Le 10 août 2024, la RTS publie un article sur la maltraitance dans les milieux évangéliques en Suisse, Cet article nous ramène à ce que la psychothérapeute Alice Miller avait décrit d la maltraitance systématique et organisée dans nos sociétés ((1), (2)) il y a plusieurs décennies de cela.
Alors même qu’Alice Miller a écrit il y a déjà longtemps, l’article de la RTS ramène exactement aux mêmes mécanismes, en l’occurence le déni total de l’enfant de ses droits les plus élémentaires, de ses besoins psycho-affectifs, de sa souffrance, l’usage de la force la plus brutale afin d’obtenir une soumission aveugle de la part de ce dernier et l’affirmation selon laquelle ce serait, en plus, « pour son bien ». Il est également question d’institution religieuses qui instruisent les parents à battre leurs enfants au nom d’un « dieu » pour obtenir cette soumission. C’est très exactement ce que Alice Miller avait documenté sur les manuels d’éducation d’une certaine époque. Et il est question, bien sûr, des mêmes conséquences sur la psyché et la vie des enfants victimes de ces traitements.
Non seulement ces maltraitance sont extrêmement graves, mais elles sont une cause classique de NDE. Les parents étant les tortionnaires, il n’est que rarement possible de faire confirmer médicalement la mort clinique de l’enfant durant cette expérience. Mais le vécu et ce que rapportent les enfants, des décennies plus tard, est du même ordre que ce que rapportent les personnes qui ont vécu des NDE induites par d’autres causes, comme un accident.
Ce que ces NDE ont de spécifique, c’est que les personnes qui les vivent rapportent que, durant ces dernières, elles reçoivent un soutien qui leur permet de ne pas craquer physiquement et psychologiquement alors même que les conditions qu’elles subissent sont horribles. La vidéo ci-dessous en est un exemple.
Interview par Werner Huemer de la chaîne Thanatos TV EN
Les personnes qui passent par de telles épreuves sont inévitablement confrontées à la question du sens de ces dernières et de celui de leur vie qui en est très significativement impactée.
Au-delà du fait que chaque personne a ses convictions, les points ci-dessous sont des éléments de base qui ne doivent pas être oubliés.
Les adultes qui commettent ces actes sont capables de discernement, ils bénéficient du libre arbitre et ils sont pleinement responsables de leurs actes, y compris pénalement. Ce ne sont pas des marionnettes.
Le respect le plus élémentaire des personnes veut qu’il soit indispensable de reconnaître pleinement la souffrance et l’oppression des personnes victimes de tels actes.
Le fait de reconnaître clairement, parfois légalement, le statut de victime des personnes qui subissent de telles maltraitance est souvent essentiel pour les aider à prendre les mesures qui leur permettent de reconstruire leur vie
Il est véritablement essentiel de ne pas tomber dans ce que d’aucuns appellent le « spiritual bypassing » ((1), (2), (3)), à savoir le déni de l’autre, de son ressenti et de sa souffrance sous des prétextes « spirituels ». Ceci n’est qu’une forme de maltraitance de plus!
Psychiatre d’origine bernoise, Evelyn Elsaesser est l’une des chercheuses de longue date dans le domaine de la conscience et des NDE. Basée en Suisse, elle est active depuis plus de 30 ans dans les études concernant les NDE et la conscience. C’est une chercheuse indépendante, qui collabore avec des universités britanniques pour ses travaux de recherche. La liste des publications académiques auxquelles elle a participé est accessible au travers de sites comme Google Scholar ou Research Gate.
Après avoir travaillé sur les NDE / EMI elle a orienté ses recherches sur les contacts avec les défunts. Ce sujet fait l’objet de recherche académique depuis des décennies. Mais la manière de le nommer montre bien qu’il n’est pas considéré de la même manière par les chercheurs anglo-saxons que par le monde académique francophone. En anglais, le langage est direct et il est question de « after death communication ». En français, il est question de « Vécu subjectif de contact avec les défunts ». En d’autres termes, le français induit une distance et un jugement de valeur qui n’existe pas du tout en anglais, et sans lequel il serait totalement impossible d’aborder de tels sujets dans le monde académique francophone.
Les communications spontanées avec les défunts sont un phénomène assez fréquent pour qu’une importante partie de la population ait l’occasion d’en vivre au moins une au cours de son existence (entre un et deux tiers de la population suivant les sources (1), (2), (3)). Elles ont le potentiel de fortement faciliter le processus de deuil des personnes qui les vivent, qui sont rassurées par ces contacts. Elles permettent souvent de faciliter la résolution de situations restées problématiques du vivant de la personne décédée.
Dans son dernier travail de recherche, effectué en collaboration avec l’université de Southampton, elle recueilli plus d’un millier de cas de contact avec des défunts. Avec son équipe, elle en a analysé les effets sur les personnes qui les ont vécus.
Comme dans les autres recherches sur ce sujet, elle a pu documenter un impact très positif de ces contacts sur les personnes qui en ont bénéficié. Ceux-ci facilitent le processus de deuil, en particulier en cas de mort soudaine et violente (dans lesquels il n’a pas été possible de dire « au revoir » au défunt). Ils contribuent aussi à transformer les perspectives de ces mêmes personnes. Les réconciliations qu’il peut y avoir au-delà de la mort peuvent avoir un effet profondément apaisant sur des situations lourdes et irrésolues (pensez par exemple, au cas de parents abuseurs qui s’excusent de leur actes auprès de leurs enfants). Les questions sur la mort des trouvent également une réponse qui contribue à apaiser et à faciliter la vie de « receveurs » (terme utilisé par Evelyn Elsaesser) de ces expériences.
Elle prend soin de ne pas prendre position sur la question tout à fait essentielle « ces expériences sont-elles réelles ou non?« . Elle se contente de les décrire et de décrire leur impact sur les personnes qui les vivent. Sur cette base, à chacun de se forger sa propre opinion.
L’ouvrage qui vulgarise les résultats de cette recherche a l’avantage d’être rédigé en français et il peut être très utile pour des personnes qui s’intéressent à cette thématique sans encore en être familières de cette dernière.
