pousser à sortir des normes de leur environnement pour trouver un terrain d’expression approprié. Mais il y a aussi une dimension plus mystérieuse (que Dabrowski a baptisé du nom peu parlant de « troisième facteur ») qui pousse certaines personnes à « grandir encore et toujours » (quel que soit le nom qu’elles mettent dessus) alors que d’autres ressentent moins ce besoin. Les humanistes y verraient peut-être le potentiel d’actualisation cher à Maslow et à Rogers. D’autres y verront d’autres choses encore. Mais l’essentiel est que le fait demeure.
Que ce soit dans la continuité de leurs parents ou dans la promotion sociale, les sociétés humaines programment leurs enfants à s’insérer en leur sein en respectant les règles existantes sans les remettre en cause. Or les personnes surefficientes mentales sont incapables de ce conformisme. Leurs surexcitabilités, leur conscience de l’écart entre là où elles en sont à un moment donné avec là où elles aspirent à être, leur conscience de ce qu’est la société qui les entoure par rapport à ce qu’elle devrait être et leur potentiel de développement atypique vont inexorablement les pousser à sortir des rails qui sont prévus pour elles.
Les premières crises de remise en question ont le plus souvent des causes extérieures. La mort est un facteur déclenchant fréquent, mais il peut y en avoir bien d’autres. Naître et grandir dans une famille abusive peut en être un, tout comme naître et grandir gay, lesbienne, bi, trans ou intersexe dans un environnement familial qui nie l’existence de ces manières d’être au monde. Et il y en a tant d’autres. Ces événements vont précipiter les personnes dans des crises existentielles extrêmement profondes, qui peuvent les amener au bord de la mort. Mais, dans la mesure où elles sont capables de les traverser avec succès, elles en sortent grandies. Si tel n’est pas le cas, elles peuvent se retrouver dans des parcours de vie très lourds, dans lequel leur part d’ombre va s’exprimer de nombreuses manières.
Dans la vie des personnes surefficientes, les crises de croissance vont se succéder. Le moins que l’on puisse dire est que c’est rude à vivre. Mais elles vont passer d’une situation dans laquelle, elles faisaient face comme elles pouvaient à une situation qui les dépassait, un peu comme une personne qui se retrouve à l’eau sans savoir nager, à une autre dans laquelle elles sont conscientes de ce qui se passe, dans laquelle elles peuvent agir délibérément, prendre en main leur chemin et avancer résolument. Certaines arrivent à un moment où elles sont capables de percevoir d’elles-mêmes les pistes de croissance et où elles sont assez solides pour prendre le risque de se mettre délibérément en déséquilibre pour en profiter et continuer leur chemin. Camille Lamarre symbolise ce chemin comme un parcours dans une chaîne de montagnes, ce qui me paraît assez juste.
Chemin faisant, les personnes vont être de plus en plus conscientes de qui elles sont, de ce qu’elles ressentent, de ce qui est juste et désirable à leurs yeux. Elles auront développé une éthique personnelle, elles seront en mesure de l’assumer et de l’affirmer, ceci quitte à devoir s’opposer à la société qui les entoure.
Ceci signifie qu’il existe des mal-adaptations à une société qui, contrairement à la vue habituelle, sont en fait des signes de santé mentale, de lucidité, d’intégrité et de justesse. Le savoir ne rend pas la vie plus facile, mais en avoir conscience peut néanmoins mettre du baume au cœur pour les personnes surefficientes qui se trouvent dans cette situation.
Une autre conséquence est que, toujours contrairement à la vue habituelle, la santé mentale n’est pas l’absence de trouble ou de souffrance. Bien au contraire, certaines crises sont indispensables et elles doivent être traversées pour grandir, et ceci même si elles mettent la personne dans un état de très grande détresse. En fait, un état de trop grande adaptation peut simplement être le signe que la personne est incapable d’entreprendre ce chemin, et qu’elle reste l’objet des déterminismes de son entourage. Ou pire encore, il s’agit d’un-e sociopathe ou d’une autre forme de personne incapable d’empathie dont l’humanité souffre tant, mais que les sociétés humaines révèrent et favorisent.
Dabrowski rythme le parcours des personnes en décrivant cinq étapes de développement, cinq niveaux de personnalité, en partant du premier (sous le nom « d’intégration primaire ») qui décrit une personne qui se contente d’être le jouet des déterminismes sociaux qui l’entoure jusqu’au niveau cinq (sous le nom « d’intégration secondaire ») qui décrit une personne complètement dégagée de ces déterminismes, qui a fait le chemin nécessaire pour se déployer pleinement en tant qu’être humain dans toutes ses dimensions, à commencer par l’empathie, le souci et le soin des autres et de la Terre Mère. Ce chemin de développement est tout sauf égotique.
Très clairement, Dabrowski hiérarchise ces niveaux. Pour lui, être au cinquième niveau est bien mieux que d’être au premier, décrit comme « beaucoup plus bas ». Ceci peut heurter le sens démocratique de nombreuses personnes, dont je suis. Ceci dit, le fait de décrire des parcours de vie à l’aide de niveaux, d’en mettre trois, cinq, sept ou onze, relève finalement de l’arbitraire. Mais, quelle que soit la description choisie, cela peut aider certaines personnes à prendre mieux conscience du chemin qu’elles ont fait et des fruits que ce dernier porte déjà dans leur vie.
Certaines personnes, en particulier les professionnel-le-s de la relation d’aide qui accompagnent des personnes surefficientes mentales vont prendre le temps de lire Dabrowski et ses élèves en profondeur. D’autres vont peut-être se contenter de la présentation en français de Mme Lamare et d’une autre très bonne présentation en langue anglaise [7]. L’essentiel est, comme toujours, d’en prendre ce qui est pertinent pour soi et pour son parcours de vie à un moment donné, «to eat the meat and spit the bones» [8], comme on dit en anglais. Quoi qu’il en soit, il me semble qu’être capable de mettre le doigt sur ses propres surexcitabilités, de prendre conscience de son potentiel de développement, de où nous en sommes sur notre chemin, du fait que certaines de nos inadaptations à la société qui nous entoure nous honorent et que certaines de nos détresses sont essentielles pour grandir sont propres à nous rasséréner et à nous aider à trouver notre chemin dans le labyrinthe que peut parfois être notre vie.
