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Etre une guerrière cabossée

Divine Physician An Daoquan (安道全), surgeon, operating on female warrior Gu Dasao (顾大嫂).By Utagawa Kuniyoshi [Public domain], via Wikimedia Commons
Divine Physician An Daoquan (安道全), surgeon, operating on female warrior Gu Dasao (顾大嫂).By Utagawa Kuniyoshi [Public domain], via Wikimedia Commons

De nombreuses femmes ont du traverser une telle quantité d’épreuves traumatiques au cours de leur vie, que le seul fait d’avoir pu y arriver fait d’elles de solides guerrières. De plus, en tout cas dans mon entourage, elles se reconnaissent dans ce terme.

Mais ces épreuves ont inévitablement laissé des traces en elles, parfois jusque dans leur corps. Tant que les plaies ne sont pas guéries (pour certaines d’entre elles c’est l’oeuvre d’une vie), elles restent sensibles. Elles nous rendent particulièrement vulnérables et nous devons apprendre à vivre et composer avec, au moins le temps nécessaire pour aider à les faire guérir.

Se retrouver seule à devoir éduquer des enfants, et avec un revenu très limité, soit faute de qualifications professionnelles soit parce que la prise en charge des enfants rend impossible un travail à plein temps est un facteur de stress majeur, qui dure de nombreuses années et qui rend très difficile la vie de nombreuses femmes.

Les mémoire traumatiques qui résultent des abus subis dans l’enfance sont encore bien plus lourds à porter. Un stress post-traumatique ne s’apaise pas avec le temps. Toute situation qui rappelle de loin où de près les abus subis dans l’enfance les réveillent dans toute leur puissance. Ceci peut rendre la vie extrêmement difficile et pousse les victimes à « réduire leur vie » pour éviter toute situation de cet ordre. Si on ne peut pas faire l’économie du travail nécessaire pour se libérer de ses stress post-traumatiques, on doit faire extrêmement attention à ce que ce travail ne les ravive et ne les renforce pas (*) ….

A moins qu’il ne s’agisse d’accident, les traumatismes subis dans l’enfance ont été infligés dans le cadre d’une relation perverse avec un proche. Cette forme de relation est utilisée par l’adulte maltraitant pour faire croire à l’enfant victime que c’est lui qui est responsable, même coupable, de la situation qu’il aurait largement mérité. Les enfants victimes de ce genre de torture grandissent avec une image très noire d’eux-mêmes, ils n’ont pas de sécurité intérieure, ils se sentent extrêmement vulnérables et n’ont aucune conscience de leur propre part de puissance. Trouver puis intégrer cette conscience est un long travail.

Les femmes qui sont aussi des enfants douées doivent également faire avec leur immense sensibilité et leur clairvoyance. Loin d’être un avantage, il leur faut faire face à l’incompréhension et au rejet des autres qui n’ont pas la même sensibilité. Il faut vivre avec l’impuissance et la douleur issues de l’impossibilité de changer des choses, pourtant évidentes pour nous-mêmes, mais que ceux qui nous entourent ne voient pas.

Certaines d’entre elles vivent en plus avec d’autres formes de différences. Qu’elles soient homosexuelles, trans, extrêmement grandes, migrantes, etc. Il leur faut en plus intégrer, accueillir, assumer puis affirmer ces formes de différence qui sont souvent une autre cause de rejet.

Ca finit inévitablement par faire beaucoup pour une seule personne!

Dans mon humble expérience, trouver son chemin dans le dédale qui résulte de tout cela exige un immense engagement, une très grande détermination, beaucoup de courage, et tout cela dans la durée. Il est indispensable de chercher son chemin de tout son coeur, de toute son âme et avec toute son énergie. C’est aussi indispensable de pouvoir rencontrer les bonnes personnes aux moments clefs, qui, d’une manière où d’une autre vont pouvoir nous aider comme nous en avons besoin dans ces moments là. Qu’est-ce qui fait que certaines personnes y arrivent et d’autres non est, pour moi, un mystère.

Se prendre en main par soi-même et au quotidien est évidemment tout aussi indispensable.  En ce qui me concerne, observer ce que je vis, prendre le temps de mettre en mot mon ressenti a été vital. Prendre grand soin de mes amies et de mes relations l’a été tout autant. Trouver des groupes source de vie, de rencontres, de joie et de bonheur a aussi été très précieux. Dans mon cas, cela a été la Biodanza (**). Trouver le moyen de me libérer de ce qui m’empoisonne au quotidien (entre autre tout ce qui suscite des ressentiments dans le cadre de ma vie professionnelle), de me recentrer, de retrouver ma respiration, ma conscience à moi-même et à mon corps a aussi été important et cela a pris très longtemps. Pour moi, la marche lente en pleine nature, le contact avec la forêt et les arbres est efficace (alors que je n’ai jamais accroché à des outils comme la pleine conscience).