Les personnes qui vivent une NDE font une expérience si marquante qu’elle bouleverse la suite de leur existence. Elles le racontent individuellement et les synthèses d’expérience qui se basent sur le parcours de nombreuses personnes (comme celle de P.M.H. Atwater) témoignent de l’importance de ce phénomène.
Elle ne fait pas non plus exception en ayant publié un récit de son expérience, comme de nombreuses autres personnes ayant vécu des NDE. Et elle aussi rapporte que les êtres qu’elle a rencontré durant son expérience ont souhaité qu’elle partage cette dernière.
Ce qu’il y a de particulier dans son expérience, c’est que durant sa NDE Elle a rencontré des êtres qui l’ont confrontée et lui ont fait constater qu’elle ne vivait pas la vie la vie la plus pleine et la plus juste possible. Ils lui ont proposé douze principes qui lui permettraient de vivre une vie beaucoup plus accomplie et lui ont suggéré de les partager avec toute personne qui pourrait les entendre.
Ces douze principes ne sont pas des idées (ou des sujets à aborder de manière avant tout cognitive) mais bien des principes expérientiels à vivre et à ressentir de manière incarnée. Les mots viennent ensuite. Ceci est d’autant plus important qu’ils sont considérablement plus riches et profond que ce qu’une lecture purement cognitive peut laisser croire.
Dans son livre, chacun d’entre eux fait l’objet d’un chapitre spécifique. Les voici résumés, sur la base de leurs titres et de la petite introduction qui les suit dans son texte.
Aimer et exprimer notre compassion
« Nous ne sommes pas sur Terre uniquement pour apprendre, mais pour aimer. Nous sommes sur Terre pour aimer tout et tout le monde. Nous sommes censés trouver et éprouver de la joie en ressentant et en exprimant notre amour aux autres. C’est au travers de ces actes d’amour et de compassion que nous nous rapprochons de notre centre spirituel et de la Source. »
Nous sommes un miracle, traitons-nous en conséquence
« Nous sommes un miracle, traitons-nous en tant que tel dans tout ce que nous faisons, disons et pensons. Nous avons reçu le don magnifique de la vie, notre corps et notre esprit. Profitons de ces cadeaux avec joie ».
La Terre est un miracle, traitons-la en conséquence
« Le monde est un miracle que nous pouvons honorer avec chacune de nos pensées, de nos mots et de nos actions ».
Nous sommes créatifs et puissants
« Chacun de nous est considérablement plus créatif et puissant que ce qu’il peut imaginer! Nous avons une capacité quasiment infinie d’aimer de créer, de vivre en harmonie et de vivre une vie inspirée par notre spiritualité ».
Nous sommes tous connectés
« Chacun de nous, nous tous ensemble et toute la création nous sommes connectés à la Source et tous ensemble au travers d’elle ».
Laissez faire et lâchez prise
« Laissez la Source agir au travers de votre vie. Lâchez prise sur votre besoin de tout contrôler jusqu’aux plus petites choses. Créez l’espace qui permette à la source d’agir dans votre vie et voyez quelles prises de consciences et quelles expériences cela vous fait vivre.«
Permettez aux autres de vous exprimer de l’amour
« Exprimez votre amour pour les autres en leur permettant de vous exprimer le leur. Permettez aux autres de vous aider quand vous en avez besoin. Permettez leur de vous exprimer leur compassion, de prendre leurs propres décisions, de faire leurs propres choix et d’être responsables pour leurs propres vies. Nous sommes toutes et tous sur un chemin différent. Aimez et respectez le chemin de chaque personne, juste comme vous souhaitez qu’elles aiment et qu’elles respectent le leur.«
Faites confiance à votre propre sagesse intérieure
« Apprenez à écouter votre sagesse intérieure. Suivez sa guidance. Le sens de votre vie et vos appels s’y trouvent. Suivez cette petite voix discrète, car elle est la vraie voix de la Source dans votre vie. Quand vous avez des doutes, quand vous avez besoin de guidance additionnelle, votre sagesse intérieure est là pour vous guider. »
Nous ne sommes jamais seuls
« Nous ne sommes jamais seuls, Nous sommes constamment entourés par l’Amour et la Divinité. Chaque seconde de chacun de nous jours, même le plus sombre nous sommes relié-e-s à la Source. »
Faire des choix
« Notre outil le plus puissant dans cette vie est notre capacité à faire des choix, avant nos pensées, nos mots ou nos actions. Faits avec sagesse et compassion, nos choix sont les plus incroyables outils pour vivre la vie à laquelle nous aspirons. »
Vivez votre vie pleinement
« Vous avez une et une seule chance de vivre votre vie en tant que la personne que vous êtes maintenant. Une seule chance. Vivez cette vie pleinement chaque jour, utilisez votre temps avec sagesse et permettez-vous de vraiment ressentir ce que c’est que de vivre la vie en tant que la personne que vous êtes. S’il vous plait, ne gaspillez pas ce cadeau. Vivez votre vie le plus pleinement, de manière à en faire une expression de gratitude et d’amour. »
Exprimez votre gratitude
« Vivez, ressentez, exprimez votre gratitude tous les jours. Tout dans notre monde est un cadeau. La gratitude pour les choses que nous avons et les expériences que nous vivons est notre manière notre amour à la Source pour tous ces dons. Il est essentiel d’exprimer notre gratitude non seulement pour les grandes choses mais aussi pour les petites et aussi d’exprimer notre gratitude aux autres pour tout ce qu’ils amènent dans notre vie. »
D’aucuns trouvent ces principes bien basiques, Tel n’est pas mon cas. Est-ce que la société humaine autour de nous a vraiment l’air de vivre en complète fidélité à ces derniers? Et est-ce que le chemin pour y arriver a l’air si facile que cela?
Ces principes ont l’immense avantage d’être accessibles à tout un chacun, d’être concrets et de constituer un fondement solide pour une bonne vie. En tant que tels, ils me paraissent extrêmement précieux.
Ecouter notre sagesse intérieure nécessite d’être connecté à son corps, à ses ressentis incarnés, d’être capable d’accueillir ses émotions et de savoir quoi en faire. Et même là, tout n’est pas toujours simple…. Certains traumas sont bien cachés. Mais c’est indispensable pour pouvoir sentir où nous en sommes par rapport à ces principes et si quelque chose nous parle plus particulièrement ou, au contraire, nous met mal à l’aise. Il y a de très belles pistes d’exploration pour chacun-e d’entre nous.