[3] Kasimierz Dabrowski ; Personnality shaping through positive disintegration ; Red Pill Press, 2015
[4] Kasimierz Dabrowski ; La formation de la personnalité par la désintégration positive ; Editions Pilule Rouge ; 2016
[5] Patricia Lamare ; La théorie de la désintégration positive de Dabrowski – Un autre regard sur la surdouance, la santé mentale et les crises existentielles ; CreateSpace Independent Publishing Platform ; 2017
Kaiseregg im Sonnenuntergang, February 2011 Source wikimedia commons
Bien avant son guide de survie pour personnes empathes, Judith Orloff a publié un texte intitulé « Emotional freedom » [1] dont le but est d’aider les personnes à vivre beaucoup plus sereinement et plus librement leur vie.
Dans ce livre, l’auteure utilise un ton personnel et recourt à ses propres expériences pour décrire cinq thématiques de base, suivi de sept transformations qui ont pour but de nous aider à vivre dans une sérénité certaine et sans plus être affecté-e-s par les aléas de nos vies.
Les thématiques de base qu’elle aborde sont le fait d’avoir un regard positif sur la vie, la gestion de ce qu’elle appelle la « négativité », la manière dont elle recourt aux rêves pour se guider, l’importance d’avoir conscience de son « style émotionnel » (intellectuel, empathe, rocher, l’exubérant-e extraverti-e) avec les forces et faiblesses de chacun. Elle finit cette partie par des outils destinés à aider les personnes à lutter contre les « vampires émotionnels » qui sucent votre énergie et réduisent à néant votre sérénité.
Les sept transformations qui suivent sont : faire face à la peur et construire le courage, faire face à la frustration et construire la patience, faire face à la solitude et construire la connexion, faire face à l’anxiété et construire le calme intérieur, faire face à la dépression et construire l’espoir, faire face à la jalousie et construire l’estime de soi, et, pour finir, faire face à la colère et construire la compassion. Pour chacune d’entre elles, elle donne des outils pratiques, beaucoup basés sur la guidance au travers des rêves, la méditation et la visualisation.
Toutes ces thématiques sont pertinentes, d’une manière ou d’une autre. Par exemple, c’est un fait que d’avoir une vision positive de la vie et de se voir évoluer avec succès est un facteur qui aide nettement plus à réaliser les changements qu’une personne souhaite, que si elle est dans une dépression profonde. Ceci dit, certains sujets qu’elle aborde sont, à mes yeux, considérablement plus complexes que la manière dont elle les traite et certaines thématiques tout aussi pertinentes manquent complètement et c’est parfois assez surprenant.
Dans son texte, elle insiste énormément sur l’importance d’éliminer la « négativité », c’est-à-dire toute sorte d’émotions plus ou moins désagréables, et de les remplacer par de la « positivité », c’est à dire de la sérénité. Je ne crois pas connaître qui que ce soit qui préfère vivre durablement de solides déprimes plutôt que de vivre sereinement et d’avoir de nombreuses joies. C’est un fait aussi qu’il est essentiel d’aider des personnes qui sont dans de grandes souffrances de longue durée et qui ne peuvent en sortir. Les exemples de personnes en dépression grave, ou qui sont dans une immense colère et en veulent à la terre entière sans pouvoir trouver de sérénité, me viennent à l’esprit. Ceci dit, il y a dans les termes « négativité » et « positivité » un jugement de valeur qui me pose problème. Les émotions désagréables sont fondamentalement utiles, elles sont le signe de dysharmonies qui appellent à être corrigées. En tant que tel, il est indispensable de les respecter, de les accueillir et de les décoder. Par ailleurs, il est des crises dont on ne se sort vraiment qu’en les traversant de bout en bout, aussi douloureux que ce soit. A vouloir faire disparaître à tout prix les signaux d’alerte qui les accompagnent, la personne peut en être soulagée momentanément, mais elle risque fortement de stagner et de tourner en rond.
L’auteure insiste beaucoup sur l’importance de la spiritualité et sur combien celle-ci peut aider les personnes à se faire guider pour garder espoir et pour trouver un chemin. Si je peux tout à fait entendre qu’il en est ainsi pour elle et pour de très nombreuses personnes qui ont trouvé une dimension spirituelle dans leur vie, il se trouve que c’est un aspect de l’expérience humaine qui varie très fortement de personne en personne. Et on ne s’engage pas sur un chemin spirituel comme on choisit de commencer un régime. Les personnes pour qui cette dimension est importante ont fait des expériences qui les ont changées et qui ont changé leur vie. Cela ne se commande pas.
L’auteure arrive inévitablement et à plusieurs reprises sur la nécessité de pouvoir prendre conscience de son propre ressenti et de le mettre en mots. Mais elle ne thématise pas vraiment ce sujet en tant que tel, et encore plus surprenant, elle oublie de mentionner les outils qui existent de longue date pour aider les personnes à mieux y arriver. Le focusing [2] est un de ceux que je connais le mieux, qui est décrit, connu et éprouvé depuis des décennies. Je m’étonne qu’une psychothérapeute de grande expérience ne cite pas ce dernier, ou, au moins, une alternative.
Si les rêves peuvent nous guider, si les visualisations et les méditations peuvent être utiles, il est des difficultés qui résistent et face auxquels ces outils restent sans effet. C’est en particulier le cas des traumatismes dont souffrent de très nombreuses personnes. Il se trouve qu’on commence à avoir des outils un peu plus efficaces que de faire «20 ans de thérapie pour essayer d’en dégager le noyau ». Je pense en particulier à l’EMDR [3] et au somatic experiencing [4]. Même si cela n’est pas le cœur du sujet de l’auteure, les traumas sont des obstacles majeurs dans le chemin de libération d’une personne qui vont rendre inopérants les outils qu’elle propose, tant que ces traumas n’auront pas été pris en charge sérieusement. Vu l’expérience de l’auteure, je m’étonne que ce point ne soit pas thématisé au moins brièvement d’une manière ou d’une autre.