Ce serait présomptueux de ma part que d’affirmer que tous ces moyens rendent la vie radieuse et facile. Mais ils contribuent en tout cas à rendre la mienne vivable, à trouver une certaine paix, à me permettre de goûter tous les bons moments que j’y trouve (ils sont nombreux) et à faire face aux situations difficiles en étant moins affectée par ces dernières.

Mais c’est peut-être aussi cela, être une guerrière.

(*) Voir Peter A. Levine, In an Unspoken Voice: How the Body Releases Trauma and Restores Goodness, North Atlantic Books, 2010

(**) Voir, par exemple, www.biodanza.ch

"Hangakujo". The female warrior samurai Hangaku Gozen by Yoshitoshi (1839-1892). From the series "Yoshitoshi mushaburui: A series of warriors by Yoshitoshi." Published in "The Floating world of Ukiyo-e," essays by Sandy Kita, New York, 2001, no. 72, p. 135. Exhibited at "The Floating world of Ukiyo-e: shadows, dreams and substances," organized by the Library of Congress, 2001. Colour woodcut print, 37 x 25.3 cm.Tsukioka Yoshitoshi [Public domain], via Wikimedia Commons
« Hangakujo ». The female warrior samurai Hangaku Gozen by Yoshitoshi (1839-1892). From the series « Yoshitoshi mushaburui: A series of warriors by Yoshitoshi. » Published in « The Floating world of Ukiyo-e, » essays by Sandy Kita, New York, 2001, no. 72, p. 135. Exhibited at « The Floating world of Ukiyo-e: shadows, dreams and substances, » organized by the Library of Congress, 2001. Colour woodcut print, 37 x 25.3 cm.Tsukioka Yoshitoshi [Public domain], via Wikimedia Commons

 

 

Le millionième cercle

Jean Shinoda Bolen, The millionth circle Conari Press, 2003
Jean Shinoda Bolen,
The millionth circle
Conari Press, 2003

En 2003, la thérapeute Jungienne Jean Shinoda Bolen a publié « The Millionth circle – How to change ourselves and the World – The essential guide to women circles » (« Le millionième cercle – Comment nous changer nous-mêmes et changer le monde – Le guide essentiel pour les cercles de femmes »). Elle avait déjà beaucoup écrit sur les archétypes féminins ((*), (**)) et ses textes sont traduits en de nombreuses langues, sauf, comme d’habitude, en français!

Avec cet ouvrage, Jean Shinoda Bolen a popularisé et réintroduit une tradition de nombre de peuples premiers, à savoir le cercle des femmes du clan. C’est très souvent un espace égalitaire (un cercle), un lieu de pouvoir pour les femmes, un espace de transmission, d’initiation, de solidarité, de stimulation et de compagnonnage.

C’est aussi une tradition que toutes les cultures patriarcales, en appliquant le principe « diviser pour régner » se sont efforcées d’éradiquer totalement. Tant que les femmes sont des rivales et sont complètement centrées sur les hommes, elles ne se constituent pas en tant que groupe et elles ne se révoltent pas pour faire entendre leur voix….

Jean Shinoda Bolen a aussi décrit sa vision en prenant pour analogie l’expérience bien connue de singes macaques  vivant dans des îles japonaises. Sur l’une de ces îles, les singes étaient nourris par les humains qui les étudiaient. A un moment donné, une jeune femelle s’est mise à laver sa nourriture (des patates douces si ma mémoire est bonne) à l’eau de mer. Sa pratique s’est lentement répandue chez tous les jeunes du clan. Avec le temps, les autres clans de singes de cette même île se sont mis à faire de même. Plus tard encore, tous les clans de toutes les îles avaient adoptés sa pratique, alors même que les singes n’avaient aucun contact physique entre eux!

Par analogie, sa vision est que la création d’un premier cercle facilite la création d’un second, qui stimule celle d’un troisième, etc. jusqu’à la création du millionième. Son espoir est que, une fois ce seuil symbolique passé, les cercles vont avoir un impact sur toute la société, de par leur seule existence qui sera devenue incontournable. Alors, les sociétés devront prendre en compte sérieusement les valeurs des femmes engagées dans ces cercles, à savoir prendre soin à long terme de la vie, qu’il s’agisse de celle de la famille, du clan ou de la Terre mère.