Je vous souhaite une très belle aventure.
Sa présentation lors le la conférence de IANDS de 2016. On trouve d’autres interviews d’elle sur Youtube.
PMH Atwater est l’un des premières chercheuses à s’être intéressées aux NDE. en raison d’un parcours de vie pas tout simple, elle a agi en tant que chercheuse indépendante plutôt que rattachée à une institution académique. Elle est loin d’être la seule dans ce cas. Et c’est une des toutes premières membres de IANDS, l’International Association for Near Death studies. Elle a publié plus de dix ouvrages, dont certains sont traduits en français.
Quand bien même elle a agi en indépendante, ses travaux sont reconnus et réputés. Les travaux qu’elle a réalisé sur les personnes ayant vécu des NDE en tant qu’enfant sont particulièrement importants. Elle a aussi ceci de particulier que qu’elle a appliqué une méthodologie d’interview beaucoup plus proches des approches qualitatives et des méthodes forensiques (fille de policier elle a grandi dans un commissariat) que des méthodes quantitatives classiques en sciences sociales. Ca a créé de nombreuses controverses dans le monde académique. Il n’en demeure pas moins que ses travaux sont très importants et qu’elle a pu mettre en évidence des choses que personne d’autre n’avait même détecté. Et elle a des milliers d’interviews de personnes concernées, ce dont très peu de personnes disposent.
Elle est aussi l’une des nombreuses personnes qui ont une double casquette. Elle est à la fois chercheuse et personne concernée. Elle a elle-même vécu 3 NDE en 1977 en raison de problèmes de santé extrêmement mal soignés. Elle a survécu et ce sont ces NDE qui l’ont motivée à commencer des travaux de recherche sur le sujet. Il lui a aussi fallu rencontrer Elisabeth Kübler Ross qui a validé son vécu et lui a aidé à mettre des mots dessus, à une époque où l’information au sujet des NDE était très limitée et pas répandue.
Cette double casquette donne à ses travaux et à ses présentations orales un ton particulier. Elle s’exprime extrêmement bien, tant à l’écrit qu’en présentation, elle est parfaitement accessible et elle écrit pour toucher le plus grand nombre. Elle se lit aisément.
L’une de ses publications est le « Grand livre des NDE » qui permet de parcourir un très grand nombre de facettes de cette thématique avec un seul ouvrage. Il est très accessible, très bien écrit, illustré des oeuvres de personnes ayant vécu des NDE et particulièrement riche. De ce fait, il constitue une porte d’entrée excellente et fascinante dans cette thématique. Et il existe aussi en français! Et cette lecture est l’occasion d’entendre et de se laisser toucher par les expériences et le parcours de très nombreuses personnes.
Pim Van Lommel n’est pas le plus ancien chercheur en matière de NDE. Il n’est pas non plus le seul du monde médical qui se soit lancé dans ce sujet. Mais la plupart de ceux qui l’ont précédé ont publié leurs travaux dans des revues scientifiques spécialisées, comme le « Journal of near death studies« . Quand bien même elles sont accessibles à un large public, elles sont soigneusement évitées par tous les scientifiques qui « ne veulent surtout pas avoir à faire avec ça ». Elles ont néanmoins pu servir de vivier et d’espace protégé depuis une quarantaine d’années (IANDS, par exemple, a été créé en 1981).
Pim Van Lommel est médecin et cardiologue. Il a été formé de manière très classique et il ne s’attendait pas du tout à voir sa carrière évoluer comme elle l’a fait. Sa première rencontre avec ce sujet a eu lieu durant les années 60, quand il s’est fait proprement insulter par un patient qu’il venait de ramener à la vie. Il y a de quoi être interloqué, il l’a été.
Par la suite, il a rencontré d’autres histoires de même style qui ont continué à attirer sa curiosité. Il les a étudiés avec beaucoup de constance, pendant des décennies, au début sur son temps libre et discrètement. Ce travail lui a permis de recueillir des éléments qui lui disaient que les interprétations conventionnelles et matérialistes (hallucinations, etc.) ne tenaient pas la route.
Il a fini par avoir suffisamment d’éléments pour pouvoir proposer et faire financer un projet de recherche en bonne et due forme. Les résultats ont été à la hauteur de ses espérances et il a pu rédiger des articles à des fins de publication dans une revue scientifique avec révision par les pairs. Il a été le premier à réussir à faire accepter son article dans une des revues les plus prestigieuses au monde, à savoir le journal médical The Lancet. Son article a été publié en 2001 et eu beaucoup d’impact. Ses travaux sont très solides (ne publie pas dans The Lancet qui veut) et ils ont eu un très grand retentissement. Mais il a aussi ouvert la voie pour que d’autres chercheurs puissent enfin publier dans des journaux généralistes à très grand facteur d’impact. En tant que tel il a vraiment été un pionnier.
En tant que cardiologue travaillant dans le monde hospitalier, il a pu amener des éléments très solides concernant des cas de NDE qui se sont produit dans un environnement hospitalier avec énormément de données (liées au moniteurs de suivi des données vitales des patients), où des arrêts cardiaques d’une certaine durée impliquent nécessairement un arrêt complet du cerveau et où il devient de ce fait très difficile d’interpréter de manière conventionnelle des témoignages de personnes qui ont, entre autres, clairement vu ce qu’elles ne pouvaient pas voir.
Autre point essentiel, selon ses travaux, environ 12% des personnes qui ont subi un arrêt cardiaque ont vécue une NDE/EMI. en d’autres termes, il y a des millions d’êtres humains de par le monde qui ont cette expérience. Vu l’impact qu’elle a sur les personnes, et à quel point elle transforme leur vie, il se pourrait bien qu’elles finissent par aider à transformer des sociétés humaines qui ont bien du mal à évoluer.
Son article et son ouvrage (cf. ci-dessous) sont aujourd’hui des classiques qui méritent toujours d’être lus.
On notera enfin que c’est un des rares chercheurs qui a pu travailler sur ce sujet depuis une université européenne. La quasi-totalité des autres proviennent du monde anglo-saxon et certains chercheurs qui vivent en Europe continentale (dont Evelyn Elsaesser) collaborent d’ailleurs avec des universités anglo-saxonnes. Il semble, une fois de plus, que les rigidités du monde académique européen soit un énorme frein.