Un autre point qui n’est pas abordé est le fait que les souffrances que nous traversons ne sont pas toutes dues à des faiblesses ou à des manques, mais elles sont aussi le fruit de nos richesses et de la confrontation de ces dernières avec la société humaine. C’est ainsi que, par exemple, toutes les personnes qui ont un solide sens éthique en elles ne peuvent que souffrir dans le monde du travail actuel. Que faire face à cette situation ? Quelle est la part de lutte inévitable et indispensable ? Quelle est la part de « faire avec le réel tel qu’il est » ? Et peut-on réellement rester serein face à cette facette de l’existence quand on est un être pleinement conscient ?
Les êtres humains étant très divers, il y a aussi le cas des personnes HP (zèbres, surefficients mentaux, etc.). Leur chemin de vie a ceci de particulier qu’il est marqué par des crises de croissances majeures et très profondes qui peuvent être très douloureuses et longues à traverser [5]. Pouvoir traverser ces crises avec succès est un enjeu fondamental dans le parcours de vie des personnes HP. C’est loin d’être facile, ça ne ressemble en rien à de la sérénité ou à de la joie, et, pour y arriver, il est indispensable de trouver en soi le courage de traverser le désert. Les personnes HP s’en passeraient bien et la souffrance peut être telle durant ces crises qu’elle peut parfois être diagnostiquée à tort comme un trouble de santé mentale [6]. L’enjeu pour ces personnes, si elles n’y arrivent pas, est de tourner en rond, voire de régresser, dans leur chemin de croissance personnelle, ce qui est aussi accompagné d’une importante souffrance et ce qui ne fait que reporter à plus tard les obstacles à dépasser.
Judith Orloff – emotional freedom
Tout ceci fait que, si cet ouvrage aborde de manière pertinente des thématiques qui le sont tout autant, il ne constitue pas pour moi l’alpha et l’oméga du chemin de développement de libération de ses souffrances, loin de là. Certains éléments essentiels manquent et les enjeux sont à mes yeux plus larges que la manière dont ils sont abordés dans cet ouvrage. Pour finir, il est des souffrances qui sont inhérentes à la vie, qu’elles soient liées à la condition de la personne, aux nombreuses et graves limites de sociétés humaines ou au processus de croissance intérieure d’un être humain. De ce fait, cela me semble même illusoire de pouvoir imaginer vivre sereinement l’essentiel du temps. Etre capable de traverser des crises sans perdre espoir et pouvoir vivre une certaine égalité d’humeur le reste du temps me semble plus réaliste et atteignable.
[1]
Judith Orloff ; Emotional Freedom: Liberate Yourself from Negative Emotions and Transform Your Life; Harmony; (Reprint) ; 2010
Il existe une traduction française dont j’ignore la qualité :
Judith Orloff; Liberté émotionnelle : Libérez-vous de vos émotions négatives et retrouvez un parcours hors de la souffrance; Ariane Editions ; 2009
[2]
Eugene T. Gendlin; FOCUSING – Au centre de soi; Editions de l’Homme, collection : Alter Ego; 2006
Eugene T. Gendlin; Focusing-Oriented Psychotherapy: A Manual Of The Experiential Method: Guilford Press ; 1996
[3]
Francine Shapiro: Eye Movement Desensitization and Reprocessing Therapy: Basic Principles, Protocols, and Procedures; Guilford Publications; 3rd New edition ; 2017
Francine Shapiro & Margot Silk Forrest; EMDR: The Breakthrough Therapy for Overcoming Anxiety, Stress, and Trauma; Basic Books; 2nd edition ; 2016
Francine Shapiro; Getting Past Your Past: Take Control of Your Life With Self-Help Techniques from EMDR Therapy; Rodale Incorporated ; 2013
Cyril Tarquinio & Pascale Tarquinio; L’EMDR: Préserver la santé et prendre en charge la maladie; Elsevier Masson ; 2015
[4]
Peter A. Levine Ph.D.; In an Unspoken Voice: How the Body Releases Trauma and Restores Goodness.; North Atlantic Books; 2010
Peter Levine; Healing Trauma: A Pioneering Program for Restoring the Wisdom of Your Body; Sounds True Inc; 2008
Peter A. Levine Ph.D. & Maggie Kline; Trauma Through a Child’s Eyes: Awakening the Ordinary Miracle of Healing; North Atlantic Books; 2006
[5]
Kazimierz Dabrowski; Personality-Shaping Through Positive Disintegration; Red Pill Press; 2015
Il existe une traduction française dont j’ignore la qualité :
Kazimierz Dabrowski; La formation de la personnalité par la désintégration positive; Les Editions Pilule Rouge; 2017
Kazimierz Dabrowski M.D. Ph.D.,; Positive Disintegration; Maurice Bassett ; 2017
Sal Mendaglio; Dabrowski’s Theory Of Positive Disintegration; Great Potential Press ; 2008
James T Webb; Searching for Meaning: Idealism, Bright Minds, Disillusionment, and Hope; Great Potential Press ; 2013
Patricia Lamare; La theorie de la desintegration positive de Dabrowski: Un autre regard sur la surdouance, la santé mentale et les crises existentielles; CreateSpace Independent Publishing Platform ; 2017
[6]
James Webb; Misdiagnosis and Dual Diagnoses of Gifted Children and Adults: ADHD, Bipolar, OCD, Asperger’s, Depression, and Other Disorders (2nd Edition) (Anglais) Broché – 1 novembre 2016; Great Potential Press ; 2016
Spray towers over the 57-foot-tall Ludington Lighthouse in Michigan as a storm packing winds of up to 81 mph howled across the Midwest and South on Tuesday, Oct. 26 2010. Jeff Kiessel, Ludington Daily News, Source: Wikimedia commons
Avez-vous parfois été considéré-e par d’autres comme «beaucoup trop sensible» ?
Est-ce que les disputes violentes et les cris vous rendent malade ?