Elle décrit sa vision dans ce petit livre de moins de 100 pages, avec une écriture en vers très belle et très poétique.

Dans mon passé, j’ai eu l’occasion de participer à de tels cercles et j’ai constaté qu’ils peuvent être des stimulants puissants pour des femmes qui se situent dans un parcours de vie plutôt traditionnel, pour qui l’archétype de la féminité, la maternité, le fait d’être une épouse et une mère de famille sont des choses essentielles.

C’est nettement moins simple pour des femmes atypiques, dont le parcours de vie est nettement plus queer, qui assument et expriment pleinement leur part « yang » et qui se définissent par elles-mêmes plutôt que d’attendre de compléter un hypothétique autre. Je fais partie des femmes de cette mouvance et il est possible que nous devions créer nos propres cercles, des cercles de louves et de guerrières afin de trouver notre place.

Je m’interroge aussi sur la possibilité de changer la société uniquement en atteignant un seuil donné. Je vois combien les cercles de pouvoir vivent complètement coupés du reste de la société et je peux tout à fait imaginer que ces derniers fassent tout pour entraver un changement qui les dérange et les met en cause, comme cela s’est passé face aux révolutions sociales du 2ème siècle, dont aucune n’a vraiment pu être achevée à cause de cela.

Mais cela me parait une belle vision et une belle initiative de la part de Jean Shinoda Bolen qui gagne à être connue et tentée par un nombre croissant de femmes de par le monde. C’est pour cela que j’en parle.

Il se trouve aussi que, pour une fois, le monde de l’édition francophone s’est quelque peu réveillé et cet ouvrage a enfin été traduit en Français. Comme le titre de la traduction française n’a strictement rien à voir avec le titre du livre originel, ni avec son sujet d’ailleurs, il faut un peu chercher. Mais il est disponible dans toutes les bonnes librairies:

Jean Shinoda Bolen La pratique des cercles de compassion Jouvence, 2011
Jean Shinoda Bolen
La pratique des cercles de compassion
Jouvence, 2011

 

(*) Voir: Jean Shinoda Bolen, Goddesses in every woman, Harper & Row 1984, Quill Editions, 2004

(**) Voir: Jean Shinoda Bolen, Goddesses in older women, Harper Collins 2001, Quill Editions, 2002

A pale blue dot

En français, « un tout petit point bleu pâle ». Cela fait bien des années que je connais cette photo, qui m’est revenue à l’esprit tout récemment:

"Pale Blue Dot unaltered". Licensed under Public domain via Wikimedia Commons - http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Pale_Blue_Dot_unaltered.jpg#mediaviewer/File:Pale_Blue_Dot_unaltered.jpg
« Pale Blue Dot unaltered ». Licensed under Public domain via Wikimedia Commons –

Est-ce que vous voyez ce que c’est?

Peut-être qu’elle est prise de trop loin. Est-ce que c’est mieux si on se rapproche un peu (en fait vraiment beaucoup) et si on rajoute un avant-plan?

"NASA-Apollo8-Dec24-Earthrise" by NASA / Bill Anders - http://www.hq.nasa.gov/office/pao/History/alsj/a410/AS8-14-2383HR.jpg. Licensed under Public domain via Wikimedia Commons - http://commons.wikimedia.org/wiki/File:NASA-Apollo8-Dec24-Earthrise.jpg#mediaviewer/File:NASA-Apollo8-Dec24-Earthrise.jpg
« NASA-Apollo8-Dec24-Earthrise » by NASA / Bill Anders –

C’est plus explicite comme cela! On peut d’ailleurs se rapprocher encore plus, si on veut:

"The Earth seen from Apollo 17" by NASA/Apollo 17 crew; taken by either Harrison Schmitt or Ron Evans - http://www.nasa.gov/images/content/115334main_image_feature_329_ys_full.jpgAlt: http://grin.hq.nasa.gov/ABSTRACTS/GPN-2000-001138.html (direct link). Licensed under Public domain via Wikimedia Commons - http://commons.wikimedia.org/wiki/File:The_Earth_seen_from_Apollo_17.jpg#mediaviewer/File:The_Earth_seen_from_Apollo_17.jpg
« The Earth seen from Apollo 17 » by NASA/Apollo 17 crew; taken by either Harrison Schmitt or Ron Evans –

Un joyaux qui resplendit de tous ses feux!