Les deux émissions de télé ci-dessous ont été pour moi le début d’une longue recherche. Ces deux reportages ont été diffusés en 2022 par la RTS. Ils sont le fruit de généralistes qui disent clairement qu’ils ont du mal avec ce sujet (je cite la présentation « À Temps Présent, vous le savez, on a solidement les pieds sur terre, on se sent à l’aise dans la confrontation avec les faits et le réel« ). Mais ils ont été suffisamment respectueux pour laisser les personnes s’exprimer et ne pas charger leurs reportages de commentaires dévalorisants.
A ce titre, ils me semblent toujours constituer une bonne introduction à ce sujet pour des personnes qui ne l’ont jamais abordé. Ils ont aussi l’avantage d’être en langue française. La quasi-totalité des documents de qualité que j’ai trouvé depuis sont en anglais. Et la recherche qui se fait sur ce sujet, se fait essentiellement dans les pays anglo-saxons.
Quoi qu’il en soit, ces deux reportages peuvent être un bon outil, si cela vous intéresse, pour essayer de sentir si cette thématique vous touche et vous interroge alors qu’elle est nouvelle pour vous.
Susan Daniels, Ph. D. and Michael M. Piechowski, Ph. D. editors; Living with Intensity; Great Potential Press; 2009
Cela peut paraître paradoxal aux personnes qui ne sont pas dans cette dynamique de vie, mais grandir et vivre quand on est une personne surefficiente (ou un zèbre pour reprendre le mot de Jeanne Siaud-Facchin) n’est pas tout simple.
Pour commencer, être une personne surefficiente ne signifie pas nécessairement être un-e premier-ère de classe qui va tout digérer facilement et sans affect particulier. Au contraire, certaines de ces personnes souffrent le martyre dans un système scolaire extrêmement normatif, et cela peut avoir des conséquences funestes.
Le développement d’une personne HP a aussi ceci de particulier qu’il est « asymétrique ». En d’autres termes, à un moment donné, un enfant peut avoir un développement cognitif extrêmement avancé, mais une capacité de jugement qui est dans la moyenne, voire légèrement en retard. Cela peut être très compliqué à gérer pour l’entourage et cela peut être à l’origine d’une énorme souffrance pour l’enfant qui en a conscience. Cette souffrance et ses manifestations peuvent être telles qu’elle induit des consultations et des diagnostics psychiatriques erronés de la part de praticiens qui ne sont pas au fait des spécificités du développement des zèbres.
Le fait d’être surefficient peut se manifester dans plusieurs dimensions. Le domaine cognitif n’est que l’une d’entre elles. La sensibilité, l’empathie et les émotions en constituent une seconde. La capacité d’imagination et de créativité une troisième. Les sensations physiques et esthétiques une quatrième. Le domaine psychomoteur la cinquième. L’asymétrie de leur développement signifie aussi que, même adultes, certaines personnes sont surefficientes dans une ou deux de ces dimensions, d’autres dans les cinq à la fois.
J’ai déjà eu l’occasion de dire que la littérature en langue française ne présente de loin pas toute la complexité du développement des personnes surefficientes. Les auteur-e-s sont au mieux conscient-e-s des surefficiences dans les domaines cognitifs et émotionnels. Les autres domaines ne sont pas considérés. Pire encore, le processus de développement intérieur des personnes n’est pas décrit. C’est d’autant plus ennuyeux que ce processus passe par des crises importantes, on pourrait presque dire des phases de « mort puis renaissance » qui sont très marquées et qui, quand elles ne sont pas comprises peuvent amener à des réactions inadéquates de la part de l’entourage ou de professionnel-le-s de la relation d’aide non formés aux spécificités des personnes HP.
Publié en 2009 par Great Potential Press, Living with Intensity [1] est un ouvrage collectif qui vient combler ce vide, en tout cas pour toutes les personnes qui maitrisent la langue anglaise. Les autres ont une motivation de plus de s’y mettre, en attendant que les éditeurs de langue française daignent rattraper leur retard dans ce domaine également.
Il est composé de 15 chapitres rédigés par des auteur-e-s différent-e-s mais avec néanmoins une forte unité entre eux.
Les deux premiers décrivent synthétiquement ce que c’est que d’être une personne surefficiente et le processus de développement intérieur de ces dernières, ce que le psychologue Casimierz Dabrowski avait appelé le processus de « désintégration positive ».
Les sept chapitres qui suivent traitent de ce que c’est que d’être un enfant HP, à l’intention des parents, des enseignant-e-s et des professionnel-le-s de la relation d’aide. Ces chapitres traitent de la bonne manière de stimuler un enfant qui en a absolument besoin, des spécificités de l’adolescence, de l’impact que la lucidité d’un enfant HP peut avoir sur sa vie et sur celle de son entourage, des risques et des conséquences de diagnostics erronés en cas de crise particulièrement intense, des spécificités de l’accompagnement de ces enfants, de l’impact de la particularité des enfants HP sur la dynamique de leur environnement familial et, pour finir, de celui du perfectionnisme dans leur vie.
La partie suivante consacre quatre chapitres aux personnes devenues adultes, en abordant ce que cela signifie d’être une personne HP dans un parcours d’adulte, d’un exemple d’un parcours de vie d’une personne particulière et qui a eu un très grand impact, de l’intégration de la dimension spirituelle dans l’accompagnement de ces personnes et de ce que le travail de Dabrowski apporte aux adultes.
La dernière partie consacre deux chapitres aux travaux de recherche actuels et à venir.
Great Potential Press présente cet ouvrage comme une introduction à l’apport de Casimierz Dabrowski dont la richesse et la complexité sont à la hauteur de celles des personnes surefficientes. Et c’est un fait qu’il constitue une bonne introduction qui permet d’intégrer petit à petit les différents éléments de son regard sur le parcours de vie des personnes HP. Il montre aussi comment cela aide les personnes à devenir autonomes, à traverser et à ressortir grandies de crises de vie qui peuvent être de véritables tempêtes et comment ce processus de croissance se poursuit depuis la petite enfance jusqu’à un âge très avancé.
