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Le végétarisme pour les non-végétariens

Renan Larue, le végétarisme et ses ennemis, vingt-cinq siècles de débats, PUF, 2015
Renan Larue, le végétarisme et ses ennemis, vingt-cinq siècles de débats, PUF, 2015

C’est en faisant un passage de plus dans un de mes lieux de perdition favoris que je suis tombée sur ce petit ouvrage. De là à dire qu’il m’y attendait et qu’il fait partie de la part de sens de ce monde, il n’y a qu’un pas.

Je dois admettre que je n’ai pas pu lâcher ce livre avant de l’avoir fini et qu’il continue de provoquer mon interrogation et ma réflexion. Je connais bien trop mal la littérature sur cette thématique pour pouvoir situer ce livre dans son contexte. Par contre, je peux partager ce qu’il a remué en moi.

Il m’a remuée sur le plan cognitif en m’apprenant que le conflit autour du végétarisme n’est pas récent en occident. En fait, il remonte à la plus haute antiquité dont nous ayons des traces écrites et peut-être même avant. Depuis le début, ce conflit très vif se centre in fine sur le même enjeu, à savoir la place de l’être humain dans la nature et les relations entre celle-ci et nous.

Depuis le début, les végétarien-ne-s ont été vu en occident comme des personnes dangereusement subversives, car refusant de communier aux sacrifices animaux qui étaient érigés en mythes fondateur tout autour de la méditerranée. L’arrivée du christianisme n’a fait qu’aggraver les choses. Quelques qu’aient été les actes et les paroles réelles du Christ, l’église chrétienne naissante en a fait un personnage spéciste et carniste. De ce fait, les végétarien-ne-s était soupçonné-e-s d’hérésie et de vouloir se montrer plus généreux que le Christ lui-même envers les animaux, donc dangereusement suspects. Certains ont été brûlés vifs pour cela.

L’étau a commencé, très lentement, à se relâcher avec l’apparition des lumières et la perte très progressive d’influence de l’église catholique. Chose intéressante, les pays protestants se sont montrés, et depuis longtemps, nettement plus respectueux des personnes végétariennes.

Aujourd’hui, le conflit est plus vif que jamais. Mais la proportion de personnes végétariennes en occident croît lentement. Elles subissent toujours des quolibets, des rejets et les mêmes sempiternelles accusations. Mais on ne peut plus les exclure complètement de la société. L’auteur pense que cette croissance est irréversible, même si les pays latins résistent très fortement, et que l’avenir de l’humanité est de devenir végane.

Pour ma part, je suis sûre que l’auteur est lui-même végan. Mais il est suffisamment rigoureux et intelligent pour présenter les arguments des personnes anti-végétarisme de manière « brute », sans essayer de les contrer. En fait, il décrit séparément à chaque époque les arguments des uns et des autres.

Ce livre me remue profondément et il me semble qu’il devrait remuer de très nombreux enfants doués, eux aussi dotés d’une très grande sensibilité. Ce qui me remue, ce ne sont pas tant les arguments des personnes qui défendent le végétarisme, que ceux de celles qui s’y opposent. Affirmer que d’autres êtres ne sont que des choses dont nous pouvons user et abuser sans le moindre scrupule et le moindre respect m’est insupportable. Affirmer que seuls les êtres humains sont dignes de respect et de compassion m’est insupportable et sonne fondamentalement faux au plus profond de ma conscience. C’est aussi intolérable que le racisme, la misogynie, l’homophobie et la transphobie. Et ce genre de système est basé exactement sur les mêmes arguments dans tous ces cas….

Alors que faire? Nous avons besoin de nous nourrir. Et nous commençons à découvrir que même les végétaux sont infiniment plus sophistiqués que ce que nous avons jamais affirmé à leur sujet (on trouve des choses à ce sujet même dans Science, mais je ne retrouve plus les références). La seule manière de ne plus faire le moindre mal est de disparaître de la surface de cette planète. Mais l’humanité n’est douée ni pour le suicide ni pour l’émigration de masse dans le reste du système solaire. Alors que pouvons-nous faire ?

Faute de pouvoir résoudre les problèmes de l’humanité (qui dénie encore jusqu’à leur existence), je peux faire, comme un colibri face à un feu de forêt, juste « ma modeste part », pour qu’il ne soit pas dit que je ne l’aurais pas faite. Aujourd’hui, cette part consiste à revoir mon alimentation, à éviter tout gaspillage, à réduire au maximum les produits d’origine animale, et à manger toute nourriture avec le plus grand respect, même quand il s’agit de végétaux. Même sans être végan, c’est pour moi un défi.

Et, à terme, je souhaite de tout coeur que l’auteur ait raison quant à l’avenir de l’humanité.