La toute première photo a été réalisée en 1990, par la sonde Voyager 1. Elle avait alors dépassé l’orbite de saturne et on lui a demandé de faire un portrait de famille des planètes de notre système solaire. Sur les 60 photos alors réalisées par la sonde, la terre ne couvre qu’un fragment d’un seul pixel de l’une de ces photos. Tout le reste de cette même photo, c’est le noir de l’espace, un noir si profond et absolu qu’aucune encre, aucun pigment, aucun écran d’ordinateur ne peut le représenter fidèlement.

Accessoirement, cette photo a été le sujet d’un livre célèbre de Carl Sagan.

Face à cette photo, certaines personnes y voient un signe de l’insignifiance de nos existences. Cela n’est pas mon cas. Pour moi, elle est d’abord un signe de fragilité et d’interdépendance.

Je vois de la fragilité dans le fait que toutes nos histoires, nos passions, nos bonheurs, nos terreurs, nos joies, nos peines tiennent dans ce seul fragment de pixel. Et il n’y a pas (encore) de pixel de rechange.

Je vois de l’interdépendance dans le fait que non seulement toute l’humanité tient dans ce minuscule fragment d’image, mais aussi l’intégralité du vivant. La nature n’est pas loin de nous, ailleurs, comme un étranger distinct. Elle est à côté de nous et en nous, tout comme nous sommes une partie d’elle. C’est cela que, pour moi, ce petit point bleu pâle met en lumière, et en perspective.

C’est, bien sûr, quelque chose que les peuples premiers savent depuis des millénaires. Ils n’ont pas oublié et ils n’ont pas besoin de machines pour le redécouvrir. Nous, oui. Nous sommes coupés de nos affects, de nos intuitions, pour certain-e-s nous sommes coupés de notre coeur. Ces machines, ces images nous donnent à voir ce qui est juste sous nos yeux mais que nous ne pouvons plus accepter de percevoir directement, conditionnés que nous sommes par une culture qui réduit l’être humain à sa seule part cognitive et qui réduit la nature au rang chose que nous devons dominer, écraser et réduire au rôle d’outil de production. En l’écrasant, c’est aussi nous que nous écrasons. En la traitant comme une poubelle, nous nous traitons comme une poubelle!

La mission voyager 1 avait évidemment un but scientifique qu’elle a rempli brillamment. Ceux qui ont souhaité lui faire faire ce portait de famille impromptu ont du énormément lutter pour se faire entendre. Mais si elle n’avait servi qu’à donner à voir ce petit point bleu, la fragilité de notre monde et l’interdépendance de tous les êtres vivants, elle aurait, à mes yeux, très largement valu la peine.

 

 

 

Caverne et cosmos

Michael Harner, Mama Editions, 2014
Michael Harner, Mama Editions, 2014

Avec quelques autres (Sandra Ingermann, Barbara Tedlock, etc.), Michael Harner fait partie des auteurs dont l’expérience et le sérieux en matière de chamanisme est indiscutable à mes yeux.

Publié en 1980, the way of the shaman (2011 pour la traduction française (*)) et sa définition d’un « chamanisme essentiel », commun à la plupart des traditions (et diffusé via sa fondation), a fortement contribué à faire connaître et à populariser les pratiques chamaniques auprès des personnes vivant en occident.

Sa démarche n’est, bien sûr, pas restée sans critique.

Pour les anthropologues des années 70, Michael Harner a « franchi le rubicond » et « trahi la cause » en acceptant le bien fondé des expériences des personnes des peuples premier qu’il rencontrait, en se faisant initier et en diffusant leur expérience sans la distance, la critique, le scepticisme et le paternalisme indispensable à leurs yeux.

A vouloir définir un ensemble de pratiques conçues comme « essentielles », il en a inévitablement exclu d’autres (comme, par exemple, la référence aux quatre directions de la roue de médecine et l’ensemble des expériences chamaniques spécifiquement féminines (**)). Il a sorti les pratiques qu’il considère comme essentielles des contextes culturels dans lesquelles elles existent aujourd’hui. Ceci a suscité la fureur des personnes pour qui ces éléments sont essentiels.

Quant à l’accusation qu’on lui a faite d’avoir « volé le savoir des peuples premiers » et de se contenter de « faire de l’argent sur leur dos », je sais par ma propre expérience que, pour faire fonctionner une fondation et pour financer des recherches, il faut de l’argent. Le fait de rendre les stages de la FSS payants (et à un coût raisonnable) ne signifie pas que Michael Harner se soit enrichi personnellement.