La deuxième partie dédiée aux enfants me semble être le cœur de cet ouvrage. Les auteur-e-s y donnent des myriades de pistes et de suggestions pour un suivi adapté qui sont susceptibles de fortement aider l’entourage de ces enfants. Il montre aussi qu’il existe au moins des ilots de personnes qui déploient des trésors d’énergie, d’attention, de tendresse et d’intelligence pour aider ces enfants à bien grandir. Cela me touche d’autant plus que, dans mon propre parcours de vie, je n’ai pas du tout bénéficié d’un tel environnement ou de quoi que ce soit qui s’en approche, même de loin.
La partie dédiée aux adultes contient également quelques perles. Tout d’abord, elle intègre la dimension spirituelle de la vie des personnes HP, qui est tellement importante pour un très grand nombre d’entre elles, ceci quel que soit la forme que prenne cette dimension. Ensuite ce même chapitre est le seul qui décrive l’accompagnement de personnes ayant subi des abus très graves, ce qui arrive très souvent et qui ne peut qu’avoir des conséquences dévastatrices chez des personnes particulièrement sensibles. C’est d’autant plus étonnant que les auteur-e-s des autres chapitres sont très conscient-e-s des conséquences des maltraitances et qu’ils citent à plusieurs reprises les ouvrages d’Alice Miller à ce sujet.
Même très bien écrit, la lecture de cet ouvrage demande un peu de temps. Celui-ci est nécessaire pour digérer intérieurement les apports des différents chapitres et éviter que cette lecture ne fasse que compléter ce que nous savons, mais sans rien changer à notre vie et/ou à notre pratique. Prendre ce temps en vaut la peine, c’est un ouvrage fondamental à la fois solide et abordable, qui contiendra des pistes pour de nombreuses personnes.
Mon seul vrai regret, c’est qu’il existe différentes manières d’être unique. On peut être un-e surefficient-e. On peut faire partie de la mouvance LGBTIQ. On peut avoir un parcours de vie très particulier. Et certaines personnes surefficientes les cumulent. Cette thématique-là n’est pas abordée, et, pour moi, elle manque.
[1] Susan Daniels, Ph. D. and Michael M. Piechowski, Ph. D. Editors; Living with intensity, Great Potential Press, 2009
Thaïlande – Ko Phi Phi – Maya Bay, un des lieux qui serait un paradis sur Terre, source Wikimedia Commons
Bien des années après « dying to be me » (1), livre où Anita Moorjani raconte son parcours de vie, sa maladie, son expérience de mort imminente, sa guérison miraculeuse et la sagesse qu’elle en a retirés, elle vient de publier « what if this is heaven ? » ((2), la traduction française doit sortir tout prochainement). Dans ce nouvel ouvrage, elle affirme qu’il n’y a aucune raison pour que l’existence sur cette terre soit l’enfer que tant de personnes expérimentent et qu’elle pourrait, au contraire être bien plus proche de ce que nous qualifions de paradis. Elle développe son argumentation en abordant une dizaine de mythes qu’elle s’active à démonter. Chacun d’entre eux est présenté sous la forme d’un entretien avec une personne. Ces derniers sont inspirés d’entretiens qu’elle a réellement eus, mais sous une forme anonymisée et retravaillée.
Le nouveau livre d’Anita Moorjani
Trois de ces mythes me paraissent particulièrement importants et elle a clairement marqué un point, en tout cas à mes yeux, sur ces sujets.
Le premier de ces points concerne notre système de santé. Elle affirme, à mon avis avec raison, que malgré les centaines de milliards de dollars dépensés dans ce dernier, il ne se préoccupe pas de notre santé, mais uniquement de lutter contre les maladies. En d’autres termes, rien n’est fait ou presque pour apprendre aux personnes comment vivre une vie plus saine, plus longue et plus satisfaisante, ce qui ne peut que contribuer à réduire leur risque de tomber malade et donc d’avoir besoin dudit « système de santé ». En cas de maladie, rien n’est fait non plus pour aider les personnes à mobiliser leurs ressources, ça n’est même pas considéré comme un sujet pertinent.
À mes yeux, cette affirmation est factuelle. Je constate que le problème n’est pas restreint au système de santé, mais étendu à toutes nos sociétés. Par exemple, récemment, le parlement suisse a obstinément refusé de financer des programmes de prévention au niveau national (3). Il a prétexté que ce sujet dépend des cantons et que la confédération doit faire des économies. Comme lesdits cantons doivent eux aussi faire des économies, personne ne fait rien et ça peut continuer comme cela pendant des décennies ! Sans être sûre de ce que je dis (je n’ai pas pu vérifier), je fais aussi le pari que la recherche en matière de prévention et de tout ce qui peut nous garder en santé est le parent pauvre de nos systèmes académiques. Sortir nos sociétés de cette situation va exiger un effort énorme et de nombreuses années, à supposer même qu’elles veuillent évoluer.
Le deuxième sujet sur lequel elle me semble avoir raison et un point très important concerne son affirmation selon laquelle même les personnes les plus spirituelles ont un égo et qu’il ne peut pas en être autrement.
C’est cet ego, ce « moi-je » qui nous permet de prendre conscience de nos ressentis et de nos affects, de nous connaître et de diriger notre vie. Sans ce dernier, nous sommes tout simplement incapables de fonctionner et nous serions réduits à une vie végétative (ou à mourir très vite). C’est donc d’autant plus étonnant et d’autant plus bizarre que certains mouvements spirituels mettent tellement d’énergie à le diaboliser et à en faire quelque chose qui doit absolument être réduit à la portion la plus petite possible. Les conséquences sont importantes quand de nombreuses personnes sont incapables de se respecter elles-mêmes et se font systématiquement passer après tous les autres. Cela laisse la porte ouverte à de très nombreux dysfonctionnements, en particulier sur le plan relationnel.
Elle remarque aussi que de nombreuses personnes souffrent de ce qu’elles appellent « l’ego » d’une personne de leur entourage. Mais, quand elles s’expliquent, ce dont il est question n’est pas tant l’égo de la personne, que son absence de sensibilité, son incapacité d’écoute, son lourd handicap relationnel, son absence d’empathie, voire son trouble de la personnalité sévère. C’est profondément différent et il convient de ne pas confondre.
