Caverne et cosmos

Michael Harner, Mama Editions, 2014
Michael Harner, Mama Editions, 2014

Avec quelques autres (Sandra Ingermann, Barbara Tedlock, etc.), Michael Harner fait partie des auteurs dont l’expérience et le sérieux en matière de chamanisme est indiscutable à mes yeux.

Publié en 1980, the way of the shaman (2011 pour la traduction française (*)) et sa définition d’un « chamanisme essentiel », commun à la plupart des traditions (et diffusé via sa fondation), a fortement contribué à faire connaître et à populariser les pratiques chamaniques auprès des personnes vivant en occident.

Sa démarche n’est, bien sûr, pas restée sans critique.

Pour les anthropologues des années 70, Michael Harner a « franchi le rubicond » et « trahi la cause » en acceptant le bien fondé des expériences des personnes des peuples premier qu’il rencontrait, en se faisant initier et en diffusant leur expérience sans la distance, la critique, le scepticisme et le paternalisme indispensable à leurs yeux.

A vouloir définir un ensemble de pratiques conçues comme « essentielles », il en a inévitablement exclu d’autres (comme, par exemple, la référence aux quatre directions de la roue de médecine et l’ensemble des expériences chamaniques spécifiquement féminines (**)). Il a sorti les pratiques qu’il considère comme essentielles des contextes culturels dans lesquelles elles existent aujourd’hui. Ceci a suscité la fureur des personnes pour qui ces éléments sont essentiels.

Quant à l’accusation qu’on lui a faite d’avoir « volé le savoir des peuples premiers » et de se contenter de « faire de l’argent sur leur dos », je sais par ma propre expérience que, pour faire fonctionner une fondation et pour financer des recherches, il faut de l’argent. Le fait de rendre les stages de la FSS payants (et à un coût raisonnable) ne signifie pas que Michael Harner se soit enrichi personnellement.

A mes yeux, le voyage chamanique dans les mondes d’en haut et d’en bas au son du tambour (et sans la moindre utilisation de substance) que définit le « chamanisme essentiel » est en effet une pratique de base. Le chamanisme ne se réduit pas à cela, bien sûr. Mais c’est un outil qui, une fois qu’il est un peu intégré, permet aux personnes qui le souhaitent de poursuivre leur chemin par elles-mêmes et avec les guides qui leur correspondront. Une correspondance avec des membres de la faculté de la Foundation for Shamanic studies m’a confirmé que c’est ainsi qu’elles perçoivent leur mission.

Trente ans après son premier ouvrage, Michael Harner vient d’en publier un deuxième, « Caverne et cosmos », fruit de ses expériences durant toutes ces années et de son parcours de vie (***). Dans ce texte, très riche, il partage ses expériences de vie qu’il juge essentielles. Certaines de ces dernières sont liées à son propre parcours de vie et à sa recherche d’esprits alliés pour pouvoir mener son propre chemin. Une autre, plus générale est que les esprits sont réels (ce ne sont pas que des archétypes), qu’ils aspirent à être reconnus et qu’ils agissent en ce sens à de nombreuses occasions.

Une autre encore est une synthèse des expériences faites par des personnes d’occident lors de voyages chamaniques. C’est un peu comme la première exploration d’un nouveau monde. La carte n’est de loin pas complète. Elle l’est d’autant moins que la manière dont chaque personne fait ce genre d’expérience est unique et personnalisée. Cela me semble néanmoins important de constater que ces personnes refont des expériences que les chamanes des peuples premiers ont fait depuis des millénaires. J’espère que cela contribue et contribuera toujours plus à ce que ces peuples soient respectés, que l’importance et la valeur de leur apport soit reconnue, que leur dignité, leurs droits et leurs terres soient tout autant pris en compte et respectés.

Il me semble tout aussi important de noter que les personnes qui entreprennent ce genre de parcours font l’expérience que nous ne sommes pas séparés des autres êtres vivants et de la nature, mais que nous formons un tout interdépendant, que nous nous devons de le respecter. Ce faisant, nous vivons un sentiment « d’être reliés » très puissant et satisfaisant.

Pour finir, cette synthèse reprend les expériences de personnes qui ont des origines fort diverses. Il est possible de venir d’un environnement chrétien, bouddhiste ou autre et de faire l’expérience de voyages chamaniques. Les résultats sont parfois surprenants et ils peuvent aider à ce que les uns acceptent mieux les expériences et les parcours des autres et réciproquement.

Bref, ce texte me parait vraiment très riche et susceptible de toucher tant les personnes qui ont déjà fait l’expérience de voyages chamaniques que les personnes qui sont curieuses ou qui s’intéressent à ce que cela peut représenter.

 

(*) Voir, Michael Harner, la voie du Chamane, Mama Editions, 2011

(**) Voir Barbara Tedlock,The Woman in the Shaman’s Body: Reclaiming the Feminine in Religion and Medicine, Bantam; reprint edition, 2005

(***) Voir, Michael Harner, Caverne et Cosmos, Mama Editions, 2014

 

 

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