A mes yeux, le voyage chamanique dans les mondes d’en haut et d’en bas au son du tambour (et sans la moindre utilisation de substance) que définit le « chamanisme essentiel » est en effet une pratique de base. Le chamanisme ne se réduit pas à cela, bien sûr. Mais c’est un outil qui, une fois qu’il est un peu intégré, permet aux personnes qui le souhaitent de poursuivre leur chemin par elles-mêmes et avec les guides qui leur correspondront. Une correspondance avec des membres de la faculté de la Foundation for Shamanic studies m’a confirmé que c’est ainsi qu’elles perçoivent leur mission.

Trente ans après son premier ouvrage, Michael Harner vient d’en publier un deuxième, « Caverne et cosmos », fruit de ses expériences durant toutes ces années et de son parcours de vie (***). Dans ce texte, très riche, il partage ses expériences de vie qu’il juge essentielles. Certaines de ces dernières sont liées à son propre parcours de vie et à sa recherche d’esprits alliés pour pouvoir mener son propre chemin. Une autre, plus générale est que les esprits sont réels (ce ne sont pas que des archétypes), qu’ils aspirent à être reconnus et qu’ils agissent en ce sens à de nombreuses occasions.

Une autre encore est une synthèse des expériences faites par des personnes d’occident lors de voyages chamaniques. C’est un peu comme la première exploration d’un nouveau monde. La carte n’est de loin pas complète. Elle l’est d’autant moins que la manière dont chaque personne fait ce genre d’expérience est unique et personnalisée. Cela me semble néanmoins important de constater que ces personnes refont des expériences que les chamanes des peuples premiers ont fait depuis des millénaires. J’espère que cela contribue et contribuera toujours plus à ce que ces peuples soient respectés, que l’importance et la valeur de leur apport soit reconnue, que leur dignité, leurs droits et leurs terres soient tout autant pris en compte et respectés.

Il me semble tout aussi important de noter que les personnes qui entreprennent ce genre de parcours font l’expérience que nous ne sommes pas séparés des autres êtres vivants et de la nature, mais que nous formons un tout interdépendant, que nous nous devons de le respecter. Ce faisant, nous vivons un sentiment « d’être reliés » très puissant et satisfaisant.

Pour finir, cette synthèse reprend les expériences de personnes qui ont des origines fort diverses. Il est possible de venir d’un environnement chrétien, bouddhiste ou autre et de faire l’expérience de voyages chamaniques. Les résultats sont parfois surprenants et ils peuvent aider à ce que les uns acceptent mieux les expériences et les parcours des autres et réciproquement.

Bref, ce texte me parait vraiment très riche et susceptible de toucher tant les personnes qui ont déjà fait l’expérience de voyages chamaniques que les personnes qui sont curieuses ou qui s’intéressent à ce que cela peut représenter.

 

(*) Voir, Michael Harner, la voie du Chamane, Mama Editions, 2011

(**) Voir Barbara Tedlock,The Woman in the Shaman’s Body: Reclaiming the Feminine in Religion and Medicine, Bantam; reprint edition, 2005

(***) Voir, Michael Harner, Caverne et Cosmos, Mama Editions, 2014

 

 

Enfant doué, enfant indigo, Deux noms différents pour un même type de parcours de vie?

Czarky.gif, wikimedia commons
Czarky.gif, wikimedia commons

 

Dans son tout premier ouvrage(*), la psychothérapeute Alice Miller a utilisé l’expression « d’enfant doué » pour décrire les enfants particulièrement sensibles, perceptifs, relationnels, intuitifs et pour parler des difficultés qu’ils rencontrent dans la vie. En gros, être un enfant doué, signifie avoir toutes les chances de souffrir particulièrement d’un environnement familial non respectueux, abusif, maltraitant, carencé, voire pire encore. Devenus grands, ces enfants continuent à vivre avec une sensibilité toute particulière les coups de la vie qui sont loin de se réduire à l’âge adulte.

Si Alice Miller s’est essentiellement centrée sur la maltraitance et sur ses conséquences, d’autres personnes ont parlé de parcours de vie comparables, en désignant les personnes concernées de « sur-efficients mentaux » (**), de « hauts-potentiels », etc. Ces deux descriptions ont en commun qu’elles parlent du parcours de vie de personnes particulièrement sensibles et réceptives. Les auteur-e-s de ce deuxième courant constatent également que la vie n’est pas évidente pour ces personnes et que l’acuité de leur conscience fait qu’elles ressentent très fortement les épreuves qu’elles traversent. L’une de ces auteures a d’ailleurs intitulé son ouvrage « Trop intelligent pour être heureux? » (***). Personnellement, j’apprécie tout particulièrement la description de Christel Petitcollin qui me semble quasiment écrite de l’intérieur.