Anita Moorjani présente le troisième de ces points via un événement qui lui serait arrivé lors de l’une de ses conférences. Lors du moment de questions de cette dernière, une jeune femme se serait levée et lui aurait demandé, d’une voie pleine d’émotion, ce qu’elle avait à dire au sujet de son très jeune enfant qui venait de mourir. Anita Moorjani a senti son immense douleur et sa détresse. Plutôt que de lui dire que son enfant était bien et en sécurité dans le monde des êtres désincarnés et qu’il était toujours avec elle, sensible à son immense douleur, elle est restée silencieuse, s’est levée, s’est approchée d’elle et l’a prise dans ses bras. À mes yeux, c’était la seule chose humaine et respectueuse à faire. C’est aussi pour moi le signe d’une personne assez humaine et sensible pour être capable de sortir de ses certitudes et d’aller à la rencontre de l’autre. C’est tout à son honneur. C’est aussi la confirmation qu’il n’est pas toujours possible d’être positif, qu’il est des situations ou c’est déjà bien (et juste) d’être vrai et sincère.
L’auteure aborde d’autres points qui me paraissent sensés, mais pour lesquels les choses sont à mes yeux plus complexes.
Elle utilise le trauma qu’elle a subi à l’école en raison des harcèlements incessants qu’elle y a subis (sans que ses professeurs ne la protègent), le sentiment de honte et d’être déficientes qu’elle a acquis suite à cela pour affirmer avec raison que ce qui nous arrive n’est pas nécessairement ce que nous méritons. En l’occurrence, il est beaucoup plus question de la profonde insécurité de ses camarades qui l’ont projetée sur elle en la harcelant sans relâche, que d’elle-même. Si je ne peux qu’adhérer à ce constat, je ne peux pas la suivre par la suite, quand elle en conclut que « les deux parties ont joué leur rôle dans cette scène de la vie humaine ».
Je veux bien que la profonde insécurité de ses camarades explique leur motivation, mais cela n’excuse ni ne légitime leurs actes. Par ailleurs, si Anita Moorjani a vécu une expérience extraordinaire qui lui a permis de se libérer d’un coup et sans effort du trauma que ce harcèlement a induit, elle ignore les conséquences dévastatrices et a très long terme qu’ont les traumas sur les autres êtres humains, ainsi que la durée et la très grande difficulté du travail qui est nécessaire pour s’en libérer, même avec les outils les plus efficaces à notre disposition.
Un autre chapitre est consacré au fait que de s’aimer soi-même n’a rien d’égoïste et que nous avons toutes et tous droit à une vie heureuse et satisfaisante. Si je peux aussi entendre cette affirmation, je me demande toujours ce que cela signifie vraiment que « de s’aimer soi-même, de reconnaitre que nous sommes faits d’une énergie divine et que nous sommes des êtres lumineux ». En ce qui me concerne, je constate que la simple exigence de me respecter au moins autant que je respecte les autres est déjà tout un chemin ! Et pour ce qui concerne le fait d’avoir une vie heureuse et satisfaisante, il me semble que nous devons toutes et tous faire avec les circonstances de vie qui sont les nôtres et qui sont loin d’être toujours optimales. Nous pouvons mettre beaucoup d’énergie à les changer et cela peut fonctionner au moins dans une certaine mesure. Mais il me semble qu’il y a toujours une limite sur laquelle nous finissions par buter. Et que faisons-nous à partir de là ?
Un chapitre est consacré à des situations dans lesquelles des personnes qui vivent des situations problématiques ne peuvent pas imaginer qu’il en va différemment des autres. Pleines de bonnes intentions, elles mettent beaucoup d’énergie à essayer d’influencer leurs proches pour que ces derniers adoptent les mêmes pratiques qu’elles-mêmes. Il y a effectivement toujours un risque à projeter ses propres histoires sur l’autre. Mais ce problème est connu, documenté et une personne avertie de son existence a tous les moyens nécessaires pour l’éviter. D’un côté de ce type de situation, il est nécessaire de toujours garder à l’esprit que l’autre est, justement, autre et qu’il peut y avoir une immense différence entre deux parcours de vie, deux situations apparemment semblables. De son côté, la personne qui sent qu’autrui projette sur elle sa propre situation et essaie de l’influencer va devoir s’affirmer et dire clairement « non », même si ça n’est pas facile pour tout le monde.
Un autre chapitre encore est consacré au fait que les femmes ne constituent pas un sexe plus faible que celui des hommes. Le sujet est traité via une conversation qu’elle aurait eue avec une jeune femme provenant d’une société particulièrement patriarcale. Cette jeune femme est en désaccord avec son compagnon au sujet de l’éducation de leur fille et elle est en grand désarroi quand elle constate que les autres hommes de sa communauté refusent de l’entendre. La conversation est intéressante. Mais l’auteure ne va pas jusqu’au fond du sujet. Elle évite de dire à cette jeune femme que, si elle entend vraiment protéger sa fille, elle va devoir très fortement s’affirmer quitte à s’opposer à son compagnon et à prendre des risques potentiellement importants. Plus loin, alors même qu’elle constate que, sous le vernis extérieur, le fond patriarcal n’est vraiment pas loin même dans les sociétés occidentales (4), elle n’aborde pas non plus le fait que les femmes doivent, de ce fait, encore prendre grand soin de défendre vigoureusement leurs droits dans ces mêmes sociétés.
Pour finir, ma vraie réserve concerne son affirmation selon laquelle il serait possible de transformer cette existence en quelque chose de paradisiaque.
En prenant soin de soi, en se respectant profondément, en se libérant de ses traumatismes, en s’affirmant quand c’est nécessaire, j’entends volontiers qu’il est possible de singulièrement améliorer sa qualité de vie, mais sans pour autant qu’il soit possible de parler de paradis. De plus, ce changement ne va pas de soi. Les résistances intérieures peuvent être très fortes, le chemin long, tortueux et compliqué. Les autres sont aussi susceptibles de s’y opposer fortement et le nombre de femmes qui succombent chaque année à un féminicide nous rappelle jusqu’où certains sont susceptibles d’aller.