Est-ce que les foules vous épuisent, au point que vous avez besoin de vous retrouver seul-e pour récupérer ?
Est-ce une nécessité pour vous de vous rendre par vous-même aux événements sociaux, afin de vous permettre de pouvoir rentrer plus vite, si vous en ressentez le besoin ?
Vous arrive-t-il de manger beaucoup, voire trop, pour faire face au stress ?
Avez-vous remarqué que vous absorbez le stress, les émotions ou même les symptômes physiques des autres ?
Avez-vous fortement besoin de la nature pour vous ressourcer ?
Avez-vous besoin de long temps de récupération pour vous retrouver après avoir interagi avec des personnes difficiles ou des « vampires » qui absorbent votre énergie ?
Préférez-vous les relations sociales en tête à tête ou en petits groupes ?
Avez-vous besoin de vivre dans de petites localités, voire en pleine campagne ?
Alors, il est possible que vous soyez un ou une empathe, c’est-à-dire une personne dont la sensibilité est telle qu’elle absorbe les émotions, les sentiments et les réactions des autres sans être en mesure de s’en protéger comme le font la majorité des personnes.
Si l’expérience n’est pas nouvelle, elle est longtemps restée tabou en occident. Ce terme est relativement récent, et il a encore une connotation plutôt liée à l’ésotérisme et à des parcours de vie en dehors des normes établies en matière de croyances ou de mise en mot de son parcours de vie.
Il se trouve que les empathes ont trouvé une ambassadrice intéressante et très pertinente dans la personne de la Dr. Judith Orloff, elle-même empathe et docteur en psychiatrie. Elle a travaillé dans le monde hospitalier entre 1979 et 1983, date à laquelle elle a ouvert un cabinet privé. Elle est également membre de l’association américaine des psychiatres (1). Elle a commencé à publier en 1996 (2) et n’a pas cessé depuis. Ses livres sont intentionnellement écrits pour être accessibles au plus grand nombre, tout en conservant un appareil de note permettant aux professionnels de vérifier sur quoi elle se fonde pour tenir ses propos.
Le Dr Orloff est venue au cœur de son sujet avec son tout dernier ouvrage, «The empath survival guide» (3), autrement dit le guide de survie pour personnes empathes.
Judith Orloff; The Empath survival guide – Life strategies for sensitive people; Sounds True, 2013
Dans ce texte, elle a pris le risque de s’exprimer personnellement et humainement. Elle parcourt les différentes dimensions de ce que cela peut signifier que d’être un-e empathe pour de nombreuses personnes. Elle donne des clefs pour aider les personnes à se situer par elles-mêmes et des outils pour faire face aux situations de leur quotidien.
Elle aborde les différentes formes d’expériences d’être empathes : physique (quand on absorbe les symptômes physiques de l’autre), émotionnelle (quand on absorbe les émotions d’autrui au point d’être parfois une « éponge émotionnelle »), intutif-ve (pour les personnes dont les intuitions vont très largement au-delà de ce qu’on met usuellement sous ce terme).
Nombre de ces personnes ont beaucoup de difficultés à se protéger, comme une maison ouverte aux quatre vents, et se retrouvent de ce fait souvent en demande d’aide envers les professionnel-le-s de la santé. Ce faisant, elles risquent fort d’être diagnostiquées à tort comme dépressives, bipolaires, voire psychotiques, et d’être soumises à une médication lourde qui ne les aide pas et qui a de nombreux effets secondaires.
Pouvoir mettre un mot sur qui elles sont et sur ce qui influence leurs parcours de vie va aider les personnes à se retrouver, à reprendre la direction de leur existence, à réduire très fortement voire à se débarrasser de traitements médicamenteux inutiles et handicapants et à chercher de nouvelles pistes pour mener leur existence.
Chemin faisant, Judith Orloff donne de nombreuses pistes utiles et des outils pertinents concernant les émotions et la santé, les addictions, les relations amoureuses, l’autoprotection face aux narcissiques pervers, l’éducation des enfants, le monde du travail, la création de groupes de soutien mutuel, etc.
Cet ouvrage est clair, direct, agréablement écrit, fluide et il se lit facilement. En ce qui me concerne, il m’a permis de mettre un mot sur un ensemble de nombreuses observations qui étaient restées éparses et dont je ne sentais pas trop que faire. Pouvoir mieux intégrer cette dimension dans la manière dont je conduis ma vie est m’important.
Le chapitre un peu faible de cet ouvrage, en ce qui me concerne, est celui que j’attendais le plus : comment faire face dans ma propre vie professionnelle, souvent rocailleuse et dans celle de nombreuses autres personnes, parfois encore bien pire. La stratégie principale proposée par le Dr Orloff est d’être indépendant-e, afin de pouvoir mettre une distance entre soi et les turpitudes du monde de l’entreprise et en tout cas assez autonome pour pouvoir s’isoler quelques minutes avant des situations qu’on prévoit difficiles.
En plus de ne pas toujours être possible (certaines personnes peuvent avoir des engagements qu’elles ne peuvent pas lâcher du jour au lendemain), cette stratégie risque de se limiter à échanger les stress dus aux collègues et aux employeurs avec ceux dus aux clients. Est-ce réellement un gain ? J’ai de sérieux doutes. Par ailleurs, la mode actuelle des « open space » en entreprise, l’accélération des activités professionnelles et la rapidité avec laquelle certaines situations peuvent dégénérer fait que les personnes n’ont souvent pas le loisir de s’isoler, mêmes quelques minutes, avant de faire face à une situation dont elles sont prévenues qu’elle va être conflictuelles. Elles le découvrent et doivent y faire face dans l’instant! Que faire pour pouvoir vivre et gérer au mieux ce genre de situation, particulièrement difficile quand on est empathe, reste pour moi une question ouverte.
Mais, en ce qui concerne les autres dimensions abordées par Judith Orloff, cet ouvrage me semble extrêmement pertinent et je ne doute pas qu’il va aider de nombreuses personnes qui se retrouvent dans les propos de Judith Orloff à mieux mener leur vie. C’est déjà beaucoup.