Je me reconnais assez facilement dans ces deux descriptions. Il en existe une troisième, celle « d’enfant indigo », d’origine beaucoup plus ésotérique. D’autres la décriront infiniment mieux que je ne saurais le faire, je m’en abstiendrais donc (votre moteur de recherche préféré vous renseignera très facilement). Comme elle me laissait très mal à l’aise, je suis restée à distance de cette dernière pendant des années.

Ce qui me dérange le plus dans la description des personnes dites « indigo », c’est «l’intentionnalité», i.e. «être venue sur terre délibérément et dans le but de réaliser un parcours particulier», souvent très difficile et douloureux. C’est comme s’il y avait des êtres à la fois intelligent et sensibles qui seraient capables de choisir de venir délibérément au monde dans des environnements gravement maltraitants, abusifs, carencés, de subir des conditions de misère matérielle et affective terrible leur garantissant une vie extrêmement difficile et douloureuse, d’enfant maltraité, puis d’adulte traumatisé et prisonnier de son passé, de femme abusée et battue voire pire encore. Désolée, ca ne passe pas et je récuse la vision du monde selon laquelle « il n’y aurait pas de hasard ». En tout cas moi, je ne me reconnais pas là dedans. En fait, il est absolument clair pour moi que je ne veux pas être là (dans cette existence) et c’est ainsi, point.

Suite à un concours de circonstances, je suis tombée sur un site décrivant quelque chose de plus concret, de plus palpable et surtout de plus acceptable pour moi (****). Ce site décrit les personnes dites indigo à partir de 8 besoins fondamentaux et de 25 caractéristiques principales. En les parcourant, je me suis rendu compte que je me sens correspondre à tous les besoins fondamentaux listés (vivre ma vérité intérieure, être intègre, vivre dans la congruence, servir, vivre libre, aimer, avoir besoin d’harmonie et harmoniser et exprimer ma propre forme de reliance), mais pas toujours de la manière décrite. Mon expérience de «plus grand que moi», par exemple, n’est pas démonstrative. Je ressens cette dimension dans certaines de mes intuitions, dans la Présence silencieuse que je peux percevoir tout au fond de moi, dans des signes très discrets, dans la manière dont je peux prendre soin de mes proches. Tout cela n’a absolument rien de spectaculaire. Il en va de même pour le reste. Je me retrouve également dans au moins 20 des 25 caractéristiques principales listées sur ce site. Je me suis rendue compte que je me retrouve devant une description qui me correspond assez bien.

Se pourrait-il qu’il s’agisse de moi? Se pourrait-il que cette catégorie ait quand même un sens?

Dans un premier temps, je n’étais pas très à l’aise avec cette éventualité. Mon côté « carrée », scientifique, ne s’y retrouve pas. Dans un deuxième temps, en observant ma dynamique de vie concrète, je dois bien admettre que je me retrouve dans une bonne part de la description concrète des personnes indigo que j’ai trouvée sur ce site. Que je sois venue au monde dans le but d’agir dans ce sens ou pas, en pratique j’agis dans le même sens que les personnes qui y sont décrites. Même le faire à ma manière et y mettre mon grain de sel fait partie de la description! Est-ce que le reste ne serait pas qu’une question de rhétorique ou de vision du monde?

Là où cela me semble important au delà de ma personne, c’est que ces trois descriptions indépendantes provenant de personnes et d’époques différentes convergent (sans être identiques, bien sûr). Cela est pour moi le signe que les personnes douées, sur-efficientes,  indigo sont plus nombreuses que dans le passé et que leur présence devient visible, au point qu’il existe une petite littérature à leur sujet. Alors que je me suis longtemps sentie seule au monde avec ma différence, je rencontre de plus en plus de personnes dans mon entourage qui se reconnaissent dans au moins un de ces trois termes. C’est pour moi le signe d’un changement.