D’autres changements sont à plus large échelle et nécessitent une évolution de toute la société. Or cela fait des millénaires, au moins, que des personnes particulièrement sensibles et douées mettent les doigts sur ces changements et sur les moyens à notre portée pour y arriver. Cela fait tout aussi longtemps qu’elles subissent les foudres de la société pour ce faire, quand elles n’y perdent pas la vie ! Il y a un moment où nous n’avons plus trop d’autre choix que de faire tant bien que mal avec les limites de cette société (ou alors de quitter ce monde) et cela ne contribue pas à faire de cette existence un paradis.
Le dernier point est que quelqu’un doit se charger du travail difficile, le plus souvent pas fun, voire carrément difficile et usant. Et ce sont souvent les êtres les plus sensibles et les plus éthiques qui s’en chargent, quitte à finir encore plus cabossés par la vie après qu’avant.
Ça n’est pas nécessairement fun et excitant que d’être régulièrement dans un service d’urgence a cinq heures du matin, disponible pour des personnes qui sont entre la vie et la mort. Ça n’est pas nécessairement fun et excitant de prendre soin de personnes très âgées, totalement dépendantes. Ça peut être encore pire quand, dans leur délire, elles vous couvrent d’injures et de coups. Ça n’est pas particulièrement fun non plus de passer une grande part de sa vie à défendre les droits humains, quelle que soit la cause, en effectuant un travail qui peut être épuisant, dans lequel les échecs sont bien plus nombreux que les réussites et dans lequel vous êtes parfois trahi par ceux-là mêmes que vous défendez ! Ça n’est pas nécessairement fun et excitant de mettre toute son énergie à œuvrer à faire évoluer une organisation pour qui c’est une question de survie et alors qu’une minorité de blocage met une énergie colossale à tout figer quitte à recourir au mensonge et aux pires formes de manipulation. Ça n’est pas fun ni excitant de défendre le territoire et l’environnement de peuples premiers face à des organismes qui n’hésiteront pas une seconde a s’en prendre à votre vie, quand ça n’est pas à celle des vôtres ! On peut continuer encore longtemps, la liste est très longue !
Pour conclure, Anita Moorjani me semble avoir un point sérieux quand elle affirme qu’il y a de nombreux cas où nous pouvons rendre notre vie plus pleine et satisfaisante. Nombre de ses points sont sensés et solides. Par contre, il me semble qu’elle sous-estime fortement la difficulté qu’éprouvent la plupart des êtres humains à évoluer vers plus de plénitude. Et j’ai, pour ma part, de très grosses réserves pour ce qui est de passer de « une vie notablement meilleure » au « paradis sur terre ».
(1) Anita Moorjani, Dying To Be Me: My Journey from Cancer, to Near Death, to True Healing, Hay House, 2012
(2) Anita Moorjani, What If This Is Heaven?: How I Released My Limiting Beliefs and Really Started Living, Hay House, 2016
MUNICH – SEPTEMBER 6: Gold medalist Selina GSCHWANDTNER of Germany competes in the 50m Rifle 3 Positions Women Finals at the Olympic Shooting Range Munich/Hochbrueck during Day 4 of the ISSF World Cup Final Rifle/Pistol on September 6, 2015 in Munich, Germany. (Photo by Nicolo Zangirolami)
Retrouver son centre, être juste présent-e à soi même, lâcher prise, accueillir et accepter ce qui est dans l’instant présent. Pour de nombreuses personnes, il s’agit d’une pratique qui les relie à des formes de spiritualité plutôt orientales, qui guident des millions de personnes depuis des temps immémoriaux.
Pour autant, cette pratique a aussi des racines séculaires en occident, en particulier au travers des différentes formes de tir sportif.
Le petit calibre (.22LR) a une longue histoire, il prend peu de place, il est parfaitement compatible avec le respect de l’environnement, avec la modération des nuisances sonores et il peut aisément s’intégrer tant dans un environnement urbain que rural. Au même titre qu’un arc, une carabine ou un pistolet de match en .22LR n’ont qu’une lointaine relation avec ce que d’autres utilisent pour mettre le monde à feu et à sang (*).
Les matchs à la carabine de petit calibre se tirent avec des cibles à 50 mètres de distance et le 10 ne fait que 1.4 centimètre de diamètre (1)!
La personne se trouve confrontée à elle-même et à la cible, 50 mètres plus loin. Inutile de s’acharner. Atteindre ce dix nécessite un mélange très particulier de lâcher prise, d’acceptation de ce qui est et de détermination à aller au bout de ses capacités. Y arriver exige aussi de durer dans le temps, y compris face à l’echec et face à d’autres qui semblent y arriver avec tant de facilité! S’énerver, vouloir forcer les choses a toutes les chances de produire un échec. se retrouver semaine après semaine, mois après mois, année après année face à cette même cible, est une sacrée école de vie. On peut en faire une compétition et vouloir se retrouver en finale aux jeux olympiques. On peut aussi le vivre comme une forme de travail sacré qui nous rend présent à nous-même, à notre corps, à notre respiration, à nos limites, à l’instant présent sans la moindre fioriture. Et être simplement présent nous aide à grandir.
Sans compter les fois où on fait enfin un super score!
One of the many Native Alaskan totem poles on display at Sitka National Historical Park, Alaska. Photograph by Robert A. Estremo, copyright 2005.
Traditionnellement, la Suisse a accordé peu de priorité à la recherche en sciences sociales. Il y a cependant au moins une exception, à savoir la sociologie de religions, qui est régulièrement stimulée par des programmes de recherches pluriannuels. Ces derniers donnent très souvent lieu à des publications intéressantes.
Le dernier, le programme national de recherche No 58 dont le titre était «collectivités religieuses, état et société» (1), s’est terminé en 2012. Son module No 5, qui s’intéressait à la manière dont les Suisses et les Suissesses se situent par rapport aux religions et à la spiritualité (2) va enfin voir ses résultats paraître en langue française sous une forme étendue. Jusqu’à maintenant, seuls des résumés étaient disponibles online (3). L’ouvrage qui décrit ses résultats de manière plus approfondie est paru en 2014 en langue allemande (5). et il va paraître en langue française aux éditions Labor et Fides dans les jours qui viennent (6). Je trouve juste regrettable que le titre originel (« Religion und Spiritualität in der Ich-Gesellschaft») ait été traduit en («Religion et spiritualité à l’ère de l’ego»). En allemand, le «ich» est le «je». Le traduire par le terme «d’égo» porte indirectement un jugement de valeur négatif sur le «je» en question.