(2) Judith Orloff ; Second Sight: An Intuitive Psychiatrist Tells Her Extraordinary Story and Shows You How to Tap Your Own Inner Wisdom ; Three Rivers Press (CA) Mar-2010 (pour l’édition actuelle)
(3) Judith Orloff ; The empath survival guide – life strategies for sensitive people ; Sounds True ; mars 2017
Ce texte est complété par un ensemble de CDs, ayant pour titre : « Essential Tools for Empaths: A Survival Guide for Sensitive People », auprès du même éditeur
Thaïlande – Ko Phi Phi – Maya Bay, un des lieux qui serait un paradis sur Terre, source Wikimedia Commons
Bien des années après « dying to be me » (1), livre où Anita Moorjani raconte son parcours de vie, sa maladie, son expérience de mort imminente, sa guérison miraculeuse et la sagesse qu’elle en a retirés, elle vient de publier « what if this is heaven ? » ((2), la traduction française doit sortir tout prochainement). Dans ce nouvel ouvrage, elle affirme qu’il n’y a aucune raison pour que l’existence sur cette terre soit l’enfer que tant de personnes expérimentent et qu’elle pourrait, au contraire être bien plus proche de ce que nous qualifions de paradis. Elle développe son argumentation en abordant une dizaine de mythes qu’elle s’active à démonter. Chacun d’entre eux est présenté sous la forme d’un entretien avec une personne. Ces derniers sont inspirés d’entretiens qu’elle a réellement eus, mais sous une forme anonymisée et retravaillée.
Le nouveau livre d’Anita Moorjani
Trois de ces mythes me paraissent particulièrement importants et elle a clairement marqué un point, en tout cas à mes yeux, sur ces sujets.
Le premier de ces points concerne notre système de santé. Elle affirme, à mon avis avec raison, que malgré les centaines de milliards de dollars dépensés dans ce dernier, il ne se préoccupe pas de notre santé, mais uniquement de lutter contre les maladies. En d’autres termes, rien n’est fait ou presque pour apprendre aux personnes comment vivre une vie plus saine, plus longue et plus satisfaisante, ce qui ne peut que contribuer à réduire leur risque de tomber malade et donc d’avoir besoin dudit « système de santé ». En cas de maladie, rien n’est fait non plus pour aider les personnes à mobiliser leurs ressources, ça n’est même pas considéré comme un sujet pertinent.
À mes yeux, cette affirmation est factuelle. Je constate que le problème n’est pas restreint au système de santé, mais étendu à toutes nos sociétés. Par exemple, récemment, le parlement suisse a obstinément refusé de financer des programmes de prévention au niveau national (3). Il a prétexté que ce sujet dépend des cantons et que la confédération doit faire des économies. Comme lesdits cantons doivent eux aussi faire des économies, personne ne fait rien et ça peut continuer comme cela pendant des décennies ! Sans être sûre de ce que je dis (je n’ai pas pu vérifier), je fais aussi le pari que la recherche en matière de prévention et de tout ce qui peut nous garder en santé est le parent pauvre de nos systèmes académiques. Sortir nos sociétés de cette situation va exiger un effort énorme et de nombreuses années, à supposer même qu’elles veuillent évoluer.
Le deuxième sujet sur lequel elle me semble avoir raison et un point très important concerne son affirmation selon laquelle même les personnes les plus spirituelles ont un égo et qu’il ne peut pas en être autrement.
C’est cet ego, ce « moi-je » qui nous permet de prendre conscience de nos ressentis et de nos affects, de nous connaître et de diriger notre vie. Sans ce dernier, nous sommes tout simplement incapables de fonctionner et nous serions réduits à une vie végétative (ou à mourir très vite). C’est donc d’autant plus étonnant et d’autant plus bizarre que certains mouvements spirituels mettent tellement d’énergie à le diaboliser et à en faire quelque chose qui doit absolument être réduit à la portion la plus petite possible. Les conséquences sont importantes quand de nombreuses personnes sont incapables de se respecter elles-mêmes et se font systématiquement passer après tous les autres. Cela laisse la porte ouverte à de très nombreux dysfonctionnements, en particulier sur le plan relationnel.
Elle remarque aussi que de nombreuses personnes souffrent de ce qu’elles appellent « l’ego » d’une personne de leur entourage. Mais, quand elles s’expliquent, ce dont il est question n’est pas tant l’égo de la personne, que son absence de sensibilité, son incapacité d’écoute, son lourd handicap relationnel, son absence d’empathie, voire son trouble de la personnalité sévère. C’est profondément différent et il convient de ne pas confondre.
Anita Moorjani présente le troisième de ces points via un événement qui lui serait arrivé lors de l’une de ses conférences. Lors du moment de questions de cette dernière, une jeune femme se serait levée et lui aurait demandé, d’une voie pleine d’émotion, ce qu’elle avait à dire au sujet de son très jeune enfant qui venait de mourir. Anita Moorjani a senti son immense douleur et sa détresse. Plutôt que de lui dire que son enfant était bien et en sécurité dans le monde des êtres désincarnés et qu’il était toujours avec elle, sensible à son immense douleur, elle est restée silencieuse, s’est levée, s’est approchée d’elle et l’a prise dans ses bras. À mes yeux, c’était la seule chose humaine et respectueuse à faire. C’est aussi pour moi le signe d’une personne assez humaine et sensible pour être capable de sortir de ses certitudes et d’aller à la rencontre de l’autre. C’est tout à son honneur. C’est aussi la confirmation qu’il n’est pas toujours possible d’être positif, qu’il est des situations ou c’est déjà bien (et juste) d’être vrai et sincère.
L’auteure aborde d’autres points qui me paraissent sensés, mais pour lesquels les choses sont à mes yeux plus complexes.
Elle utilise le trauma qu’elle a subi à l’école en raison des harcèlements incessants qu’elle y a subis (sans que ses professeurs ne la protègent), le sentiment de honte et d’être déficientes qu’elle a acquis suite à cela pour affirmer avec raison que ce qui nous arrive n’est pas nécessairement ce que nous méritons. En l’occurrence, il est beaucoup plus question de la profonde insécurité de ses camarades qui l’ont projetée sur elle en la harcelant sans relâche, que d’elle-même. Si je ne peux qu’adhérer à ce constat, je ne peux pas la suivre par la suite, quand elle en conclut que « les deux parties ont joué leur rôle dans cette scène de la vie humaine ».