A l’heure d’internet, des blogs et des réseaux sociaux, les personne au parcours de vie atypique ne sont plus condamnées à rester seules dans leur coin. Il est aujourd’hui possible à chacun-e d’entre nous d’exprimer sa part de « parole sacrée ». Il est aussi possible d’aider à créer un réseau de relations, de connexions, de partages d’expériences qui permettront aux enfants doués de partager leurs expériences de vie. Ce faisant, il sera important d’éviter « d’entrechoquer trop souvent des tubes de nitroglycérine », pour reprendre l’expression de Christel Petitcollin. Il est aussi important d’en faire un partage d’expériences positives de vie qui stimule le chemin de chaque personne plutôt qu’un partage de mal-être qui serait un vrai poison (et ne ferait que reproduire ce que les personnes vivent déjà dans leur quotidien).

Qu’est-ce qui peut en sortir? Je n’en sais humblement rien. Je sais juste que trop d’enfant doué-e-s vivent très difficilement leur vie. Je sais aussi que nombre d’entre eux souffrent, beaucoup, de ne pas pouvoir exprimer cette part d’essentiel qu’ils portent qu’ils ont envie d’offrir au monde. Et j’ai envie d’essayer.

(*) [Miller, 2012] Alice Miller, Le drame de l’enfant doué, PUF,  2012 (pour l’édition actuelle)

(**) [Petitcollin, 2010] Christel Petitcollin, Je pense trop, comment canaliser ce mental envahissant, Guy Trédaniel, 2010

(***) [Siaud-Facchin, 2008] Jeanne Siaud-Facchin, Trop intelligent pour être heureux? L’adulte surdoué, Odile Jacob, 2008

(****) Voir : http://www.lousonna.ch/999/sindigo.html

 

Questions existentielles et spirituelles

Agathla Peak, Monument Valley
Agathla Peak, Monument Valley

 

La dimension de «plus grand que soi» de chaque personne lui est propre et très intime. Il me semble cependant qu’un point qui peut réunir la grande majorité des enfants doués est qu’ils sont dans l’impossibilité de se satisfaire de vérités imposées de l’extérieur et qu’il-elle-s recherchent en eux-mêmes leurs propres réponses aussi singulières soient elles.

Il est possible que certaines de mes propres réponses puissent être pertinentes pour d’autres. C’est pourquoi je les propose ici, ne serait-ce que pour qu’elles aident d’autres à trouver les leurs.

Il existe dans la nature une forme d’indétermination liée aux lois qui la gouvernent (*). Ces lois nous influencent aussi, en ce sens que je ne crois pas qu’il y ait une intention ou une finalité derrière le fait qu’un être naisse handicapé, dans une famille maltraitante ou avec quelque autre particularité. Les lois de la nature ne sont ni déterministes ni essentialistes. Ce sont nos visions de cette dernière qui le sont.

Je ne crois pas à la prédestination et je suis intimement convaincue que, malgré tous les déterminismes qui influent sur nous, nous avons une part de liberté de choix. De l’interaction de nos libertés individuelles naît nécessairement une part de hasard (d’indétermination) dans nos vies. Nous ne sommes pas sur des rails et les autres ont une existence propre, ils ne sont pas là que pour jouer un rôle ou un autre dans nos vies.

Face à certaines formes de la condition humaine, il est tout simplement naturel et légitime d’être révolté-e et en colère contre la vie. Il y a des sorts qui sont totalement insupportables et il est entièrement légitime et honorable que des personnes mettent toute leur énergie à les corriger.

A mes yeux, les formes de spiritualité patriarcales traditionnelles, encore très largement majoritaires sur cette planète, sont en train de montrer leurs limites. Profondément non respectueuses et toxiques, elles sont dans l’incapacité de répondre aux quêtes de sens de personnes qui ne se laissent plus mettre en esclavage pour servir des pouvoirs religieux qu’elles ne reconnaissent plus comme légitime. Ce mouvement est très lent, plus visible en occident qu’ailleurs, mais présent partout.

Les êtres humains sont en train de se chercher. Mais, quelles que soient les formes de nouvelles expériences spirituelles, pour être vivantes, fécondes et durables, elles se doivent d’accompagner les personnes dans la découverte et le déploiement de leur propre part de «plus grand qu’elles» plutôt que de vouloir leur imposer un paquet de l’extérieur. Elles se doivent aussi de respecter et d’inclure les formes d’expérience spirituelles féminines(**), de même que celles de toutes les personnes qui sont «atypiques» à un titre ou à un autre. Plutôt que d’isoler les personnes et de les rendre dépendantes d’une puissance à laquelle elles devraient tout (***), elles se doivent de les aider à se relier à la nature, aux autres êtres vivants, à leurs proches et à tout ce qui peut les guider dans leur parcours. Elles se doivent de respecter et de valoriser pleinement l’autonomie des personnes, y compris par rapport à leur part «institutionnelle». Il y a encore beaucoup de chemin à faire!