Sur le fond, le constat de ce programme de recherche est intéressant à plusieurs titres:
Les «institutionnels», pratiquants (catholiques et réformés) assidus et aux valeurs très conservatrices, sont clairement minoritaires (17%)
En regroupant 10% de la population, les «séculiers» (indifférents ou antireligieux) sont toujours minoritaires, mais ils sont clairement visibles.
La grande majorité de la population (64%) se définit comme «distanciée». Sans rejeter complètement son appartenance à une institution religieuse, sa pratique est très occasionnelle et la religion a, en fait peu d’importance pour elle.
Il existe une dernière minorité qui devient elle aussi visible, à savoir les personnes «alternatives» qui représentent 9% de la population. On retrouve dans cette catégorie des personnes ayant de très nombreuses approches (bouddhistes, tantriques, yogis, praticien-ne-s du chamanisme et/ou des formes féminines de spiritualité, etc.). Toujours selon cette étude, ce sont les membres de ce groupe qui ont les valeurs les moins conservatrices.
Contrairement à ce que certains avaient prédits, la Suisse du début du 21ème siècle ne s’est pas recentrée autour des phénomènes religieux. Elle n’est pas non plus devenue fortement séculière, même si ce groupe est en nette progression. D’aucuns diront qu’elle est dans un entre deux qui est typiquement suisse.
Avec 64% de distancié-e-s, il est clair que les Suissesses et les Suisses ne font plus confiance, ou, en tout cas, n’ont plus une confiance aveugle, dans les institutions religieuses traditionnelles.
Avec 9% d’alternatif-ve-s, il y a au moins une minorité qui se sent tentée d’expérimenter autre chose qui pourrait mieux lui correspondre. Cette minorité est souvent regardée avec suspicion. Ses pratiques sont soupçonnées de sectarisme, source de nombreux dangers. De toute évidence, le risque est réel et il arrive régulièrement que des groupes soient dénoncés pour des pratiques douteuses. Mais est-ce qu’il est moindre dans les groupes majoritaires? Ca n’est pas parce qu’ils ont pignon sur rue et qu’ils sont fortement implantés depuis des siècles que leurs pratiques sont nécessairement différentes. Sans remonter au Kulturkampf, force est de constater que ce sont ces mêmes groupes qui se sont massivement mobilisés contre l’avortement, qui continuent à vouloir réduire les femmes à l’état de domestiques, qui ont lutté contre le partenariat civil enregistré (et le mariage pour tous en France), contre toute forme d’adoption par les couples hétérosexuels, qui prétendent toujours avoir toute la vérité à eux seuls, etc.
Il me semble que le fait de promouvoir des chartes de bonnes pratiques que devraient respecter tous ces groupes (minoritaires ou non) pourrait contribuer à mettre des garde fous et à limiter les conséquences en cas de dérive, en tout cas parmi les groupes qui les respecteraient.
La toute première de ces pratiques, qui devrait aller de soi, serait d’exiger une révision des comptes par une institution fiduciaire externe.
La deuxième consisterait pour ces institutions à proclamer qu’elles ont conscience de représenter un chemin parmi d’autres, qu’elles admettent ne pas avoir toute la vérité (tout au plus elles cherchent la leur) et qu’elles s’engagent à ne pas vouloir imposer leurs règles et leurs comportements à la société civile.
La troisième consisterait à proclamer que l’institution a pour valeur fondamentale le respect de l’autonomie de chaque personne, y compris de ses membres et y compris vis à vis d’elle-même. Pour ce faire, elle prend plusieurs mesures:
Elle s’engage à ne pratiquer aucune discrimination qu’elle qu’elle soit, y compris de race, de sexe, de genre, d’orientation sexuelle, d’identité de genre ou pour quelque autre motif que ce soit
Elle exige de chaque personne engagée en son sein de se faire superviser (pour leur pratique au sein de l’institution) à ses frais, par une personne officiellement agréée et complètement indépendante de l’institution.
Elle exige de chaque personne engagée en son sein de travailler à son développement personnel, là encore à ses frais et par une personne complètement indépendante de l’institution.
Elle institue une commission chargée de traiter les plaintes (non respect, manquement à l’éthique, etc.). Cette commission a un pouvoir de décision et elle est composée au moins pour moitié de personnes indépendantes de l’institution.
Elle mandate une commission de «révision éthique» elle aussi externe afin d’arbitrer les questions de conflits de pouvoir, d’influence, les désaccords majeurs, voire les dissidences.
Elle organise des mécanismes permettant aux personnes de la quitter aisément et sans pression du groupe.
Elle organise des mécanismes permettant aux sous-groupes dissidents de se séparer aussi paisiblement que possible. En se constituant en groupes autonomes, ces derniers doivent reprendre ces obligations à leur propre compte.
Tout cela peut paraître très administratif. Mais les scandales qui éclaboussent certaines groupes, dont des groupes ayant des centaines de millions de membres de par le monde, montre que tous profiteraient de règles de ce type.
Sans être parfaites, elles constitueraient des garde-fous relativement solides. Ces derniers pourraient aider les personnes à chercher leur chemin là où elles le sentent juste avec un minimum de garanties de sécurité.
Elles permettaient aussi à des groupes alternatifs d’établir le sérieux de leur comportement et de leur pratique. Ceci pourrait aussi contribuer à permettre à plus de personnes de tirer parti de facettes de l’expérience humaine qu’ils portent et qui peuvent être précieux pour de très nombreuses personnes.
(5) J. Stolz, J. Könemann, M. Schneuwly Purdie, T. Englberger & M. Krüggeler (2014). Religion und Spiritualität in der Ich-Gesellschaft. Vier Gestalten des (Un-)Glaubens. Zurich: TVZ/NZN.
(6) J. Stolz, J. Könemann, M. Schneuwly Purdie, T. Englberger & M. Krüggeler (2015). Religion et spiritualité à l’ère de l’ego. Quatre profils d’(in-)fidélité. Genève: Labor et Fides.