Je veux bien que la profonde insécurité de ses camarades explique leur motivation, mais cela n’excuse ni ne légitime leurs actes. Par ailleurs, si Anita Moorjani a vécu une expérience extraordinaire qui lui a permis de se libérer d’un coup et sans effort du trauma que ce harcèlement a induit, elle ignore les conséquences dévastatrices et a très long terme qu’ont les traumas sur les autres êtres humains, ainsi que la durée et la très grande difficulté du travail qui est nécessaire pour s’en libérer, même avec les outils les plus efficaces à notre disposition.
Un autre chapitre est consacré au fait que de s’aimer soi-même n’a rien d’égoïste et que nous avons toutes et tous droit à une vie heureuse et satisfaisante. Si je peux aussi entendre cette affirmation, je me demande toujours ce que cela signifie vraiment que « de s’aimer soi-même, de reconnaitre que nous sommes faits d’une énergie divine et que nous sommes des êtres lumineux ». En ce qui me concerne, je constate que la simple exigence de me respecter au moins autant que je respecte les autres est déjà tout un chemin ! Et pour ce qui concerne le fait d’avoir une vie heureuse et satisfaisante, il me semble que nous devons toutes et tous faire avec les circonstances de vie qui sont les nôtres et qui sont loin d’être toujours optimales. Nous pouvons mettre beaucoup d’énergie à les changer et cela peut fonctionner au moins dans une certaine mesure. Mais il me semble qu’il y a toujours une limite sur laquelle nous finissions par buter. Et que faisons-nous à partir de là ?
Un chapitre est consacré à des situations dans lesquelles des personnes qui vivent des situations problématiques ne peuvent pas imaginer qu’il en va différemment des autres. Pleines de bonnes intentions, elles mettent beaucoup d’énergie à essayer d’influencer leurs proches pour que ces derniers adoptent les mêmes pratiques qu’elles-mêmes. Il y a effectivement toujours un risque à projeter ses propres histoires sur l’autre. Mais ce problème est connu, documenté et une personne avertie de son existence a tous les moyens nécessaires pour l’éviter. D’un côté de ce type de situation, il est nécessaire de toujours garder à l’esprit que l’autre est, justement, autre et qu’il peut y avoir une immense différence entre deux parcours de vie, deux situations apparemment semblables. De son côté, la personne qui sent qu’autrui projette sur elle sa propre situation et essaie de l’influencer va devoir s’affirmer et dire clairement « non », même si ça n’est pas facile pour tout le monde.
Un autre chapitre encore est consacré au fait que les femmes ne constituent pas un sexe plus faible que celui des hommes. Le sujet est traité via une conversation qu’elle aurait eue avec une jeune femme provenant d’une société particulièrement patriarcale. Cette jeune femme est en désaccord avec son compagnon au sujet de l’éducation de leur fille et elle est en grand désarroi quand elle constate que les autres hommes de sa communauté refusent de l’entendre. La conversation est intéressante. Mais l’auteure ne va pas jusqu’au fond du sujet. Elle évite de dire à cette jeune femme que, si elle entend vraiment protéger sa fille, elle va devoir très fortement s’affirmer quitte à s’opposer à son compagnon et à prendre des risques potentiellement importants. Plus loin, alors même qu’elle constate que, sous le vernis extérieur, le fond patriarcal n’est vraiment pas loin même dans les sociétés occidentales (4), elle n’aborde pas non plus le fait que les femmes doivent, de ce fait, encore prendre grand soin de défendre vigoureusement leurs droits dans ces mêmes sociétés.
Pour finir, ma vraie réserve concerne son affirmation selon laquelle il serait possible de transformer cette existence en quelque chose de paradisiaque.
En prenant soin de soi, en se respectant profondément, en se libérant de ses traumatismes, en s’affirmant quand c’est nécessaire, j’entends volontiers qu’il est possible de singulièrement améliorer sa qualité de vie, mais sans pour autant qu’il soit possible de parler de paradis. De plus, ce changement ne va pas de soi. Les résistances intérieures peuvent être très fortes, le chemin long, tortueux et compliqué. Les autres sont aussi susceptibles de s’y opposer fortement et le nombre de femmes qui succombent chaque année à un féminicide nous rappelle jusqu’où certains sont susceptibles d’aller.
D’autres changements sont à plus large échelle et nécessitent une évolution de toute la société. Or cela fait des millénaires, au moins, que des personnes particulièrement sensibles et douées mettent les doigts sur ces changements et sur les moyens à notre portée pour y arriver. Cela fait tout aussi longtemps qu’elles subissent les foudres de la société pour ce faire, quand elles n’y perdent pas la vie ! Il y a un moment où nous n’avons plus trop d’autre choix que de faire tant bien que mal avec les limites de cette société (ou alors de quitter ce monde) et cela ne contribue pas à faire de cette existence un paradis.
Le dernier point est que quelqu’un doit se charger du travail difficile, le plus souvent pas fun, voire carrément difficile et usant. Et ce sont souvent les êtres les plus sensibles et les plus éthiques qui s’en chargent, quitte à finir encore plus cabossés par la vie après qu’avant.
Ça n’est pas nécessairement fun et excitant que d’être régulièrement dans un service d’urgence a cinq heures du matin, disponible pour des personnes qui sont entre la vie et la mort. Ça n’est pas nécessairement fun et excitant de prendre soin de personnes très âgées, totalement dépendantes. Ça peut être encore pire quand, dans leur délire, elles vous couvrent d’injures et de coups. Ça n’est pas particulièrement fun non plus de passer une grande part de sa vie à défendre les droits humains, quelle que soit la cause, en effectuant un travail qui peut être épuisant, dans lequel les échecs sont bien plus nombreux que les réussites et dans lequel vous êtes parfois trahi par ceux-là mêmes que vous défendez ! Ça n’est pas nécessairement fun et excitant de mettre toute son énergie à œuvrer à faire évoluer une organisation pour qui c’est une question de survie et alors qu’une minorité de blocage met une énergie colossale à tout figer quitte à recourir au mensonge et aux pires formes de manipulation. Ça n’est pas fun ni excitant de défendre le territoire et l’environnement de peuples premiers face à des organismes qui n’hésiteront pas une seconde a s’en prendre à votre vie, quand ça n’est pas à celle des vôtres ! On peut continuer encore longtemps, la liste est très longue !