(*)En gros, ce qu’on appelle les mathématiques du chaos

(**) Voir, par exemple:

[Bolen, 2002] Jean Shinoda Bolen, Goddesses in Older Women: Archetypes in Women over Fifty, Harper Perennial, 2002

[Bolen, 2004] Jean Shinoda Bolen, Goddesses in Everywoman: Powerful Archetypes in Women’s Lives, Conari Press, 2004

[Gange, 2002] Françoise Gange, Les Dieux menteurs, Renaissance du livre, 2002

[Gange, 2006] Françoise Gange, Avant les Dieux, la Mère universelle, Editions Alphée, 2006

[Gange, 2007] Françoise Gange, Le viol d’Europe ou le féminin bafoué, Editions Alphéé, 2007

[Gimbuntas, 2005] Marija Gimbuntas, Le langage de la déesse, Editions des femmes, 2005

[Redmond, 1997] Layne Redmond, When the Drummers Were Women: A Spiritual History of Rhythm,
Three Rivers Press, 1997

[Schaefer, 2006] Carol Sachefer, Grandmothers Counsel the World: Women Elders Offer Their Vision for Our Planet, Trumpeter, 2006 (traduit chez Véga en 2012)

[Tedlock, 2005] Barbara Tedlock, The Woman in the Shaman’s Body: Reclaiming the Feminine in Religion and Medicine, Bantam, 2005

(***) Représenté par un dieu à la Zeus, derrière lequel se cache une institution patriarcale

Bienvenue sur le blog « Dans le labyrinthe de la vie »

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Bienvenue dans ce petit blog qui pourra je l’espère, parler à certain-e-s d’entre vous.

Nous sommes de plus en plus nombreux-ses à chercher notre chemin dans un parcours de vie qui est rocailleux, pas toujours serein et dans lequel nous peinons à trouver une issue satisfaisante. Nous sommes aussi de plus en plus nombreux-ses à souffrir d’une société que nous percevons comme devenue folle tant elle va vite, tant le monde professionnel nous semble inhumain et irrespectueux des personnes. Nous sommes aussi de plus en plus nombreux-ses à ressentir que cette société court à sa perte, tant elle s’enfonce dans le « toujours plus », « toujours plus vite », « toujours à plus court terme », sans prendre en compte les conséquences humaines, sociétaires et environnementales de ses actions.  Et cela nous est insupportable.

Il existe de nombreux sites sur l’écologie, l’aménagement durable de la société, la permaculture, des modes de vie moins consommateurs, la souffrance au travail qui devient insupportable pour un nombre croissant de personnes, la défense des droits humains des personnes LGBT (*), la défense des droits des femmes, celle des personnes intersexuées, les expériences spirituelles et les questions existentielles des personnes d’aujourd’hui, etc. Nombre de ces blogs sont tenus par des personnes fort bien informées et intentionnées et leur rayonnement est mérité.

A mes yeux, ces différentes luttes, menées par des personnes très différentes au parcours de vie et aux croyances souvent très différentes, sont des facettes multiples de l’évolution indispensable des sociétés humaines, qui nous permette d’aboutir à une relation plus respectueuse de la nature (qui nous entoure et dont nous faisons partie), à une société plus humaine et plus respectueuse de chaque personne et aussi à un nouveau «vivre ensemble» qui équilibre les désirs individuels et le soin du groupe, les besoins immédiats et les besoins à long terme de l’humanité et de la nature.

De nombreuses personnes s’engagent dans l’action politique, associative, institutionnelle pour changer nos sociétés et cela est essentiel.

Pour ma part, il me semble que la conversion des coeurs est encore plus essentielle et qu’elle est un préalable indispensable à rendre cette action utile. Une personne qui, par exemple, se sent en lien avec une forêt proche de son domicile ou de son lieu de travail, qui se sent partie de cette dernière et en échange avec elle pourra avoir une relation et des actes touts autres qu’une personne qui la voit juste comme une chose désincarnée, sans aucun lien affectif et relationnel avec elle.

Par ce petit blog, j’essaie d’exprimer ce que je perçois de la dimension existentielle voire spirituelle de ces questions, dimension qui me tient particulièrement à coeur. Je le fais pour moi-même et aussi dans l’espoir que cela puisse parler à d’autres, les stimuler dans leur propre parcours de vie, les aider à trouver leurs propres réponses et à tracer leur propre chemin dans ce monde.

(*) Lesbiennes, Gaies, Bisexuelles et trans