Pour conclure, Anita Moorjani me semble avoir un point sérieux quand elle affirme qu’il y a de nombreux cas où nous pouvons rendre notre vie plus pleine et satisfaisante. Nombre de ses points sont sensés et solides. Par contre, il me semble qu’elle sous-estime fortement la difficulté qu’éprouvent la plupart des êtres humains à évoluer vers plus de plénitude. Et j’ai, pour ma part, de très grosses réserves pour ce qui est de passer de « une vie notablement meilleure » au « paradis sur terre ».
(1) Anita Moorjani, Dying To Be Me: My Journey from Cancer, to Near Death, to True Healing, Hay House, 2012
(2) Anita Moorjani, What If This Is Heaven?: How I Released My Limiting Beliefs and Really Started Living, Hay House, 2016
Grâce à quelques auteures compétentes, expérimentées, sensibles et respectueuses comme Christel Petitcollin, Jeanne Siaud-Facchin et quelques autres, les personnes « hp » de langue française ont à leur service quelques ouvrages qui peuvent les aider à trouver plus facilement un chemin dans la vie (1). En tant que tel c’est très précieux. Ceci dit, la littérature francophone sur les parcours de vie de ces personnes reste limitée. Il n’y a pas de quoi remplir un rayon de bibliothèque d’ouvrages significatifs, de qualité et aidants.
De ce fait, ces mêmes personnes peuvent être intéressées par l’existence d’une autre source d’informations de qualité, à savoir l’éditeur spécialisé de langue anglaise Great Potential Press Inc. (2).
Un des ouvrages de son catalogue est en particulier susceptible d’attirer ce public, car il traite des questions et des crises existentielles quasi permanentes que vivent nombre de personnes hp. Il a pour titre « Searching for Meaning – Idealism, Bright Minds, Disillusionment and Hope » (3).
L’auteur y aborde de nombreuses thématiques, dont l’origine des quêtes de sens particulièrement intenses des personnes hp, des idéaux le plus souvent très élevés de ces mêmes personnes, des désillusions auxquelles les sociétés humaines et leurs propres limites les confrontent, des manières de faire face à ces crises permanentes (certaines étant plus saines ou plus utiles que d’autres), de l’art et de la manière d’arriver à une plus grande sérénité.
Malgré un certain nombre de limites sérieuses, cet ouvrage comporte des remarques et des apports qui me semblent importants et très utiles.
En ce qui concerne les limites, celles qui me semblent les plus problématiques sont les suivantes:
Quand il traite de l’origine des valeurs qu’une personne acquiert au cours de son enfance, l’auteur ne prend en compte que l’entourage et les influences sociales sur cette dernière. Il passe complètement sous silence la référence intérieure de la personne, pourtant particulièrement développée chez les personnes hp, au point de contribuer à les faire se sentir très différentes, voire étrangère à leur environnement et ceci des un très jeune âge. C’est d’autant plus étonnant que l’existence de cette référence intérieure est reconnue par les psychologues humanistes au moins depuis le début des années 60 (4).
La deuxième limite est que cet ouvrage est écrit d’un point de vue totalement matérialiste. Les dimensions de « plus grand que soi » ou d’expériences spirituelles que peuvent vivre les personnes hp n’y ont aucune place. Chacun est, bien sûr, libre de ses (non-)croyances, mais les crises auxquelles font face les personnes hp, la difficulté pour elles de trouver un chemin satisfaisant, celle de faire face à leurs désillusions, la difficulté de choisir une voie parmi toutes leurs potentialités (tout en faisant en sorte que le fait de devoir en laisser de côté un grand nombre soit supportable) me font dire que l’expérience spirituelle des personnes hp est pour elle un guide encore plus essentiel que pour les autres personnes (et, ceci, quelle que soit la forme qu’elle prenne).
La question de la survie sur la place de travail n’est pas non plus abordée alors même qu’elle peut s’avérer extrêmement difficile pour les personnes hp. Dans la plupart des univers professionnels, l’exigence de conformité est encore bien plus forte qu’à l’école. Les personnes sont aussi confrontées particulièrement durement a des comportements humains qui sont à des années-lumière de leurs idéaux. Survivre dans un milieu qui peut être extrêmement toxique est d’autant plus difficile qu’on ne choisit pas toujours son job. Il arrive très fréquemment qu’on doive se contenter du peu qu’on trouve et cela peut être extrêmement risqué d’abandonner un poste dans la conjoncture actuelle. Arriver à faire face dans un pareil univers aurait largement mérité un chapitre.
Dans ce texte, il est beaucoup question de la très grande sensibilité et des ressentis très intenses des personnes hp. Par contre, la justesse et la lucidité de nombre des constats faits par ces mêmes personnes ne sont pas reconnues. Or il s’agit d’une dimension du problème. C’est particulièrement douloureux de vivre en constatant de nombreux dysfonctionnements autour de nous, d’avertir de leur existence, de proposer des solutions, de se faire violemment rejeter pour ce faire, puis de constater que tout ce que nous avons vu et prédit se confirme (le tout sans la moindre reconnaissance, bien sûr) !
Au chapitre 6, l’auteur insiste sur l’importance de se connaitre soi-même. Ce constat est essentiel. A être purement cognitifs, les systèmes scolaires coupent d’eux-mêmes les enfants. Les entreprises vont exactement dans le même sens. Des jeunes très doués qui ont un mental puissant et qui se sont particulièrement investis sur le plan cognitif se voient de ce fait encore plus complètement coupés de qui ils sont profondément. Par contre, l’auteur se garde bien de donner des outils efficaces pour se reconnecter aux personnes qui en manqueraient ! c’est ainsi qu’un outil aussi essentiel (et éprouvé) pour retrouver le lien a ses ressentis qu’est le focusing (5) n’est même pas mentionné ! Bref ce chapitre est tronqué de nombreuses pages essentielles pour qu’il puisse vraiment atteindre son but.
A mes yeux, ces limites sont importantes. Mais elles sont contrebalancées par une série d’éléments importants qui font que cet ouvrage vaut la peine :
Dans le même chapitre ou l’auteur insiste sur l’importance de se connaitre moi-même, il finit par suggérer aux personnes de se faire aider. Il ne s’agit pas tant de psychothérapie (être hp n’est pas un trouble, mais une manière d’être au monde) que de trouver un mentor qui comprenne en profondeur ce que c’est que d’être hp et qui puisse aider une personne a se reconnecter avec elle-même, à lire et à faire le tri dans ses ressentis corporels (pour reprendre le terme du focusing), à découvrir les arcanes des relations humaines, à apprendre à faire face à ses désillusions et ses crises existentielles et à trouver un chemin dans son existence alors qu’on s’est bien gardé de lui en donner le mode d’emploi!
L’auteur insiste sur le fait que c’est une problématique essentielle et inhérente au fait d’être hp que d’avoir un haut degré d’idéal, de très douloureuses désillusions quand la société ou la personne elle-même ne correspond pas à ses exigences, et de vivre des dépressions existentielles à répétition. Tout l’enjeu pour la personne est d’arriver à vivre dans une société qui ne répond pas à ses exigences, de faire avec le fait qu’elle-même n’y arrive pas, de trouver quelque chose qui fasse qu’elle sente malgré tout que son existence a du sens, et qu’elle trouve une satisfaction alors même qu’elle ne pourra déployer qu’une petite partie de ses potentialités. C’est l’enjeu d’une vie et c’est là ou certaines manières de « faire avec » sont plus fructueuses que d’autres.
Il fait référence à la notion de « sur-stimulabilité » issue des travaux de Kasimierz Dabrowski. Cette notion dénote les réactions particulièrement intenses des personnes hp, aux manières dont elles se manifestent (Dabrowski définit 5 catégories) aux forces et aux faiblesses que cela peut induire. Ces catégories me semblent intéressantes et pertinentes et elles peuvent aider les personnes à mieux comprendre leurs réactions.
Il liste 12 manières de « faire avec » qui peuvent s’avérer problématiques si on en dépend trop. Ces manières comprennent des comportements comme « avoir une attitude totalement rigide et exiger des autres qu’ils s’y conforment », « se retirer dans sa tour d’ivoire », « s’en foutre complètement », « étourdir son cerveau en particulier via un usage de substances diverses », « être sans cesse dans la colère et la révolte », etc. Si nous recourons toutes et tous à ces techniques à des degrés divers, elles ont l’inconvénient très grave de nous couper de nous-mêmes et des autres. Nous devons donc prendre grand soin de ne pas nous y enfermer.
La partie la plus précieuse et potentiellement la plus utile de cet ouvrage est le chapitre qui traite des techniques pour faire avec, qui sont fructueuses et même fécondes. L’auteur en liste treize. Il y a des pratiques comme « se choisir UNE cause et s’y investir vraiment », « ne jamais oublier son sens de l’humour », « avoir des activités qui permettent d’être en contact physique avec d’autres », « développer des relations authentiques », « profiter du moment présent », « garder à l’esprit les conséquences positives à plus long terme ainsi que les conséquences positives indirectes de ses actes », etc. Sans représenter une panacée, ces recommandations me semblent constituer un tout sensé, susceptible de notablement améliorer la qualité de vie des personnes hp.
Le dernier chapitre traite, entre autres, des recommandations de base de la psychologie du bonheur. A l’exception de l’une d’entre elles qui peut poser de gros problèmes aux personnes qui ont subi des abus et/ou des traumatismes (6) elles me semblent constituer un paquet d’autant plus utile que les personnes hp sont particulièrement peu douées en la matière et que, de ce fait, nous devons tout particulièrement cultiver notre jardin.
En conclusion, cet ouvrage me parait solide et utile et c’est pourquoi je me permets de le signaler. J’espère que sa lecture pourra aider d’autres personnes à trouver leur chemin quitte à, pour reprendre les propos de l’auteur, à « avaler la chair et à en recracher les os” !
(1) Voir, par exemple :
Christel Petitcollin, Je pense trop, Guy Trédaniel, 2010
Christel Petitcollin, Je pense mieux, Guy Trédaniel, 2015
Jeanne-Siaud Facchin, Trop inteligent pour etre heureux? – L’adulte surdoué, Odile Jacob, 2008
Arielle Adda & Thierry Brunel, Adultes sensibles et doués – Trouver sa place au travail et s’épanouir, Odile Jacob, 2015
(2) Great Potential Press Inc (www.greatpotentialpress.com)
(3) James T. Webb, Ph. D., Searching for meaning – Idealism, bright minds, disillusionment and hope, Great Potential Press Inc, 2013
(4) Voir, par exemple, Rogers, Carl. (1961). On Becoming a Person: A Therapist’s View of Psychotherapy. London: Constable (pour l’édition originale), partiellement traduit en français (il manque toujours 5 chapitres dans la version française)
(5) Eugene Gendlin, Focusing, Rider, 2003 (traduit en français)
(6) Dabrowski, K., With Kzwczack, A. Piechowski M. M. (1970) Mental growth through positive disintegration. London Gryf.
(7) La question est celle du pardon. Alice Miller fait, à très juste titre, remarquer que le pardon est utilisé par les systèmes religieux et éducatifs pour protéger les adultes maltraitants qui commettent des actes graves sur les enfants. Le pardon, érigé en vertu, voire en obligation morale, coupe encore plus les victimes de ce qui leur reste de ressenti, contribue à cacher et à renforcer encore leur traumatisme et est une des formes de ce qu’elle appelle le « 11ème commandement : tu ne t’apperçevras de rien ».